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Le mukbang ou l’art de s’empiffrer devant sa webcam

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Jeudi, 5 Novembre, 2015 - 05:54

Zoom. La tendance fait fureur en Corée du Sud: dévorer des repas XXL devant des milliers d’internautes. Les plus performants en font leur gagne-pain.

Eileen Hofer

Il est 20 heures. Banzz dispose une vingtaine de donuts sur la table de sa chambre à coucher, réajuste son t-shirt et actionne la caméra de son ordinateur. Tous les soirs, en Corée du Sud, des milliers de fans s’apprêtent à le regarder dîner en direct. Soupes brûlantes, raviolis farcis, barbecue de bœuf agrémenté de kimchi et de riz, tout y passe dans des portions XXL. Et voilà ce Gargantua de 25 ans qui s’enfile les donuts sans sourciller. Banzz fait le buzz. Il est considéré comme le troisième Broadcast Jockey (BJ) le plus populaire de son pays.

C’est à Séoul qu’on trouve les adeptes de cet art de se filmer en dînant qui affolent la Toile depuis deux ans. Ce phénomène, à cheval entre «food porn» et «voyeurisme culinaire», se nomme au pays du matin calme mukbang, contraction de «muk», manger, et «bang», une chambre. Les internautes, des jeunes adultes, n’hésitent pas à rétribuer ces BJ par des «Star Balloons», des récompenses qui valent chacune quelque 10 centimes. Une somme avec laquelle le Broadcast Jockey, diffusé sur AfreecaTV, s’achètera son repas suivant.

Les restaurateurs, de leur côté, ont flairé l’affaire promotionnelle, allant jusqu’à rémunérer les jeunes stars. «Comme je mange en direct, les spectateurs veulent savoir si c’est bon, ce que j’ai fait la journée. Je remercie les donateurs qui se sentent flattés», raconte Banzz, victime de son succès auprès des jeunes filles.

La raison de cette notoriété est double. S’il est courant en Corée de déguster des plats en commun, aujourd’hui les grandes villes accusent une croissance de la solitude. «Les gens ont plaisir à partager leurs repas virtuellement», explique Banzz. Pour les adolescentes, victimes du diktat de la mode qui prône la minceur, la raison est autre: elles jeûnent grâce à lui. Ainsi Stella, universitaire de 23 ans, l’idolâtre: «Je ne peux pas dormir sans le regarder. Le voir manger me rassasie et me permet de sauter le dîner. Mes parents me comprennent et me laissent faire.»

Un phénomène qui s’exporte

Rencontré dans un café à Séoul, Banzz porte une Rolex à son poignet et extrait de son sac à dos Louis Vuitton un tupperware contenant des protéines en poudre, des gélules vitaminées et un sachet de poitrine de poulet: «Je n’ai plus à cumuler des petits jobs. Je gagne ma vie tout en mangeant le soir, ce qui me permet la journée de pratiquer au moins six heures de sport en plus de mes cours d’économie.» Et quand il a le temps, Jeong Man Soo, de son vrai nom, pose comme mannequin pour le site de vente d’habits en ligne normalcore.co.kr qu’il codirige. Le phénomène a pris une telle ampleur que des chanteurs s’invitent chez lui pour promouvoir leur album.

AfreecaTV, qui a rajouté la catégorie mukbang à ses divertissements en mars 2013, a comptabilisé 1842 diffusions de ce genre en août 2015. «C’est le mot le plus recherché sur notre site, précise Yeonji Claire Lee, la directrice des opérations de la chaîne. Mais il existe des émissions hybrides avec des BJ qui mangent tout en jouant à des jeux. BJ Biryong, BJ Bumfreeca et BJ Banzz, dans le top 3 des plus appréciés par l’audience, visent une diffusion quotidienne.»

Aujourd’hui, le mukbang s’exporte. La sexy Trisha Paytas, une Californienne au chignon blond peroxydé, tient en haleine ses millions d’abonnés durant ses repas. Son secret? Frôler l’orgasme en engloutissant des pâtes.

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