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Jura: un nouveau gouvernement de hauts fonctionnaires?

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Jeudi, 8 Octobre, 2015 - 05:54

Décodage. Parallèlement aux élections fédérales, les Jurassiens renouvellent leurs autorités cantonales le 18 octobre. Au gouvernement, trois des cinq sortants s’en vont. Favoris pour leur succéder, des chefs de service de l’administration pourraient s’emparer de l’autorité exécutive.

Serge Jubin

Ont-ils l’étoffe? La question posée par le député UDC Thomas Stettler à la cantonade, lors du débat réunissant les 18 candidats au gouvernement jurassien, lundi 28 septembre à Glovelier, a fait sourire. Elle a surtout embarrassé.

Le 18 octobre, en parallèle aux élections fédérales, le Jura renouvelle ses autorités cantonales. Il vivra le troisième grand chamboulement gouvernemental de sa jeune histoire de trente-six ans.
Le premier est survenu en deux temps et avec passablement de remous, en 1993-1994, au retrait des ministres pionniers François Lachat, Pierre Boillat, Jean-Pierre Beuret, François Mertenat et Gaston Brahier. Avec l’entrée en scène de Pierre Kohler, Odile Montavon (pour seulement dix-huit mois), Jean-François Roth, Gérald Schaller, Claude Hêche et Anita Rion.
Douze ans plus tard, nouveau brassage des cartes. Après l’arrivée d’Elisabeth Baume-Schneider et de Laurent Schaffter en 2002, trois nouveaux ministres prenaient les rênes du canton en 2006: Charles Juillard, Michel Probst et Philippe Receveur.

2015 marquera une troisième refondation, puisque trois conseillers d’Etat, pourtant jeunes quinquagénaires, s’en vont: Elisabeth Baume-Schneider, PS, 51 ans, après treize ans de gouvernement; Philippe Receveur, PDC, 52 ans, et Michel Probst, PLR, 55 ans, tous deux après neuf ans d’exécutif.

Economistes et ingénieurs

Au soir du 18 octobre, plus vraisemblablement du 8 novembre à l’issue du second tour, le gouvernement jurassien sera renouvelé au moins à 60%. Le sortant PDC Charles Juillard devrait être confortablement réélu. Le socialiste Michel Thentz, arrivé en 2010, pourrait connaître davantage de difficultés. Il pourra compter sur une volonté souvent exprimée dans la campagne d’assurer la continuité. Toutefois, considéré comme trop collégial et manquant d’esprit de décision, il a déçu jusque dans ses rangs de gauche.

Les places à prendre ont aiguisé les appétits. Dix-huit candidats sont en lice, mais seuls sept à huit ont une chance d’accéder au pinacle. Faute de dossier brûlant et polémique, il est difficile de dégager les meilleurs profils. Le débat réunissant la meute des 18, tous sur la même scène, à l’invitation des médias Le Quotidien jurassien et la radio RFJ, a davantage tourné à la cacophonie qu’à l’émergence de personnalités «ayant l’étoffe», pour reprendre la formule de Thomas Stettler.

Comme en 2006, le Conseil d’Etat jurassien 2016-2020 verra débarquer de jeunes quadras. A 52 et 57 ans, pour autant qu’ils soient réélus, les sortants Charles Juillard et Michel Thentz seront les doyens. Parmi les favoris, la socialiste Nathalie Barthoulot a 47 ans, le PLR Jacques Gerber en a 42, tout comme le chrétien-social David Eray; les PDC Gabriel Willemin et Martial Courtet – qui se disputent âprement le second rang de leur liste – ont 43 et 39 ans. L’actuel gouvernement compte deux PDC, deux socialistes et un PLR. Le renouvellement d’une telle configuration est le plus probable.

Longtemps dominé par les juristes (à l’instar de Charles Juillard), le prochain Conseil d’Etat appartiendra aux économistes et aux ingénieurs (Nathalie Barthoulot, Gabriel Willemin et Jacques Gerber sont économistes, Michel Thentz est ingénieur horticole, David Eray ingénieur en microtechnique). Mais surtout, et cela fait grincer des dents, ce sont de hauts fonctionnaires cantonaux qui prendront les rênes exécutives. Avant 2010 et sa première élection, Michel Thentz était horticulteur d’Etat. Nathalie Barthoulot est depuis 2009 cheffe du Centre jurassien d’enseignement et de formation (le CEJEF coiffe toutes les formations postscolaires); Jacques Gerber dirige l’Office cantonal de l’environnement depuis 2008; Martial Courtet est enseignant et conseiller pédagogique; Gabriel Willemin est directeur d’école professionnelle. Seul David Eray émane du privé, de l’industrie horlogère où il est chef de projet.

A ceux qui craignent que l’inertie administrative devienne stratégie gouvernementale, Nathalie Barthoulot rappelle qu’avant d’être employée d’Etat, elle a travaillé dans le privé. Elle estime que c’est une chance d’entrer au gouvernement en connaissant déjà les rouages d’une administration. Elle note qu’au contact des directeurs d’écoles spécifiques, elle garde des relations étroites «avec le terrain».

Malgré la forte personnalité et la visibilité des leaders Elisabeth Baume-Schneider et Charles Juillard, l’actuel Conseil d’Etat peut se targuer d’avoir été un collège sans rupture, au risque de manquer parfois de charisme et d’actions d’envergure. Même s’ils se disent dotés d’un fort caractère, d’une force de proposition et de pas mal de courage, les prétendants vouent tous un culte sans faille au dialogue, au travail en équipe, au consensus, à la collégialité.

Avec la fin de la réalisation de «son» autoroute Transjurane qui le connecte à la Suisse et à l’Europe, le Jura disposera-t-il du Conseil d’Etat dont il a besoin pour trouver un second souffle, diversifier son tissu économique, accroître la valeur moyenne des revenus et de l’assiette fiscale, faire progresser la démographie et réaliser les infrastructures socioculturelles susceptibles de le faire rayonner?

Visionnaires ou pragmatiques, les futurs ministres? Pour faire bonne figure, ils mettent «des deux» dans leurs réponses, avec davantage de pragmatisme. A l’heure de la réalisation du programme d’économies structurelles Optima, mieux vaut se montrer fin gestionnaire des deniers publics plutôt que bâtisseur dépensier.

Temps d’adaptation

Bien que plurilingues, sortis des hautes écoles et exprimant l’envie de «faire avancer ce canton», ne risquent-ils pas, au final, d’apparaître comme une «cour aux ordres de Charles Juillard», qui aimerait devenir superministre des Finances et de l’Economie? «Il faudra un temps d’adaptation, mais nous serons une équipe homogène, avec des personnalités différentes et complémentaires», nuancent en chœur les deux candidats PDC Gabriel Willemin et Martial Courtet, âpres concurrents dans la campagne. «La collégialité, oui, le respect pour un sortant, oui, mais le Conseil d’Etat ne fonctionnera bien que s’il y a confrontation des idées. Ce serait mal me connaître que d’imaginer que je puisse être la cour de Charles Juillard», affirme le PLR Jacques Gerber. «Vous voulez rire», renchérit Nathalie Barthoulot, que d’aucuns estiment pourtant sous la coupe de la sortante Elisabeth Baume-Schneider. «La règle est la collégialité, mais pas à tout prix. Et surtout pas à la solde d’un seul ministre.»

Le chrétien-social David Eray avait attaqué frontalement Charles Juillard en 2010, remuant les problèmes que connaissait alors la police. «Charles Juillard exprime un leadership que je respecte, dit-il. Mais avec mon ADN de l’industrie, j’amènerai d’autres compétences tout aussi nécessaires.» Lors du débat public, le sortant Michel Thentz a montré qu’il ne craignait pas de tenir tête à Charles Juillard, prenant la posture d’un homme d’Etat capable de faire autorité. «L’important, dit alors l’actuel grand argentier Juillard, c’est que, devenus ministres, les candidats abandonnent leurs slogans de campagne, écoutent, dialoguent, construisent des consensus dans l’intérêt du canton, décident et assument leurs et nos décisions.»

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