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Élections fédérales: adieu, nouveau centre

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Jeudi, 22 Octobre, 2015 - 05:57

Essai. Pour Peter Bodenmann, le Conseil national est aujourd’hui aux mains de la droite dure xénophobe, qui fixera le tarif pour les quatre ans à venir.

Peter bodenmann

Rappelons-nous: l’éviction de Christoph Blocher avait été possible parce que, dans le secret des urnes, douze radicaux ont refusé d’élire le politicien milliardaire. Existe-t-il aujourd’hui encore, au sein du PLR, des sous-marins libéraux prêts à poursuivre la lutte contre l’UDC? Même armé d’une loupe, on les cherche en vain. Combien existe-t-il, au sein du PDC, de néolibéraux de l’acabit du Zougois Pfister? Au moins six. C’est pourquoi le PLR est et reste pour quatre ans l’otage d’une UDC presque deux fois plus forte. Sur Tele-Blocher, Christoph Blocher peut impunément traiter le président du PLR de fripouille caractérielle, sans que Philipp Müller n’esquisse même une défense. Un radical subordonné.

Le Conseil national est désormais en majorité aux mains de la droite dure xénophobe. Ces quatre prochaines années, elle fixera le tarif. Quand on est majoritaire dans une chambre du Parlement, on peut bloquer toute réforme écologique ou sociale. Combien de démantèlements sociaux dans l’AVS l’UDC voudra-t-elle et pourra-t-elle exiger de ses partisans à petit et moyen revenus? Combien de temps cette nouvelle majorité laisserat-elle fonctionner les plus anciennes centrales nucléaires et leurs réacteurs dignes de la ferraille? Que fait la nouvelle majorité contre le franc fort, dont les répercussions accélèrent la désindustrialisation de la Suisse?

Peu importe désormais qui détient la majorité au Conseil fédéral. Ne serait-ce que pour déplacer une virgule, les conseillers fédéraux ont besoin d’une majorité dans les deux Chambres. Si Eveline Widmer-Schlumpf se rend compte de cette nouvelle réalité, résignée, elle jettera l’éponge. Car d’une manière ou d’une autre elle n’a plus de marge de manœuvre.

A l’instar des Verts, ce qu’on a appelé le nouveau centre a été brutalement décimé. Même si le PDC, les Vert’libéraux et le PBD concluent une alliance, ils ne pourront rien faire bouger.

Une gauche qui sommeille

La gauche, pour sa part, a dans l’ensemble perdu des voix. Malgré un léger gain de suffrages, la gauche dure persiste dans son insignifiance. Les Verts ont vécu une hécatombe. Le PS, qui continue de stagner, n’a pas réussi à se faire le porte-voix de projets de gauche, notamment parce que ses conseillers fédéraux se planquent. Et parce que sur la carte il a misé sur un gouvernement de centre gauche inexistant.

Le prétendu tournant énergétique, sans substance, est mort. Tout comme le compromis du Conseil des Etats sur l’AVS. Pendant quatre ans, la gauche devra se concentrer sur des questions sociales et écologiques et gagner des référendums. Avec les syndicats, avec les organisations environnementales si elles veulent bien émerger de leur profond sommeil. Le PS et les Verts n’ont actuellement pas, dans leur pipeline, d’initiatives susceptibles de rallier une majorité.

Du point de vue politique, pour ce qui est du bloc désormais au pouvoir, une seule chose importe ces quatre prochaines années: qu’adviendra-t-il de la liberté de circulation des personnes et des accords bilatéraux?

La situation de départ est limpide: pour le PLR, les bilatérales sont plus importantes que la mise en œuvre au pied de la lettre de l’initiative sur l’immigration de masse. Pour l’UDC, c’est différent: elle est prête à sacrifier les bilatérales pour réintroduire les contingents, y compris le statut de saisonnier. A Bruxelles, personne ne va consentir des exceptions pour les xénophobes suisses.
Les règles du jeu ne sont pas moins claires: il faut une loi d’ici à trois ans. Si aucune loi ne passe la rampe, le Tribunal fédéral doit décider provisoirement de la suite des événements. Que nous propose le Conseil fédéral pour 2016? Quelle loi le Conseil national approuvera-t-il? Qui lancera le référendum?

Un cocktail vénéneux

C’est rigolo de lire dans le marc de café. Grâce à Didier Burkhalter et à Johann Schneider-Ammann, le Conseil fédéral nous propose une loi eurocompatible. Dans le secret du Conseil fédéral, les conseillers fédéraux UDC votent contre et font bonne mine à mauvais jeu en public. Les deux Chambres emboîtent le pas au gouvernement. Un an après son triomphe, la nouvelle majorité vole déjà en éclats. L’UDC ne lancera pas un référendum mais une nouvelle initiative de mise en œuvre. Et elle clouera au pilori le PLR pour haute trahison.

Advienne que pourra. Peut-être autre chose que ce qu’on attend. L’UDC ne fonctionne que grâce au cocktail vénéneux de haine de l’étranger et d’élucubrations de repli sur soi. Blocher est protestant. Ses aïeux sont arrivés en Suisse comme réfugiés économiques. Il a une double mission: lutter contre Bruxelles et contre les étrangers. Il se fiche pas mal d’avoir un ou deux conseillers fédéraux. Ce qui importe, c’est la mission. C’est pourquoi, à Zurich, l’UDC Hans-Ulrich Vogt doit se présenter sans la moindre chance de succès contre le PLR Ruedi Noser. Et quid si Bastien Girod fait le troisième larron?

En France, Marine Le Pen a tué le père pour se débarrasser de la plaie paternelle. Roger Köppel et Magdalena Martullo-Blocher ne commettront pas de parricide. Ils n’en ont pas la force, en langage UDC.

De leur côté, la gauche et les Verts devront se réinventer s’ils n’entendent pas sombrer dans l’insignifiance. Il faut enfin des idées nouvelles, des concepts nouveaux. Comme une mobilité respectueuse de l’environnement et bon marché ou trois fois moins de places de parking grâce aux voitures qui se garent toutes seules. Ils doivent commencer par abdiquer l’illusion d’un gouvernement de centre gauche. Et apprendre à faire bouger les choses à partir de l’opposition. Et pour assez longtemps. Traduction Gian Pozzy


Profil
Peter Bodenmann

Avocat et notaire de formation, ancien président du Parti socialiste suisse, ancien conseiller d’Etat valaisan, il écrit régulièrement dans la presse sur l’actualité politique.

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