Zoom. L’entreprise zurichoise Flisom vient d’inaugurer une usine de 4500 m2 pour produire à grande échelle des modules solaires flexibles. Elle ambitionne de vendre ses produits dans le monde entier.
Sophie Gaitzsch
«Imaginez l’intérieur d’un paquet d’emballage de chips! Pour le fabriquer, une machine vaporise une mince couche de métal sur un film plastique. Nous utilisons le même procédé, mais pour la production de modules solaires.» Ayodhya Nath Tiwari, cofondateur de l’entreprise zurichoise Flisom, plonge dans une armoire et en ressort le résultat: une installation photovoltaïque qui ressemble davantage à une toile cirée qu’aux panneaux rigides qui se sont multipliés sur les toits du monde entier depuis un peu plus d’une décennie.
Lancée en 2005 par une équipe de scientifiques de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), Flisom a récemment inauguré une usine pilote de 4500 m2 à Niederhasli, près de Zurich. L’entreprise, qui emploie 55 personnes mais ne vend pas encore ses produits, a pu mener à bien son projet grâce au soutien d’investisseurs, parmi lesquels le groupe indien Tata, qui a contribué à hauteur de 52,5 millions de francs. Une opération remarquée alors que l’industrie, sinistrée par l’arrivée massive sur le marché de la concurrence chinoise et la chute drastique des prix, se relève à peine de la plus grave crise de son histoire.
Un marché énorme
Flisom donne ainsi des perspectives industrielles aux technologies dites «couches minces» développées au Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa), avec lequel elle collabore étroitement. Son créneau: les cellules CIGS (à base de cuivre, indium, gallium et sélénium). En matière de rendement – le pourcentage de rayonnement solaire transformé en énergie – l’Empa a atteint en 2013 le record mondial de 20,4%.
Il ne faut que deux micromètres d’épaisseur de matériau CIGS, cinquante fois moins qu’un cheveu, pour produire de l’énergie. Une légèreté qui permet par exemple d’intégrer plus facilement les modules aux toits ou aux façades. «Le poids constitue surtout un enjeu important dans les pays en développement, où de nombreux bâtiments ne sont pas prévus pour supporter des installations lourdes, note Ayodhya Nath Tiwari, également professeur à l’EPFZ. Le marché pour ce type de produit est énorme.»
Une technologie de pointe
La fabrication de modules CIGS est aussi moins gourmande en énergie et demande moins d’eau que celle des panneaux solaires traditionnels en silicium. «Cela s’explique par la faible quantité de matériau à traiter, et le fait que les machines sont plus compactes», précise Ayodhya Nath Tiwari. Selon l’institut de recherche allemand Fraunhofer, il faut environ un an, en Sicile, pour «rembourser» le coût énergétique de production d’une installation CIGS, contre environ deux ans pour les panneaux conventionnels en silicium.
«Flisom se distingue par sa technologie de pointe et une approche de production originale, explique Christophe Ballif, directeur du Laboratoire de photovoltaïque de l’EPFL. Aujourd’hui, le défi reste de transformer les résultats obtenus sur de petites surfaces dans un produit industriel. Par ailleurs, c’est un bon moment pour arriver sur le marché, qui se ressaisit.» Les analystes prévoient une hausse de la demande de 30% en 2015 et l’installation de 57 gigawatts de nouvelles installations solaires, ce qui correspond à plus de dix centrales nucléaires.
Alors que de nombreuses entreprises se sont cassé les dents, Ayodhya Nath Tiwari affiche ses ambitions: «Nous voulons voir notre technologie dans le monde entier. Mais il faut se montrer patient. Aujourd’hui, le rendement de nos cellules est d’environ 12% alors que nous visons 15%. Quant aux coûts de production, nous devons encore augmenter nos volumes pour qu’ils soient compétitifs. Nous partons du principe qu’il faut quinze à vingt ans entre une idée et une entrée sur le marché avec une technologie mature. Heureusement, nos investisseurs comprennent aussi que cela prend du temps.» Flisom espère ouvrir une usine de production d’ici à deux ou trois ans.