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L’accueil, c’est bien; le travail, c’est mieux

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Jeudi, 17 Septembre, 2015 - 05:52

Enquête. Face à l’arrivée constante de réfugiés amenés à rester en Suisse, les autorités multiplient les efforts pour les former et les intégrer au marché du travail.

«Il est indispensable de passer à la vitesse supérieure. Ou nous allons au-devant d’un véritable problème social.» L’heure est grave pour Anne-Claude Demierre, conseillère d’Etat fribourgeoise et vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales. «L’intégration au travail des réfugiés est une priorité», souligne-t-elle.

Premier constat: tout le monde tombe d’accord. Les collectivités publiques veulent soulager les budgets de l’aide sociale, les réfugiés, autorisés à travailler après trois mois en Suisse, veulent gagner leur vie. Et l’économie s’intéresse à cette main-d’œuvre, elle qui voit la génération des babyboomers partir à la retraite et la pénurie de main-d’œuvre se dessiner. Deuxième constat: le provisoire dure. Parmi les 54 000 personnes actuellement dans le processus d’asile, 32 000 sont admises à titre provisoire avec permis F. Comme elles ne peuvent pas être renvoyées, elles resteront en Suisse durablement. Environ 80% de ces permis F obtiennent, après cinq ans en Suisse, le statut du «cas de rigueur» et un permis B, comme les réfugiés reconnus. Troisième constat: seuls 17% des réfugiés reconnus ont une activité rémunérée selon les statistiques du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Enfin, quatrième constat, plus réjouissant: ce bas taux d’emploi n’est pas une fatalité, comme le prouve une étude détaillée, portant sur dix ans et publiée l’an dernier par le SEM (voir graphique ci-contre). Après dix ans, 48% des réfugiés reconnus travaillent. Ils sont même 61% parmi les cas de rigueur. Mais un groupe ne dépasse pas les 25%: les personnes admises à titre provisoire. Un statut visiblement handicapant.

Bref, ça phosphore à tous les niveaux: la Confédération, emmenée par Simonetta Sommaruga, la Conférence des cantons, les villes suisses, plusieurs associations professionnelles, patronales et syndicales travaillent de concert dans le dialogue sur l’intégration. Leur but? Mieux profiter du potentiel des migrants, y compris réfugiés. Ce dialogue existe depuis 2012, mais le 9 février 2014 a donné un coup d’accélérateur. En début d’année, de nouveaux projets ont été annoncés, comme celui de la Croix-Rouge suisse, qui adaptera aux réfugiés sa formation pour auxiliaires de santé en EMS. Les cours débutent en 2016. D’autres offres sont en gestation chez Allpura, la faîtière des instituts de nettoyage, ou Swissstaffing, celle du travail temporaire.

S’inspirer de l’apprentissage

Une idée séduit de plus en plus: s’inspirer de l’apprentissage et confier la formation aux organisations du monde du travail et écoles professionnelles. Proches de la pratique, elles peuvent faire profiter les réfugiés de l’immense réseau constitué par leurs membres pour dénicher un emploi. Modèle du genre: la formation d’un an baptisée Riesco. Créée en 2006 déjà par Hotel & Gastro formation, elle propose un cursus alliant théorie, pratique et stages pour les réfugiés et admis provisoirement dans les cantons de Lucerne et Zurich. «On ne sort pas de Riesco cuisinier, explique Mike Kuhn, coconcepteur de la méthode, formateur et chef de cuisine. Mais 70 à 80% des personnes qui bouclent le cursus trouvent un emploi ou une place d’apprentissage.» Depuis, la méthode, adaptée aux techniques du bâtiment et de l’automobile, s’enseigne à l’école technique de Winterthour. Et la Fédération lucernoise des entrepreneurs offre une formation Riesco dans le bâtiment.

En Suisse romande, les formations dans les métiers sont généralement confiées à des institutions paraétatiques comme l’EVAM (voir reportage en page 40), l’Hospice général à Genève, mais aussi à des œuvres d’entraide et des privés comme dans le Jura et Fribourg, où Caritas remplit cette tâche notamment. Et partout œuvrent des conseillers en emploi, comme à Neuchâtel où le Centre social protestant guide les réfugiés dans le monde du travail. Le Valais fait figure de bon élève avec ses trois centres d’occupation et de formation, dont celui du Botza, spécialisé dans les métiers du bâtiment, ou celui de Vouvry pour la culture maraîchère. A Neuchâtel, la Chambre d’agriculture et de viticulture lance une formation pour une quinzaine de personnes le 23 septembre.
Fédéralisme oblige, chaque canton progresse à son rythme. Soucieuse de l’accélérer, la Confédération, depuis 2014, examine les avancées deux fois par an. Elle qui verse 6000 francs par réfugié (en plus de l’aide sociale) pour son intégration exige un programme cantonal avec des cours de langues pour tous.

Enfin, parti d’une série d’interviews qui montra que 70% des réfugiés munis d’un permis B ont des compétences professionnelles, dont 10% acquises à l’université, le SEM a lancé un projet pilote national pour mieux exploiter ces potentiels. Durant cinq ans, des coachs suivent 50 personnes dont le profil va du dentiste au polymécanicien. On les aide à la reconnaissance de leurs diplômes, voire à reprendre des études ou à les compléter. Mais tous ces efforts ne suffiront pas si les obstacles bureaucratiques à l’embauche subsistent. Le statut «admis à titre provisoire» désécurise les employeurs. Autre écueil: pour engager un permis B, l’entreprise doit demander un permis à l’Office du travail, qui examine si salaires et conditions sont réglementaires. Cela peut durer. Rédhibitoire pour un patron qui doit remplacer un employé au pied levé. Dans la révision de la loi sur les étrangers, le Conseil fédéral propose donc un permis en ligne, qui sera vérifié ultérieurement.

Un dernier constat encore: en Suisse, la moitié des réfugiés ont moins de 17 ans. Classes d’intégration, préapprentissages, semestres de motivation, formations professionnelles et cours de langues, l’urgence consiste à tout mettre en œuvre pour intégrer ces jeunes qui sont, à coup sûr, les Genevois ou les Jurassiens de demain.

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ODM, avril 2014
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