Décryptage. Le ralentissement de la deuxième économie mondiale n’inquiète pas les entreprises installées en Chine. La modernisation de l’industrie devrait encore profiter à nos exportateurs.
Servan Peca
Après le grand 8 boursier, la digestion. Si la santé réelle de l’économie chinoise et les interventions massives de Pékin pour redresser la barre ont paniqué les marchés boursiers ces dernières semaines, l’heure est à l’analyse. En Suisse, en France, en Allemagne, tous s’interrogent désormais sur les effets d’une Chine moins dynamique sur leur économie.
Les chiffres d’abord: sur les six premiers mois de 2015, les exportations suisses ont chuté de 6% à destination de la Chine et de Hong Kong – 7% du total. Les ventes horlogères de 13%. Et, en juillet, le déclin s’est poursuivi. Globalement, les prévisionnistes s’attendent à ce que le PIB chinois progresse de «seulement» 7%, voire moins, cette année. En tout cas nettement moins vite que les 14% de 1992 ou les 10% de 2010.
Surcapacités
«Nous ne sommes pas très dépendants de la Chine, et j’en suis bien content, nous explique un horloger genevois, sous couvert d’anonymat. A Hong Kong, les surcapacités de ventes sautent désormais aux yeux!» A l’inverse, le patron de Swatch Group, Nick Hayek, multiplie les déclarations pour témoigner du succès inébranlable des montres du numéro un mondial de l’horlogerie auprès des consommateurs chinois. Entre ces deux visions, il y a ABB, Schindler ou Nestlé. Le géant agroalimentaire se dit «satisfait» de sa croissance en Chine (d’environ 5%). Mais la «récente volatilité nous incite à la prudence, dans un avenir plus lointain», a déclaré son directeur financier, François-Xavier Roger, le 13 août dernier.
Les grandes pharmas suisses? Elles n’ont pas de souci à se faire, répond Fabrizio Quirighetti, l’économiste de la banque Syz. La demande de médicaments ne va pas souffrir des sursauts conjoncturels. A long terme, le gouvernement continue d’élargir l’accès aux soins et la Chine reste le moteur principal de la croissance de Novartis en Asie, selon Joe Jimenez. Le grand patron de Novartis note toutefois que les efforts de Pékin pour réduire les coûts de la santé se font sentir. Autrement dit, le taux de croissance de son chiffre d’affaires ralentit.
Volumes d’affaires en croissance
Alors, c’est grave, docteur? Pas tant que cela, affirme Nicolas Musy depuis Shanghai: «La décélération chinoise n’est pas nouvelle. Elle est en place depuis un certain temps», tempère le directeur du Swiss Center Shanghai (SCS), une organisation suisse à but non lucratif qui aide les entreprises à s’installer sur les marchés chinois et asiatiques. «En valeur absolue, l’économie chinoise progresse davantage que par le passé», rappelle-t-il, histoire de souligner que les nouveaux volumes d’affaires, eux, restent en croissance.
Une réalité mathématique qui se retrouve dans un sondage publié fin juillet par SCS. Plus des trois quarts des entreprises suisses s’attendent à améliorer leurs ventes dans l’Empire du Milieu cette année. Un pour cent seulement des répondants prévoient une baisse de leur chiffre d’affaires. Ils sont 72% à vouloir y augmenter leurs investissements. Un tiers annonce que ceux-ci seront en hausse de 10% ou plus. Et 22% des sondés affirment que la Chine reste leur priorité.
Cet optimisme est-il exagéré? Sur place, n’a-t-on pas encore pris la mesure du ralentissement? «La Chine a mûri, poursuit Nicolas Musy. Son économie est plus sophistiquée et ses demandes plus spécifiques…» Bref, la demande pour des biens de qualité augmente sans cesse. Ce sont autant d’occasions pour les entreprises suisses qui font généralement dans le haut de gamme, analyse le directeur du SCS. «La Suisse s’intéresse à une fraction du tissu économique. Et celui-ci progresse encore», insiste-t-il.
Avantage concurrentiel
Exemple dans la production. Certes, l’activité manufacturière recule en Chine. L’indice mesuré par la société Markit pointe une nette contraction. Il est au plus bas depuis deux ans. C’est d’ailleurs l’une des statistiques qui ont affolé la planète boursière début août.
Mais, à l’inverse de ce phénomène conjoncturel, le besoin, lui structurel, d’améliorer la productivité perdure. Car les coûts salariaux augmentent, tandis que les prix à la sortie des usines, eux, baissent. D’où un besoin accru d’automatisation de la production. «Les robots d’ABB sont très demandés», explicite Nicolas Musy.
Et de conclure en signalant que les entreprises européennes et états-uniennes aussi ont une vision optimiste de leurs affaires en Chine. En revanche, les exportateurs suisses ont désormais un avantage que les autres n’ont pas. L’accord de libre-échange, signé en juillet 2014, fait baisser progressivement leurs droits de douane à l’entrée en Chine, améliorant ainsi soit leurs marges, soit leur compétitivité sur les prix.