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Quand on paiera ses courses avec des abonnements de bus

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Jeudi, 3 Décembre, 2015 - 05:53

Zoom. Les épargnants fuiront-ils les taux négatifs en accélérant leurs paiements et en transférant leur bas de laine vers les supports les plus insolites? Des économistes très sérieux y croient.

Une fiction? En août 2012, Kenneth Garbade et Jamie McAndrews, deux très sérieux économistes de la Federal Reserve de New York, imaginaient un scénario fou pour le jour où les taux d’intérêt deviendraient négatifs pour les petits épargnants.

Contraints de payer pour tenir des comptes de dépôt ou d’épargne, ils videraient alors leurs comptes pour stocker des billets de banque dans leurs caves ou leurs coffres à domicile. Ils se dépêcheraient de payer leurs factures, bien en avance, si possible en payant trop, avec l’idée que le délai mis pour les rembourser serait autant de frais économisés. Ils provisionneraient leurs cartes de crédit avant d’engager des dépenses, voire s’acquitteraient de leurs impôts bien avant les délais.

Franchissant un pas supplémentaire, les deux experts de l’agence new-yorkaise de la banque centrale américaine voyaient aussi déjà les ménages transférer leur épargne sur toute sorte de support à même de la recevoir. Comme les chèques certifiés, les cartes de débit, ou encore les abonnements de bus et de chemin de fer, les cartes SIM des téléphones portables! La multiplication de ces supports et les faibles montants qu’ils sont à même d’abriter les rendraient facilement échangeables contre des biens et des services. En fait, ils deviendraient, sur la durée, des monnaies parallèles.

En gros, on se mettra à payer les courses à la Migros en donnant une carte téléphonique à la caissière, quitte à elle de nous rendre la monnaie en liquide. Ou mieux encore, en bons d’achats futurs.

Est-ce si grave, docteur?

Lorsque ce scénario de carnaval avait été écrit, les taux d’intérêt s’étaient déjà bien amoindris mais ils restaient encore dans le noir. Aujourd’hui, la réalité rejoint la fiction.

Les taux d’intérêt sont négatifs en Suisse depuis le début de cette année. Ils risquent de baisser encore d’ici à Noël sous la pression de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, tout à ses efforts de relance de l’économie de la zone euro. Les banques commerciales n’ont, jusqu’ici, pas répercuté les taux négatifs auprès de leurs clients de la classe moyenne. Mais les gros déposants paient déjà la facture et un premier établissement, la Banque alternative suisse, a franchi le pas pour la majorité de sa clientèle.

«On peut très bien imaginer que les ménages se mettent à transférer graduellement leur épargne vers d’autres supports que leurs comptes en banque», observe Sergio Rossi, professeur d’économie à l’Université de Fribourg. «Il suffirait qu’ils se voient facturer des intérêts négatifs, ou que leurs frais bancaires prennent l’ascenseur», poursuit l’expert.

Les faits lui donnent raison: la demande en billets de banque – surtout de mille francs – s’accélère. Celle de coffres aussi. Les ménages fortunés tendent à stocker une partie de leurs avoirs en liquide, délaissant leurs dépôts bancaires. Les contribuables sont aussi plus nombreux à payer leurs impôts en avance, bénéficiant du coup d’une petite remise.

Les banques s’inquiètent déjà de la perspective de voir leurs déposants leur tourner le dos, ainsi que le relève The Economist. Elles pourraient même réduire leurs prêts, faute de refinancement suffisant. Mais les autres secteurs de l’économie auraient au contraire des raisons de s’en réjouir: la consommation s’en trouverait stimulée et la morale des paiements améliorée. Que l’on honore ses factures en liquide, par carte bancaire ou SIM.

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