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Ces étrangers qui nous accueillent en Suisse: l’homme qui ne s’arrête jamais

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Jeudi, 30 Juillet, 2015 - 05:46

Coiffure. Né en Macédoine, Albanais d’origine, Erhamer Selmani a travaillé comme un fou pour atteindre son but. Portrait d’un stakhanoviste dans son salon biennois.

Elégant gilet et chemise blanche, Erhamer Selmani sort de sa Mini Cooper noire, le pas léger et le style décontracté. Ce mardi matin, il est pile à l’heure au rendez-vous et a parqué à quelques pas de son salon de coiffure. C’est là, au cœur de Bienne, que des centaines de clients de toutes les nationalités viennent se faire raser ou couper les cheveux, chaque semaine, par Erhamer, dit Meli, ou l’un de ses trois employés.

Canapé en cuir brun, revues automobiles, blaireau et crème à raser, pas de doute, il y a de la testostérone dans l’air chez Fiore. Le propriétaire des lieux a gardé le nom d’origine du salon, créé par un Italien. Mais il a l’intention de changer le décor prochainement: «J’aimerais faire quelque chose de rétro et accentuer ainsi le côté barbier.»

La coiffure n’est qu’une des casquettes du Biennois. Outre l’huile biologique Aulona – lauréate de deux prix internationaux – qu’il fait produire en Albanie et qu’il propose, depuis 2009, dans 150 points de vente en Suisse, Erhamer Selmani importe, depuis six mois, tous les bolets séchés vendus sur le territoire helvétique par Aldi, soit des milliers de paquets par année. Le lien entre ces trois activités? Il n’y en a pas, sauf la soif d’aller de l’avant. «Quand je ne fais rien, je me dis que quelque chose ne va pas.»

Cela fait des années que ce père d’une fillette de 18 mois – il a épousé une femme qui a la même origine que lui, soit une Albanaise de Macédoine – court, court et ne s’arrête jamais. «Même si je gagnais à l’Euro Millions, je continuerais de travailler. Lorsque je suis en vacances, le contact avec mes clients, la créativité que permet la coiffure et la précision dont il faut faire preuve me manquent.» On le sent à l’aise parmi ses clients. Certains viennent de Zurich pour se faire couper les cheveux chez lui. Quel contraste avec les six premiers mois passés sur le territoire helvétique, en 1993!

«Seul comme un hibou»

Le jeune Erhamer a alors 14 ans. La famille – sa mère, ses deux sœurs et son petit frère – ont déjà rejoint le père venu travailler comme saisonnier dans le canton de Berne. «Je m’apprêtais à entrer au gymnase à Gostivar lorsque mes parents m’ont demandé où je voulais vivre. J’ai décidé de venir en Suisse.» Pour l’adolescent, la galère commence. «Je n’ai jamais rien vécu de pire. En classe, je ne comprenais pas un mot. Combien de fois suis-je parti en plein cours, les larmes aux yeux! Les six premiers mois, je pleurais tous les jours. Je ne pensais qu’à rentrer en Macédoine. Mes copains me manquaient et nous ne connaissions presque personne. Comme on dit dans mon pays, je me sentais seul comme un hibou.» Le cauchemar dure une année, puis l’ado s’acclimate.

A la sortie de l’école, il a 16 ans et aime la coiffure. Mais il ne trouve pas d’apprentissage de coiffeur pour hommes. Il se lance dans des cours du soir et suit des stages. Il enchaîne avec une formation de mécanicien sur voitures, quatre soirs par semaine et le samedi, durant trois ans, tout en travaillant à plein temps chez Camille Bloch, dans la logistique. «Quand j’ai reçu mon diplôme, je me suis mis à travailler le week-end, dans une station d’essence. J’ai passé deux ans à bosser sept jours sur sept.»

En 2004, il apprend que le salon de coiffure Fiore est à vendre. Il se lance, acquiert une clientèle, la fidélise au cours des années. En 2010, le stakhanoviste qu’il est se lance dans la blanchisserie industrielle. «Je suis parti de zéro et j’ai tout installé. Mes clients étaient les restaurants, les hôtels et les hôpitaux. Ça marchait bien.» Mais, au bord du burn-out, il décide de vendre. «Toutes ces occupations, ça fatigue. J’essaie de me concentrer sur une branche.»

On s’en doute, Meli a encore bien d’autres projets, qu’il ne dévoile pas pour l’instant. «Ma motivation n’est pas l’argent, mais l’action.»

Coiffure Fiore, rue du Milieu 10, Bienne

Né en Macédoine
Prénom: Erhamer
Nom: Selmani
Profession: coiffeur et homme d’affaires
En Suisse depuis: 1993
Nationalités: suisse et macédonienne

 


Sommaire:

Du Kosovo au Chalet suisse
Le prince indien du Valais
La Suisse comme deuxième patrie
Le cinéphile qui se rêvait explorateur
Le trader devenu glacier
Les meilleures empanadas de Lausanne
Mauro Botazzi, l’Italie au cœur
Au croisement  des nationalités
Une passion pour l’art suisse
Un coin d’Espagne aux Pâquis
L’héritage des saisonniers
Racines iraniennes, valeurs suisses
Le chef dont le Tout-Berne raffole
L'homme qui ne s’arrête jamais
Un barbier kurde en quête d’identité
La mélodie du Tennessee
Un pionnier de l’hôtellerie
Le chef qui aimait «Othello»
La kiosquière qui se rêve horlogère 
Entre deux notes, une raclette africaine
Sur l’alpe, un provocateur musical
Reine du gommage oriental sur Léman

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