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Ces étrangers qui nous accueillent en Suisse: du Kosovo au Chalet suisse

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Jeudi, 30 Juillet, 2015 - 05:59

Restauration. Après avoir échappé à la guerre, Dino l’Albanais a frisé le renvoi. Il vient de reprendre, avec son frère, le paradis à fondues lausannois. La confiance règne? Presque.

Anna LIetti

Mars 2000. Dino Bekteshi (à droite sur la photo) apparaît dans les pages de L’Hebdo, et ce n’est pas pour rigoler. L’article s’intitule «Kosovars: le grand nettoyage» et annonce le renvoi de 31 000 rescapés du conflit interethnique vers leur terre d’origine, désormais sous administration des Nations Unies. Hajredin, c’est son vrai prénom, est l’un d’eux. Lui et sa femme, Fadile, enceinte de huit mois, ont reçu leur lettre de renvoi pour le 31 mai.

Au café du Vieux-Lausanne, c’est la consternation. Dino y a commencé comme garçon de buffet en 1995, deux ans après son arrivée en Suisse, et s’y est montré si entreprenant, bosseur et digne de confiance qu’il est désormais le bras droit du patron, Anders Ahlgren. Et même un peu plus: «Pour moi, Dino, c’est presque comme un fils», dit cet autre immigré, venu de Suède.

De la consternation à la mobilisation: les amis du Vieux-Lau ont su plaider la cause de Dino. Lui et sa femme sont restés, ils ont désormais trois filles. Ils ont été rejoints, en 1998, par Shaban (à gauche), le cadet de Dino, qui a aussi fait ses classes au Vieux-Lausanne et fondé une famille. Bientôt associés, les deux frères ont vite volé de leurs propres ailes, et déployé un savoir-faire pas banal. Palmarès.

En 2007, ils reprennent l’hôtelrestaurant Pont de la Venoge, à Echandens. En 2010, l’Evêché, temple de la vaudoisitude au pied de la cathédrale. En 2012, le Byblos, seul établissement du lot qui ne soit pas marqué «bien de chez nous». Et cette année, cerise sur le gâteau de leur helvétitude d’adoption: le Chalet suisse, à Sauvabelin, ses fondues, ses touristes japonais et ses portraits du général Guisan. Un symbole? «Certainement», sourit Dino. Une revanche? «Non, pas de revanche», complète Shaban.

Ce Chalet suisse, c’était «un vrai challenge», dit le cadet, ravi de faire visiter l’intérieur en bois classico-rustique destiné à rester scrupuleusement inchangé. Il a fallu convaincre le propriétaire, inspirer confiance aux banquiers. Ils l’ont fait: Dino et Shaban, devenus Suisses entre-temps, peuvent considérer comme définitivement clos le chapitre de la précarité et du rejet. Ils font honneur à la tradition helvétique du travail bien fait, ils ont pignon sur rue, ils sont des nôtres.

Le détail qui fait mal

A un petit détail près: s’ils veulent fêter un anniversaire ou un mariage, ils ne peuvent pas réunir leur famille à Lausanne. Leurs parents obtiennent l’autorisation de venir, mais pas leurs quatre frères et sœurs: même pour une brève visite, l’ambassade de Suisse à Pristina ne délivre aucun visa à de jeunes Kosovars. Punkt schluss. Finalement, la confiance a des limites.

C’est Shaban qui mentionne cette unique fausse note dans la belle histoire de l’intégration des deux frères. Dino, le diplomate en chef, n’en parle pas volontiers. Travaillez et adaptez-vous, c’est le message transmis par le père, lui-même longtemps émigré en Suisse et en Allemagne. Ils travaillent beaucoup, les frères Bekteshi. Shaban est quotidiennement sur le pont à l’Evêché, Dino à l’hôtel-restaurant d’Echandens (le Chalet suisse, lui, a gardé son directeur). Quand on dit des Kosovars qu’ils sont «les nouveaux Italiens» de la restauration, c’est surtout de leur force de travail qu’on parle: leur attitude vis-à-vis de la carte est nettement plus conservatrice que celle de leurs prédécesseurs. Surtout, ce que les frères Bekteshi apportent en plus, c’est une qualité d’accueil qui s’est perdue dans bien des pizzérias. Le week-end, l’Evêché et le Chalet suisse servent à manger non-stop. Mais, même en semaine, «on ne refusera jamais une assiette valaisanne» aux décalés de l’heure des repas, assure Shaban. Vous savez, celle que vous n’obtenez pas ailleurs sous prétexte que «la cuisine est fermée».

Le Chalet suisse,route du Signal 40, l’Evêché, rue Louis-Curtat 4, le Byblos, rue Cheneau-de-Bourg 2, à Lausanne. Le Pont de la Venoge, chemin du Tennis 4, Echandens.

Nés au Kosovo
Prénoms: Dino et Shaban
Nom: Bekteshi
Profession: restaurateurs
En Suisse depuis: 1993 et 1997
Nationalités: kosovare et suisse

 


Sommaire:

Du Kosovo au Chalet suisse
Le prince indien du Valais
La Suisse comme deuxième patrie
Le cinéphile qui se rêvait explorateur
Le trader devenu glacier
Les meilleures empanadas de Lausanne
Mauro Botazzi, l’Italie au cœur
Au croisement  des nationalités
Une passion pour l’art suisse
Un coin d’Espagne aux Pâquis
L’héritage des saisonniers
Racines iraniennes, valeurs suisses
Le chef dont le Tout-Berne raffole
L'homme qui ne s’arrête jamais
Un barbier kurde en quête d’identité
La mélodie du Tennessee
Un pionnier de l’hôtellerie
Le chef qui aimait «Othello»
La kiosquière qui se rêve horlogère 
Entre deux notes, une raclette africaine
Sur l’alpe, un provocateur musical
Reine du gommage oriental sur Léman

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