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Le pouvoir veut mettre la presse au pas

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Jeudi, 21 Novembre, 2013 - 05:56

Grande-Bretagne.La création d’une charte de régulation des médias provoque l’indignation des journaux, surtout les plus populaires. Inquisition gouvernementale ou nécessaire correction de méthodes brutales pour obtenir des informations?

Un retour au Moyen Age. Voilà comment la presse britannique voit la création d’une nouvelle charte de régulation des journaux, en premier lieu populaires. Cette instance est en effet un héritage des siècles obscurs, où un conseil de sages s’appuyait sur la royauté pour réglementer tel ou tel domaine. Ce qui inquiète surtout la presse d’outre-Manche, c’est de voir son pouvoir tomber entre les mains des politiques. Et d’être exposée à des amendes exorbitantes (jusqu’à un million de livres sterling) et des droits de réponse bien visibles en cas d’infraction à la charte royale. L’organe régulateur serait ainsi une menace directe contre la liberté de la presse.

A part de rares exceptions comme le Guardian, les éditeurs du pays s’y opposent violemment, proposant leur propre dispositif de surveillance. En d’autres termes, une version améliorée d’un conseil de la presse qui a longtemps exercé son maigre pouvoir sur les journaux.

La reine a apposé son paraphe sur la charte fin octobre dernier, au moment même où commençait le procès-fleuve de huit personnes, pour la plupart des journalistes. Ils sont accusés d’avoir recouru à des écoutes téléphoniques illégales pour obtenir des scoops, d’avoir corrompu des policiers et des gardiens de prison et d’avoir harcelé des vedettes aussi bien que des anonymes. Le premier tabloïd britannique, le Sun, propriété du groupe de Rupert Murdoch, est le plus visé par la procédure. Son édition dominicale, News of the World, l’était aussi. Mais l’hebdomadaire a été fermé par Murdoch lorsque le scandale a éclaté en 2011, grâce aux révélations du Guardian.

Perte de confiance. Dans le tribunal de l’Old Bailey à Londres, deux personnalités risquent plusieurs années de prison. Rebekah Brooks, ex-directrice de News International, la division britannique du groupe de Rupert Murdoch. Et Andy Coulson, patron de News of the World avant de devenir le directeur de la communication du premier ministre David Cameron (il a depuis lors démissionné). Rebekah Brooks était elle aussi une proche du pouvoir conservateur. Ces accointances révélées au grand jour n’ont fait qu’aggraver le haut-le-cœur des Britanniques devant les révélations sur les pratiques brutales de leurs tabloïds. Dont l’écoute par News of the World de la messagerie du téléphone d’une adolescente assassinée.

Cette perte de confiance intervient au plus mauvais moment pour les journaux populaires. Concurrencés par l’internet, secoués par les scandales, les tabloïds naguère encore triomphants voient leurs tirages baisser. En cinq ans, le Sun est passé de 3,2 à 2,2 millions d’exemplaires. Son concurrent le Daily Mail a chuté de 2,3 à 1,8 million pendant la même période.

Les politiques, qui se gardaient bien de réagir lorsqu’ils étaient attaqués par la presse, rendent désormais les coups. Ed Miliband, le responsable du Parti travailliste, a vivement réagi aux récents articles du Daily Mail qui mettaient en doute le patriotisme de son père, juif belge d’obédience marxiste qui avait trouvé refuge en Angleterre pendant la dernière guerre. Le Daily Mail a réagi par d’autres articles sur le même thème au droit de réponse d’Ed Miliband. Mais le tabloïd a fini par s’excuser.

Il n’empêche: où se situe la frontière entre la nécessaire correction des excès de la presse populaire et l’envie des politiciens de purger un pouvoir considéré comme trop insolent, dont la totale liberté est garantie depuis 1695? Pour le journal en ligne Spiked, la nouvelle charte royale équivaut à une inquisition gouvernementale. Le plus grand danger est d’«aseptiser» les journaux, voire de les «lobotomiser». Pour Spiked, la charte «rappelle irrésistiblement les méthodes autocrates et opaques du Moyen Age, époque durant laquelle le terme de démocratie était un gros mot». Résultat, demain, «l’Etat “soutiendra” une presse libre comme la corde “soutient” un pendu».

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Andy Rain / Keystone
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