Décryptage. Au jeu de «Qui sera le nouveau conseiller fédéral UDC?», tout le monde ou presque peut participer.
C’est drôlement chouette à l’UDC. Après «Welcome to SVP», la vidéo d’autodérision visant les jeunes électeurs, voici le jeu du «Jekami». Pour ceux qui ne maîtriseraient pas toutes les finesses de l’allemand, sachez qu’il s’agit d’une abréviation qui signifie «Jeder kann mitmachen» (chacun peut participer). Participer à quoi dans ce cas? A la course au Conseil fédéral. Parce que, après son succès aux élections fédérales du 18 octobre, l’UDC frôle désormais les 30% d’électeurs et revendique un deuxième siège au gouvernement suisse.
Là où les autres partis soignent une certaine discrétion, laissant leurs sections cantonales opérer leur choix, là où les dirigeants se limitent à des commentaires laconiques quant aux noms évoqués dans la presse, l’UDC lance des candidats potentiels comme des pétards du 1er Août, abondamment et bruyamment. Pas un jour ne passe sans que de nouveaux papables sortent de l’imagination fertile des président, vice-présidents et autres créatifs du parti. Auxquels s’ajoutent les spontanés. Comme Peter Föhn , conseiller aux Etats du canton de Schwyz, ou le conseiller d’Etat valaisan Oskar Freysinger . Quant au Vaudois Guy Parmelin , «intéressé» aussi, il a reçu l’aval de la commission de recherche du parti suisse. Dans un premier temps, il a précisé pourtant qu’avec lui, les Romands seraient surreprésentés par rapport à la Suisse orientale, ce qui ne dénote pas une furieuse envie de gouverner.
D’abord la foule…
Il y a ceux dont les noms circulent depuis longtemps et qui aspirent à la fonction, comme le Grison Heinz Brand , conseiller national et spécialiste de l’asile puisqu’il fut, vingt-quatre années durant, le chef de la police et du service des migrations de son canton. Il y a les Schaffhousois, le conseiller aux Etats Hannes Germann ou le conseiller national Thomas Hurter , qui aimeraient bien. Ou les Thurgoviens, Roland Eberle, conseiller aux Etats, et l’ex-conseiller national et patron des trains Stadler Peter Spuhler , qui, pour le moment, affirment qu’ils ne veulent pas. On entend aussi parler du Bâlois Thomas de Courten , de l’Argovien Hansjörg Knecht, du Bernois et chef de campagne Albert Rösti , du Zurichois Gregor Rutz, ou encore, lancé par le président du parti, du chef de groupe Adrian Amstutz qui affirme qu’il «ne peut pas».
On a même vu émerger des noms de candidats de la Lega, tel celui de Norman Gobbi. Oui, à l’exception notable des femmes, tout le monde peut participer, à l’UDC. Le dernier papable à la mode que Christoph Blocher et son rédacteur en chef préféré Roger Köppel vendent comme idéal, c’est Toni Brunner, le président du parti, le «petit soleil de l’UDC», comme l’appelle Silvia, épouse de Christoph. Son visage riant éclairait d’ailleurs la couverture de la Weltwoche après les élections fédérales: «Toni Brunner au Conseil fédéral». Une manœuvre pour mieux créer la surprise et sortir, plus tard, le seul candidat qui aux yeux de Christoph Blocher lui arriverait à la cheville: Roger Köppel himself?
… puis l’exclusion
Ce carrousel vous donne le tournis? Rassurez-vous, il va s’arrêter le 20 novembre. Le groupe choisira alors ses deux candidats officiels et là, fini de rigoler. Comme il arrive dans l’histoire suisse que le Parlement élise un autre candidat, jugé plus consensuel, que l’un des officiels choisis par les partis, l’UDC s’est armée de précautions. Dans un passage ajouté aux statuts après l’élection d’Eveline Widmer-Schlumpf à la place de Christoph Blocher, il est précisé: les membres de l’UDC qui se feraient élire au Conseil fédéral sans la bénédiction de leur formation politique seront immédiatement exclus du parti. Tzak. On ne va plus y passer des plombes comme avec la Grisonne. Autrement dit, si l’un des nombreux papables évoqués aujourd’hui est élu alors qu’il ne figure pas sur le ticket officiel, le Conseil fédéral se retrouvera avec un seul UDC. Compris, les joueurs de «Jekami»? Pas si chouette, la fin de partie.