Enquête. Le sulfureux milliardaire mexicain a fait tourner en bourriques deux générations de procureurs genevois. Les Etats-Unis vont se pencher sur son cas.
Le 4 mai dernier, lors d’une conférence de presse, les procureurs genevois Olivier Jornot et Yves Bertossa l’avaient décrit comme «un Mexicain bien connu de certains cartels». Révélé par L’Hebdo trois mois plus tôt dans l’opération SwissLeaks (notre édition du 12 février), le compte HSBC à 180 millions de dollars du magnat Carlos Hank Rhon était un des cas qui avaient justifié l’ouverture d’une enquête du parquet genevois pour «blanchiment aggravé» contre la banque.
Ces accusations ont fait long feu. HSBC s’en est sortie en versant 40 millions de francs à l’Etat de Genève. Carlos Hank Rhon, quant à lui, n’a absolument pas été inquiété. Lors de la conférence de presse de mai dernier, le procureur Yves Bertossa avait expliqué qu’il aurait été «trop complexe» de mener une enquête pour éclaircir l’origine des fonds du milliardaire. Son supérieur, Olivier Jornot, avait décrit le bouclement de l’affaire comme «un bon deal».
À la barbe des superflics
Carlos Hank Rhon a donc librement poursuivi ses affaires entre Mexico et Genève. Un mois après s’être fait traiter en public de proche «de certains cartels» par les deux superflics de la ville, le milliardaire mexicain venait s’y promener tout tranquillement. Habitué des séjours dans la région, son jet privé s’est posé le 6 juin sur la piste 05 de l’aéroport de Cointrin. Il y est resté deux jours, avant de repartir incognito.
Ce n’est pas la première fois que Carlos Hank Rhon se montre plus malin que les enquêteurs suisses. A la fin des années 90, la procureure fédérale Carla Del Ponte s’était déjà cassé des dents sur cet homme d’affaires, soupçonné à l’époque d’avoir aidé l’ancien président mexicain Carlos Salinas à siphonner un demi-milliard de dollars des caisses de l’Etat.
Plus de 60 millions avaient atterri en Suisse. Le juge genevois Paul Perraudin avait décortiqué un écheveau de transactions financières pour retrouver ces fonds. Mais sans parvenir à épingler Carlos Hank Rhon.
En quittant Genève le 8 juin dernier, survolant la rade à bord de son magnifique Gulfstream immatriculé à ses initiales, le magnat mexicain avait de quoi sourire. En maintenant ses comptes à Genève malgré toutes les enquêtes lancées contre lui depuis vingt ans et en se tirant indemne de l’affaire SwissLeaks, le milliardaire peut désormais se vanter d’avoir fait tourner en bourriques deux générations de procureurs genevois.
Mais Carlos Hank Rhon ne l’emportera pas au paradis aussi facilement. Le 17 août, l’agence financière Bloomberg a révélé que les autorités américaines s’intéressaient à lui. Selon l’article, le Département de la justice aurait adressé une assignation à la banque américaine Citigroup, exigeant des informations sur les comptes de quatre sociétés appartenant à Carlos Hank Rhon et à sa famille.
Cette demande, affirme Bloomberg, serait liée à une enquête sur les pratiques antiblanchiment du Banco Nacional de México, une filiale de Citigroup plus connue sous le nom de Banamex. L’assignation aurait été adressée en janvier dernier.
Le Département de la justice s’intéresse en particulier à la société bancaire et financière de Carlos Hank Rhon, Grupo Financiero Interacciones, qui est contrôlée par le magnat et sa famille par le biais d’un trust. Les comptes du milliardaire chez HSBC Private Bank étaient également détenus par un trust familial.
Contactée par L’Hebdo, HSBC n’a pas voulu dire si elle avait été interpellée par les autorités américaines dans le cadre de cette enquête.