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Affaire Snowden: «Ils le détruiront»

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Jeudi, 4 Juillet, 2013 - 05:53

ECOUTES. Vétéran de la NSA, William Binney évoque la fuite d’Edward Snowden et les craintes qui pourraient l’assaillir.

Le mathématicien William Binney, 69 ans, a passé quarante ans au service de la NSA (Agence nationale de sécurité), spécialisée dans le renseignement d’origine électromagnétique. Il en a notamment été le directeur technique, responsable de 6000 collaborateurs. En dernier lieu, il a travaillé pour un programme de saisie de données planétaire appelé ThinThread, un précurseur des programmes de surveillance actuels.

Les révélations d’Edward Snowden vous ont-elles surpris?
Non. Cela fait des années que je dis que la NSA surveille l’échange mondial de données et l’enregistre pour des décennies. J’ai juste été un peu étonné de trouver une injonction judiciaire obligeant l’opérateur téléphonique Verizon à livrer ses données.

C’est-à-dire?
Le document portait le numéro 13-80, soit la 80e intimation à une entreprise de livrer ses données en 2013. Je me demande bien qui sont les 79 autres.

Vous avez été l’artisan de l’automatisation de la saisie mondiale de données. Cette masse d’informations aide-t-elle à traquer les terroristes?
Non. Toute ma vie, j’ai lutté contre le déferlement de données qui menaçait de nous noyer. Nous n’avons pas su empêcher l’attentat de Boston. Il nous faut des programmes ciblés, en harmonie avec notre Constitution et avec son 4e amendement qui protège la sphère privée. Seuls des terroristes, leurs contacts et leur environnement devraient tomber dans le filet, tous les autres doivent être considérés comme innocents. On ne peut pas faire peser un soupçon général sur le monde entier, y compris sur nos propres concitoyens. Si on ne s’y oppose pas, les Etats-Unis évolueront vers un Etat totalitaire.

Vous avez vous-même été un lanceur d’alerte et vous avez mis en garde contre le pouvoir des services de renseignement. Snowden a mentionné votre nom. Que lui conseilleriez-vous aujourd’hui?
Arme au poing, des agents du FBI m’ont intercepté sous la douche. Je sais ce que subissent les lanceurs d’alerte: il s’agit de les détruire moralement. Mais je crois quand même que Snowden devrait rentrer aux Etats-Unis, se soumettre à une procédure judiciaire et faire des déclarations exhaustives. C’est le seul moyen d’en arriver à un débat public sur cet Etat fouineur. Il pourrait s’en sortir: rendre publiques des infractions dont l’Etat est l’auteur n’est pas punissable, espionner oui. Nous devons nous pencher de plus près sur Prism. Mais le gouvernement, en ce moment, se contente de se demander si Snowden est un traître.

S’il rentrait, Snowden ne devrait-il pas redouter des années de prison, à l’instar peut-être de Bradley Manning qui a livré les données à WikiLeaks?
Manning est un soldat, il comparaît devant la justice militaire. Snowden serait traduit devant un tribunal civil, comme mon collègue Thomas Drake, un des principaux lanceurs d’alerte de ces dernières années. Il s’en est tiré avec une année et le sursis.

Que gagne Snowden à rester à l’étranger?
On le cherchera partout, il devra craindre sans cesse d’être enlevé, torturé ou assassiné.

©Der Spiegel
Traduction et adaptation: Gian Pozzy

Lire aussi la chronique de Jacques Pilet.

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Jonathan Ernst, Laif
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