Analyse. Les mégatraders suisses se sont endettés pour acheter des mines. Mauvais pari: les cours se sont effondrés. L’heure des comptes approche.
François Pilet
Collaboration Yves Genier
Ils n’avaient rien vu venir. Les dirigeants de ce fleuron de l’économie suisse étaient considérés comme les plus aguerris de leur génération. Le secret de leur fortune était jalousement tenu secret. Il aura pourtant suffi de quelques investissements malheureux en Argentine et en Russie pour que leur navire sombre corps et biens. En 2001, l’entreprise de négoce André & Cie, fondée en 1877, coulait à pic en quelques mois, laissant plus de 1000 employés sur le carreau et un trou de 900 millions de francs.
La faillite de la société lausannoise, qui a marqué l’histoire économique de la Suisse romande, n’était qu’une promenade de santé comparée à l’Armageddon financier que représenteraient les banqueroutes conjuguées des rois du trading d’aujourd’hui. C’est exactement cette perspective, encore exclue il y a quelques semaines, qui taraude maintenant les marchés financiers. Avec ces questions qui pointent le bout de leur nez: quels sont les risques pour la Suisse, qui abrite les principaux géants du secteur? Le trading de matières premières pèse 4% du PIB national et représente quelque 6000 emplois, rien qu’à Genève. Pendant plus d’une décennie, le négoce a fait pleuvoir l’argent sur une génération de dirigeants et de traders, remplaçant les bonus rabougris des banquiers. La manne s’est-elle tarie? Plus grave: le prochain Lehman Brothers pourrait-il exploser entre Genève et Zoug? «Ne répétons pas la crise d’UBS en 2008!» prévient le professeur Emmanuel Fragnière, spécialiste de l’industrie du trading (lire page 29). Comment les rois du négoce en sont-ils arrivés là?
Le lundi 28 septembre 2015 était un matin comme un autre pour le patron de Glencore, Ivan Glasenberg. De passage à Londres, il devait déjeuner avec des banquiers, à qui il comptait présenter la stratégie de désendettement de son groupe. Il n’en a pas eu l’occasion. Le lunch a été annulé.
A 8 h 03, le titre Glencore commençait une dangereuse glissade. En quelques heures, l’action de la première entreprise suisse par son chiffre d’affaires perdait 29% de sa valeur, provoquant un début de panique sur les marchés. En cause: le rapport d’un analyste portant un regard sévère sur les comptes du groupe, extrêmement endetté. Selon lui, en l’état actuel, les revenus de Glencore suffiraient à peine à rembourser les intérêts de ses montagnes de crédits. La valeur de l’entreprise se résumerait en un chiffre: zéro. Que les cours des matières premières baissent encore de quelques pour cent, et ce seraient deux mots qui s’afficheraient en rouge sur les écrans des traders de Glencore: game over.
Pour les fils spirituels de Marc Rich, le mythique fondateur du groupe (lire ci-après), la vérité est dure à avaler. Elle est toute simple: les rois du négoce se sont plantés. Ils se sont lourdement endettés pour acheter des mines de charbon, de cuivre et des infrastructures pétrolières quand les prix étaient au plus haut. Pas de chance: les cours n’ont cessé de baisser depuis lors. La valeur de ces investissements a fondu avec. Restent les dettes et leurs intérêts, toujours plus difficiles à rembourser avec des profits en baisse.
Cela n’aurait jamais dû arriver. Ce vieux filou de Marc Rich doit se retourner dans sa tombe. La règle était pourtant simple: le métier de trader est d’acheter et de vendre. Quand on s’y tient, peu importe que les cours soient hauts ou bas. Leur art est de savoir se glisser entre l’offre et la demande, pour huiler les rouages du commerce mondial et prendre leur marge au passage. Leur rôle n’était pas de forer des puits ni de posséder des mines.
Des négociants «affranchis»
Le magnat genevois Jean Claude Gandur, ex-patron du négociant de pétrole Addax, le reconnaissait lui-même il y a quelques jours à l’occasion du décès du fondateur de Trafigura, Claude Dauphin, le 30 septembre dernier. «J’ai commencé chez Philipp Brothers et, là-bas, la devise, c’était: do business, don’t invest», expliquait-il le 2 octobre dans Le Temps. Le mot d’ordre historique des traders, rappelait-il, était: «Prends ton argent et passe à autre chose. On a été éduqués comme ça, mais on s’en est affranchis pour créer des groupes industriels avec des réseaux d’infrastructures.» Face à une hausse des cours des matières premières qui paraissait inexorable, les grands négociants ont donc cédé à la tentation.
«Jusqu’alors, le négoce, c’étaient des entreprises plutôt de petite taille, très secrètes, travaillant avec des méthodes artisanales. Le trading, c’est un métier très particulier. On sait le pratiquer, ou pas! Soudain, il est devenu sexy, poussant les grandes sociétés à aller en Bourse. Si les cours n’étaient pas montés, ce secteur serait resté modeste et n’intéresserait personne», résume Emmanuel Fragnière.
Chaque bulle spéculative a ses termes fétiches. Dans le cas des matières premières, il y en avait deux. Le «supercycle» décrivait la perspective d’une hausse ininterrompue des cours, alimentée par une croissance chinoise dévoreuse de charbon, de pétrole et de cuivre. Le second terme était «hybride». Dans la bouche d’Ivan Glasenberg, l’adjectif vantait la stratégie d’acquisitions de mines et d’infrastructures de Glencore, qui quittait ainsi son domaine traditionnel de pur négociant.
Au début, les investisseurs ont adoré. Lors d’une entrée en Bourse de tous les records, en 2011, les banquiers jouaient des coudes pour obtenir leur lot d’actions Glencore. UBS et Credit Suisse avaient signé pour en acheter l’équivalent de 275 millions de dollars, le genevois Pictet pour 100 millions. Les banquiers réservaient ces précieux titres à leurs meilleurs clients. Pas de chance. Le «supercycle» a calé, et la stratégie «hybride» est passée de mode. La valeur de l’action a chuté de 75% depuis l’entrée en Bourse.
Le problème est que, dans le sillage de Glencore, les deux autres géants helvétiques que sont Trafigura et Mercuria ont, eux aussi, grossi et investi dans de lourdes infrastructures, souvent à crédit. Si tous les regards se sont braqués sur Glencore depuis le krach du 28 septembre, c’est parce que la société est cotée. L’exercice exige un minimum de transparence sur les chiffres. Ce n’est pas le cas des autres mégatraders. Chez eux, rien ne perce, ou presque. Quelques signaux laissent pourtant penser que leur situation est tout aussi inquiétante.
Le géant Trafigura, par exemple. Avec son siège opérationnel à Genève, la firme fondée par feu Claude Dauphin réalise un chiffre d’affaires de 127 milliards de dollars, soit presque 40 milliards de plus que Nestlé. C’est énorme, certes, mais les marges sont basses, et le niveau d’endettement dangereusement élevé. Trafigura réaliserait moins de 2 milliards de profits, pour une dette totale de 22 milliards de dollars. Le 28 septembre, alors que l’action de Glencore s’effondrait, le prix des obligations Trafigura suivait exactement le même chemin, plongeant de plus de 10%, reflétant l’inquiétude de ses créanciers.
On en sait moins du troisième larron, Mercuria, si ce n’est que son chiffre d’affaires se montait à 106 milliards en 2014. Le négociant genevois n’a pas versé de dividendes. Il dispose d’une ligne de crédit de 20 milliards, pour 3 milliards de fonds propres.
Au jeu de la plus grosse montagne de dettes, Glencore reste imbattable. La firme de Baar en a accumulé pour 30 milliards de dollars entre 2012 et 2013. Et encore, ce chiffre astronomique n’est que la version comptable la plus flatteuse. Tous engagements confondus, l’endettement total se monte en réalité à 50 milliards. Une partie de ce montant remonte à la fusion avec le géant minier Xstrata, en 2013, qui a laissé l’entreprise massivement dépendante du charbon et du cuivre, au moment même où pointaient les premières inquiétudes sur la croissance chinoise.
Wall Street a vu le vent venir
Malheureusement pour l’ego des rois suisses du négoce, leur erreur n’est pas seulement d’avoir acheté des actifs au plus haut et au mauvais moment. Comble de l’humiliation: ils l’ont fait alors que les Américains choisissaient d’en sortir. Depuis des années, les grandes banques d’affaires comme J.P. Morgan et Goldman Sachs avaient, elles aussi, investi dans des infrastructures liées aux matières premières.
En 2011 encore, les dirigeants de Goldman Sachs envisageaient de redoubler leurs investissements pour imiter la stratégie de Glencore, que les banquiers considéraient alors comme un concurrent dans ce secteur. Seulement voilà: les banquiers d’affaires new-yorkais ont renoncé. Quelqu’un les a fait changer d’avis. Qui? Les régulateurs financiers.
Depuis 2008, la Réserve fédérale américaine voyait d’un mauvais œil la présence de Wall Street sur le marché des commodities, qu’elle percevait comme une source de risque superflue. Le coup de semonce a résonné en octobre 2013. Un comité de surveillance bancaire du Sénat dévoilait deux enquêtes démontrant que les activités des banques d’affaires sur le marché des matières premières physiques leur offraient un avantage concurrentiel indu. Voire illégal. Goldman Sachs et J.P. Morgan, en particulier, étaient soupçonnés d’avoir abusé de leur emprise sur les stocks d’aluminium pour faire grimper artificiellement les cours, et pour gonfler les profits de leurs divisions de trading. Les deux banques se seraient alliées à un autre grand nom du secteur: Glencore. L’avertissement n’a pas effrayé le groupe zougois, mais les banquiers de Wall Street se le sont tenu pour dit. Ils ont débarrassé le plancher, et vendu les activités concernées. Devinez qui était preneur?
En octobre 2014, J.P. Morgan cédait sa division de matières premières physiques au genevois Mercuria pour 800 millions de dollars. Le pétrole valait alors 85 dollars le baril. Il en vaut 46 aujourd’hui. «Nous n’avons pas besoin d’être présents sur le marché physique des matières premières pour être efficaces, déclarait le directeur financier de J.P. Morgan en juin dernier. C’était le cas il y a dix ou quinze ans, mais plus maintenant.» Ce changement de cap inopiné est tombé fort à propos pour Wall Street, qui a pris ses gains avant la chute des cours. Les mégatraders suisses, eux, sont restés avec les pertes. Pour la première fois depuis 2001, les prix des matières premières ont reculé sur trois trimestres consécutifs. Le prix du cuivre, si cher à Glencore, a chuté de 30% en deux ans et demi.
Ivan Glasenberg a repris ses déjeuners avec les banquiers, à qui il décrit son plan de désendettement avec une vigueur renouvelée. La firme fait miroiter de gigantesques cessions d’actifs pour regonfler son cours de Bourse. Cela semble fonctionner, pour l’instant. L’action a récupéré le terrain perdu lors du lundi noir du 28 septembre, grâce à des rumeurs de ventes. Mais le problème reste entier.
Glencore envisagerait de vendre sa division agricole. La firme pourrait en tirer entre 7 et 10 milliards, ce qui permettrait de rembourser un tiers de sa dette et de renflouer son bilan. Sauf qu’une fois cette activité cédée, Glencore serait encore plus exposée au charbon et au cuivre, ce qui la mettrait à nouveau en situation délicate si les cours venaient à poursuivre leur dégringolade. Vaudrait-il mieux vendre les mines, pour un prix plus modeste? La décision est difficile à prendre, puisqu’elle inscrirait définitivement cette formidable erreur de jugement dans les comptes de Glencore, et dans l’histoire du négoce. C’est pourtant là le seul honneur possible pour les traders perdants: savoir prendre sa perte. Et passer à autre chose. A la Marc Rich.
Crise chez trafigura à Genève
Inquiets des investissements du trader dans les mines, les marchés financiers font chuter le prix de l’obligation Trafigura. Celle-ci atteint un plancher le 28 septembre. Le surlendemain, le fondateur de cette société qui a son siège opérationnel à Genève, Claude Dauphin (photo), meurt des suites d’une longue maladie. Trafigura avait été en 2006 à l’origine du scandale du Probo Koala, un pétrolier ayant déchargé 581 tonnes de déchets toxiques à Abidjan, provoquant la mort de 17 personnes et intoxiquant des dizaines de milliers d’autres.
Des traders à la conquête du monde
L’origine Né en 1934 dans une famille juive d’Anvers émigrée aux Etats-Unis, Marcell David Reich apprend le métier de trader chez Philipp Brothers à New York. En 1974, il fonde Marc Rich & Co. AG, qui deviendra Glencore. Il développe l’usage du crédit bancaire dans le trading. Toute l’industrie s’en inspirera. Il est inculpé pour fraude, délit d’initié et violation d’embargo en 1983. La Suisse refuse de l’extrader. Il obtiendra un pardon de Bill Clinton en 2001. Il décède à Lucerne en 2013.
L’essor Ivan Glasenberg est né à Johannesburg en 1957. Champion de marche athlétique pour l’Afrique du Sud et Israël, il suit une formation d’expert-comptable. Il rejoint Glencore en 1984 et gravit les échelons jusqu’à devenir un des principaux lieutenants de Marc Rich. Il détient 15% de l’entreprise en 2011 lors de l’entrée en Bourse du groupe, qui fait de lui un multimilliardaire et l’un des hommes les plus riches de l’industrie du trading. Ivan Glasenberg a réduit, depuis, sa participation à 8%.
Bourse En mai 2011, Glencore réalise la plus grosse entrée en Bourse de l’histoire de la place de Londres. Le groupe rejoint immédiatement l’index des 100 plus grandes valeurs, ce qui n’était plus arrivé depuis vingt-cinq ans. La société est valorisée à 60 milliards de dollars. Six membres de la direction deviennent instantanément milliardaires, dépassant le record de Goldman Sachs douze ans auparavant. Depuis, l’action a perdu 75% de sa valeur.
Fusion Fondée en Suisse en 1926 sous le nom de Südelektra, l’entreprise développait des infrastructures électriques en Amérique latine. Marc Rich devient un de ses principaux actionnaires en 1990. Xstrata se transforme en entreprise minière active dans le charbon et le cuivre, notamment. Dès 2012, Glencore tente plusieurs fois de l’avaler. La fusion est finalement signée en mai 2013. L’endettement total du nouveau groupe explose, pour atteindre 50 milliards de dollars.
Urgent: cherche règles pour encadrer une mégafaillite
Zoom. Contrairement aux banques, les géants du négoce sont peu régulés sur le plan financier. Un vide très risqué, surtout pour la Suisse, encore échaudée par le sauvetage d’UBS.
Yves Genier
«Il faut tirer la sonnette d’alarme! Le risque posé par la taille de l’endettement de Glencore et de quelques autres sociétés de trading est très élevé. Il ne faudrait pas que l’on puisse reprocher à la Suisse de ne pas avoir su gérer leurs faillites.» Emmanuel Fragnière est l’une des autorités académiques les plus en vue de Suisse concernant le négoce des matières premières. Il a cofondé le Swiss Research Institute on Commodities (SREC), centre d’enseignement et de recherches sur le trading mis en place au début de cette année par l’Université de Genève. Un pragmatique donc, arrivé dans le monde académique après un passage chez le géant du négoce des céréales Cargill.
La brusque dégradation des finances de Glencore est annonciatrice, estimet-il, de bouleversements. «C’est un signal faible révélateur d’une tendance lourde. Le monde du négoce est à la veille de changements profonds. Il est encore impossible de savoir lesquels, mais il faudra savoir les accompagner. En cela, la Suisse a une chance: celle, en tant que pôle mondial du négoce, de pouvoir définir des règles pouvant devenir des standards internationaux. Mais il faudra savoir anticiper au lieu d’attendre que d’autres pays le fassent à notre place.»
Hors des radars
Le risque, c’est que ces changements soient d’une telle brutalité qu’ils entraînent le naufrage de géants comme Glencore, dont la révélation de la fragilité financière a éclaté comme un coup de tonnerre. Ou de Trafigura. Ou de Mercuria. Ou de tous ces autres mastodontes du négoce qui se sont rapidement étendus dans les domaines de l’extraction, du transport, du raffinage à coup d’endettement massif et qui sont pris de court par la baisse brutale des prix des matières premières. L’effondrement des cours remet en cause les garanties qu’ils avaient offertes à leurs créanciers. Du coup, ces derniers s’alarment: et si Glencore devenait un nouvel UBS, un groupe devenu «trop grand pour faire faillite» qu’il faut sauver en catastrophe à coups de milliards?
Bizarrement, ces alarmes ne trouvent pas d’écho auprès des autorités responsables de la stabilité financière. Pourtant, la crise financière et, en Suisse, la débâcle UBS leur ont dessillé les yeux. Depuis lors, elles ne cessent d’empiler les règles contraignant les banques à moins d’excès. Mais les traders restent en dehors de leurs radars. La Banque nationale suisse s’était beaucoup engagée dans ce durcissement, principalement lorsqu’elle était dirigée par Philipp Hildebrand. La musique est différente aujourd’hui. «Jusqu’à présent, elle n’a pas identifié de risques pour la stabilité du système financier en Suisse créé par des sociétés de trading», indique l’institution. La Finma, gendarme du système financier helvétique, ne dit pas autre chose.
Les opposants les plus fermes à tout renforcement des règles, ce sont les traders eux-mêmes. «Ces entreprises doivent déjà répondre à des normes très pointues», lance Stéphane Graber, directeur de la Swiss Trading and Shipping Association (STSA), l’association faîtière. Elle doit se conformer à REMIT, directive européenne encadrant le négoce des marchés de l’énergie; à REACH, règlement communautaire applicable aux substances chimiques; à la nouvelle Loi fédérale sur l’infrastructure des marchés financiers (FinfraG), qui réglemente l’usage des instruments financiers dérivés; et devra encore démontrer qu’elle respecte les droits humains et l’environnement, lorsque la Confédération rendra applicable une directive de l’ONU allant dans ce sens.
Pas «trop grandes pour faire faillite»?
Aucune de ces règles, toutefois, ne s’applique aux sociétés de négoce «trop grandes pour faire faillite», alors que les grandes banques y sont soumises depuis 2010. Les traders s’y sont toujours fermement opposés. Ils assurent qu’une faillite de l’un des leurs serait beaucoup moins dangereuse que celle d’une grande banque. Ils seraient moins endettés et moins interconnectés. Pour preuve, les faillites majeures – comme celles d’André & Cie et de l’américain Enron en 2001, ou du danois OW Bunker l’an dernier – n’ont pas créé de crise majeure. «Bien sûr, les conséquences sont toujours déplaisantes, à commencer par les salariés qui perdent leur emploi. Mais le vide est vite comblé et l’on ne note pas d’interruption des approvisionnements en matières premières», avance Stéphane Graber. L’éminent expert international Craig Pirrong ne dit du reste pas autre chose. Ce professeur de finance à l’Université de Houston, au Texas, estime, dans une étude publiée en mars dernier, que «les gains d’une réglementation supplémentaire sur les fonds propres n’apporteraient que peu de résultats pour un coût somme toute élevé».
Mais son étude, financée par le géant du négoce Trafigura, ne fait pas spécifiquement état des entreprises qui ont massivement et rapidement investi dans des mines et des installations industrielles, comme Glencore. Emmanuel Fragnière considère de son côté que «les sociétés de négoce sont très différentes de celles de la finance. La réglementation qui doit leur être appliquée doit leur être spécifique, pragmatique et basée sur des objectifs de stabilité.» Et, surtout, cette réglementation doit montrer au monde que la Suisse peut gérer une situation aussi délicate que la faillite d’un géant des matières premières. Question d’image.