Dossier. En Suisse, quelque 17 000 policiers veillent à la sécurité des citoyens. Actes terroristes, petite délinquance, cybercriminalité et autres infractions, sont-ils prêts à nous défendre contre tous les dangers? «L’Hebdo» a mené l’enquête.
Quelque part dans une agglomération de Suisse romande, un samedi après-midi. Les passants sont détendus, heureux de profiter de quelques rayons de soleil. Ils déambulent dans l’une des rues principales. Soudain retentissent des bruits de coups de feu et des cris. Une poignée d’individus surgissent de nulle part et tirent sur tout ce qui bouge. C’est la panique, les badauds tentent de fuir, de se cacher dans les maisons. Certains sont à terre et ne bougent déjà plus, d’autres geignent et se tordent de douleur. Les minutes passent, lentement. Les terroristes traquent ceux qui tentent de leur échapper. Arrive la police, enfin. Elle crie des consignes aux civils: «Mettez-vous à couvert! Ne bougez plus!» Concentrées, les forces de l’ordre progressent dans la rue principale, comme un seul homme, mettent des blessés en sécurité et disparaissent dans un bâtiment, sur les traces des terroristes.
Réalité? Non, exercice. Troupes d’élite suisses spécialistes des missions dangereuses? Non, des aspirants policiers de l’Académie de police de Savatan, un immense territoire perché au-dessus de Lavey-les-Bains, terrain parfait d’exercices en tout genre, dont les plus effroyables. Y est reproduite, par exemple, la rue de Bourg, avec une banque, un restaurant, une Migros et une bijouterie. Des comédiens viennent y jouer les malfrats. Chaque année, l’école forme entre 100 et 200 aspirants policiers vaudois et valaisans; et, dès avril 2016, elle instruira également les Genevois.
Depuis les attentats de Charlie Hebdo en janvier dernier, ainsi qu’après la visite de hauts responsables du GIGN et du RAID à l’Ecole de police ce printemps, les responsables ont adapté les scénarios d’exercices de la nouvelle formation de tuerie en rue: un module intitulé «Evolution extérieure», soit 16 heures sur les 1600 de la formation complète. Une nouvelle rassurante.
Après les attaques de Paris, une question est présente dans tous les esprits: en Suisse, la police est-elle suffisamment préparée? Aux dires des responsables des polices cantonales interviewés, lors d’événements très violents, les primo-intervenants sont désormais les policiers de la patrouille la plus proche. Sont-ils prêts? Chef de la formation à Savatan, le lieutenant Pierre-Antoine Walker répond par l’affirmative: «Les policiers bénéficient d’une très bonne formation, très globale.» En cas de tuerie en rue, ils apprennent à réagir, quitte à se mettre en danger. L’objectif est de neutraliser la personne en face. Et les armes à disposition – une mitraillette par voiture de patrouille – sont-elles suffisantes? «Aujourd’hui, les policiers suisses profitent, en comparaison internationale, d’un très bon niveau d’équipement et d’armement. Toutefois, certains corps de police sont en train d’adapter ces équipements et armements face aux armes nouvelles des terroristes, notamment celles du style fusil d’assaut, plus puissantes et tirant à plus longue distance. Dans ces corps de police, des groupes de travail se sont formés au lendemain des attentats de Paris.»
Un homme émet quelques doutes sur ce positivisme ambiant. Il s’agit de Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé du Département de la sécurité et de l’économie du canton de Genève. Il est l’auteur d’un rapport remarqué sur la sécurité, paru en 2010. Il y dénonce l’absence de stratégie de sécurité et de défense globale de la Suisse: «Notre approche est toujours extraordinairement naïve, pour ne pas dire angélique. Très cloisonnée, horizontalement et verticalement, avec les communes, les cantons et la Confédération, mais aussi entre les différents corps. Nous avons également une approche très intuitive et très embryonnaire des phénomènes criminels. Je dirais qu’au niveau opérationnel, entre polices, ça marche bien. Mais c’est un dispositif de beau temps.»
Le terrain, mine de renseignements
Que se passerait-il alors en cas de mauvais temps? Il faut dire que depuis la tuerie de Charlie Hebdo, les attentats ont muté. Les cibles ne sont plus désignées précisément par les terroristes et tout un chacun peut être touché, d’où l’inquiétude ambiante de la population, qui ne constate pas beaucoup de changements en matière de renforcement de la sécurité, si ce n’est quelques policiers dans les gares. Cheffe de la police genevoise, Monica Bonfanti se veut rassurante. Elle explique que dans le canton de Genève par exemple, un groupe d’une vingtaine de personnes, qui interviennent régulièrement dans des situations dégradées – par exemple lorsque des gens se retranchent dans un appartement et menacent de tuer toute une famille – s’entraînent régulièrement à de nouvelles typologies d’actions. «Nous n’attendons pas que ces dernières arrivent.»
Les autres polices ont également leur groupe d’intervention, par exemple le DARD (Détachement d’action rapide et de dissuasion) pour le canton de Vaud ou le GRIF (Groupe d’intervention et de tireurs d’élite) pour le canton de Fribourg. Jean-Christophe Sauterel, commissaire principal et directeur prévention et communication de la police cantonale vaudoise: «Nous avons mis en place le concept GIRO, soit un concept d’entraide intercantonale basé sur la même formation pour tous les groupes d’intervention en Suisse romande. En tout, il y a plus d’une centaine d’hommes qui peuvent intervenir à la demande d’un canton.»
Intervenir peut-être, mais ne serait-il pas mieux de prévenir, même pour un pays qui n’a pas de passé colonial et qui se dit neutre? Que penser des carences suisses en matière de renseignement, comme l’absence d’un fichier central des détenus ou d’un réseau national d’empreintes digitales, et le cloisonnement des informations entre la police fédérale et les polices cantonales? Question prévention, «la Suisse, de par sa structure fédéraliste, est très performante», assure le colonel Alain Bergonzoli dans une interview (lire pages 18 et 19). Elle connaît ses citoyens et ses préoccupations. La détection de personnes en rupture avec les valeurs de la société est en principe facilitée. Et si la recherche ainsi que la collecte de renseignements sont du ressort notamment du Service de renseignement de la Confédération – en janvier de cette année, le Conseil fédéral a décidé de renforcer la lutte préventive en créant six nouveaux postes limités à trois ans – elles émanent également des diverses polices de proximité des cantons. Ces polices en contact avec la population, les commerçants, les associations et les diverses communautés ont regagné en importance ces dernières années. Dans le canton de Genève, par exemple, une expérience est menée à Carouge depuis mars 2013: un poste est dédié uniquement à la police de proximité, alors qu’ailleurs, elle occupe les mêmes locaux que Police-secours.
Un vrai hub d’informations
Attention, il n’est pas question de «surveiller» les citoyens, explique Luc Broch, responsable de la police de proximité à Genève, où les effectifs, qui se montent actuellement à 157 personnes, ont augmenté de cinq unités par année depuis 2012. «Lorsque l’on «surveille» quelqu’un, on répond à des critères légaux qui correspondent au Ministère public. L’îlotier prend le pouls du quartier. Il a un réseau de contacts qui se nourrit tout seul.» Les gens viennent en effet le trouver pour des histoires de bruit ou de littering. C’est un vrai hub d’informations. Un hub que Pierre Maudet voit d’un bon œil: «Dans le cas des attentats, on constate que l’on s’est reposé un peu trop, en tout cas dans le grand pays voisin, sur des aspects technologiques et pas assez sur du renseignement de proximité et de terrain.»
Mais si l’information est une chose, il est essentiel de la mettre en relation. «A mes yeux, précise le politicien genevois, il est très important d’avoir un îlotier qui va révéler, à la faveur d’un bête problème de stationnement aux alentours d’une mosquée, que l’on a une fréquentation qui devrait peut-être nous interpeller, pas tant sous l’angle du nombre, mais sous celui de ce qu’il se passe dans ce lieu. Cependant, je trouve que l’on est encore trop faible dans les lectures de situations.»
D’autres villes romandes ont redécouvert les vertus de la proximité, à l’instar de Lausanne. Christian Pannatier, chef de la division PPM (proximité, partenariat et multiculturalité), explique que l’une des tâches des cinquante agents PPM répartis dans sept postes de quartier consiste à tisser des liens avec la population, à rechercher de l’information. «Boire un café avec les gens est encouragé. Pour un policier, ce genre de démarches, soit prendre du temps ou entrer chez quelqu’un autrement qu’avec un mandat de perquisition, n’est pas très courant.» Il s’agit ainsi de se montrer à l’écoute des besoins et problèmes, de prêter une oreille attentive à ce que les commerçants ou les habitants ont remarqué dans le quartier, de faire connaissance avec les responsables d’une mosquée, mais également avec ceux d’autres lieux de culte.
Même constat à Fribourg, où les problèmes persistaient après les interventions ponctuelles de Police-secours, car il manquait un suivi. Le concept de police de proximité a été introduit en 2009 et c’est désormais un axe important pour le canton. Le sergent-chef Tobie Steinauer relève que «la sécurité est quelque chose de continu qui se travaille sur la durée et en profondeur». Petite précision au passage: la police ne place pas de caméras dans les rues pour surveiller les citoyens, sauf si un phénomène s’y déroule ponctuellement, par exemple un trafic de stupéfiants, dans un endroit précis. Cependant, elle peut demander les images de celles des communes, des particuliers, des transports publics, de l’Office des routes ou des CFF en cas de besoin.
Autre outil qui aide à combattre la criminalité: la récolte et le traitement de milliers de données, qui croissent de manière exponentielle, une vraie jungle. Heureusement, dans ce domaine-là, la police se révèle efficace grâce à des méthodes qui permettent l’analyse de phénomènes sériels. Les polices cantonales romandes, qui collaborent entre elles, peuvent ainsi suivre le déplacement de bandes de cambrioleurs à travers la Suisse romande. Elles peuvent dégager des tendances, repérer les modes opératoires des malfrats et prévoir des contrôles ciblés. Précurseur en la matière, Olivier Ribaux, nouveau directeur de l’Ecole des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, a travaillé durant dix ans pour la police cantonale vaudoise dans le traitement de données, justement. Il explique que le CICOP – Concept intercantonal de coordination opérationnelle et préventive –, soit le réseau romand qui suit au quotidien le «high volume crime», est très avant-gardiste. On est dans l’idée même de ces formes de policing, précise encore Olivier Ribaux. «On a presque l’impression d’arriver avant les auteurs. Une situation qui n’arrive peut-être qu’une fois dans la vie d’un analyste.»
Si, depuis bientôt trois semaines, problèmes de sécurité riment avec menaces terroristes, il est un autre danger, plus discret mais tout aussi important, qui ne cesse de prendre de l’ampleur: la cybercriminalité. Pierre Maudet: «Au quotidien, le citoyen a peut-être le sentiment d’être entravé dans sa sécurité par le petit dealer du quartier, potentiellement le cambrioleur. Mais en réalité, aujourd’hui, il est plus facile de faire un braquage par voie électronique qu’avec une arme à feu.» Saisissant son smartphone, il ajoute: «L’agresseur n’a jamais été aussi proche et le juge n’a jamais été aussi loin.» Ce ne sont pas les différentes polices cantonales romandes qui le contrediront, elles qui sont au front et doivent relever les plaintes de ceux qui se sont fait «hacker», plus ou moins naïvement.
Commandant de la gendarmerie fribourgeoise, le lieutenant-colonel Philippe Allain explique: «Ce sera notre priorité ces prochaines années. Huit postes seront créés: des cyberenquêteurs vont être engagés, sinon nous raterons le virage.» Dans le canton, de 2010 à octobre 2015, les infractions sont passées de 167 à 579 cas. Des exemples d’infractions via Internet? Le vol de données, comme des photos ou des dossiers, sur les ordinateurs des particuliers, contre une rançon de quelques bitcoins ou plusieurs centaines de francs, versée à travers des sociétés de transfert d’argent. Des sommes qui ne nécessitent pas de montrer une pièce d’identité. Plus les rappels sont nombreux, plus la somme augmente.
Les entreprises ne sont pas épargnées, leur site internet n’étant plus opérationnel lorsqu’elles subissent des dénis de service. D’autres, comme la Banque cantonale de Genève, voient des données de leurs clients publiées après avoir refusé de verser une rançon. Combien d’établissements bancaires sont concernés? Peur de perdre sa réputation, crainte de devoir ouvrir leurs comptes, la question est encore taboue pour beaucoup d’entre eux qui, avec une telle attitude, font le beurre des cybercriminels. Pourquoi ne pas envisager une collaboration entre les collectivités publiques et les entreprises privées pour identifier les risques et investir dans les recherches de solutions? se demande encore Pierre Maudet.
Moisson d’informations sur Facebook
Certains cybercriminels sont si bien renseignés, via les contenus des ordinateurs de certaines PME, qu’ils arrivent, par exemple, à se faire passer pour un patron auprès d’une secrétaire, à qui il demande de verser de l’argent de toute urgence, alors que le vrai directeur est en réalité à l’étranger. Olivier Guéniat, chef de la police judiciaire neuchâteloise: «Ce sont des manipulateurs très habiles, des bandes de criminels qui se sont reconvertis et opèrent depuis Israël ou Paris. Il ne se fait presque rien contre la criminalité sur Internet, notamment dans le Darknet. Même la CIA et compagnie sont à la rue…»
Docteur en informatique et professeur à la Haute Ecole de gestion de Genève, David Billard, qui est également expert pour la justice genevoise, met en garde le public: les cybercriminels moissonnent également des informations sur Facebook. «Il est facile d’obtenir les identités des gens et de déterminer les mots de passe en visitant leur profil. Et comme Facebook modifie sans cesse sa politique, il arrive que les amis de vos amis puissent également voir votre profil…» Il constate encore que beaucoup de cyberattaques proviennent de Russie. «Les gens y ont une bonne formation en maths, sciences et informatique, mais il n’y a pas de débouchés…» Et inutile de dire que, en Russie, l’entraide judiciaire fonctionne mal. De plus, les criminels utilisent Tor (Darknet), VPN (en souscrivant un abonnement dans un pays quelconque) ou Proton Mail (e-mails chiffrés), rappelle David Billard. Suivre leurs traces revient parfois à passer par une dizaine de pays, c’est-à-dire dix systèmes judiciaires différents, plus ou moins prêts à collaborer. Un conseil de la police à ce sujet? Jean-Christophe Sauterel: «Aidez-vous, la police vous aidera. Mettez vos antivirus à jour, installez des pare-feux et des programmes antispam…»
Un Hiroshima numérique
Côté surveillance, les échanges qui s’effectuent grâce aux applications WhatsApp, Telegram ou Skype échappent au contrôle de la police en Suisse, sauf expertise technique des smartphones, un moyen qui doit être ordonné par un magistrat et qui n’est pas facile à réaliser. Chef de la brigade de criminalité informatique à la police genevoise, Patrick Ghion appelle à un changement: «Il est capital que la police se dote de moyens pour avoir une vue sur les données cryptées et dispose d’accès aux échanges de messagerie. Cela arrivera. Il faudra attendre la prochaine catastrophe.» Et les débats sur la loi sur le renseignement l’année prochaine.
En attendant, Patrick Ghion voyage énormément pour suivre des conférences sur la cybercriminalité et rencontrer des confrères d’autres pays avec lesquels il tisse des liens qui lui permettent d’obtenir, par exemple, le nom du propriétaire d’une adresse IP en dix jours au lieu de trois mois. Rien ne vaut les contacts. Actuellement, l’informaticien et sa brigade – ils sont dix – sont en train de mettre en place une patrouille sur Internet. Il ne s’agira pas de rechercher des délits, mais de faire de l’observation.
Pierre Maudet en est persuadé: «Un jour, nous aurons un Pearl Harbor, c’est-à-dire une attaque qui va nous surprendre totalement, sans totalement nous surprendre. Une attaque qui nous ciblera également, alors que l’on se croit à l’abri.» Le politicien imagine bien que Genève puisse être en haut de la liste des cibles suisses potentielles, cibles helvétiques qui, elles-mêmes, sont plutôt en bas du tableau de chasse des terroristes.
Pour rester dans le même coin de la planète Terre, le magistrat genevois dit craindre un Hiroshima suisse, soit l’introduction violente d’une technologie nouvelle, avec des attaques numériques. Puisse-t-il se tromper. Pour une fois.
Entraînement Amok à la Police cantonale fribourgeoise
Dans le cadre de leurs exercices de tir à balles réelles, des agents doivent neutraliser, dans une école, un homme pris d’une crise de violence meurtrière. Un scénario qui prend fin par la mise à mort du tueur. Reportage à Granges-Paccot.
Ce mardi après-midi à Granges-Paccot, pour Carole, policière depuis un an, et Frédéric, qui compte douze ans de service, l’heure n’est pas à la détente. Comme leurs autres collègues de la gendarmerie ou de la police de sûreté du canton de Fribourg – 400 collaborateurs – ils sont tenus, deux fois par année, pendant une demi-journée, de se livrer à des exercices de tir à balles réelles avec des objectifs à atteindre. Cette formation continue se déroule dans les sous-sols du très vaste garage qui jouxte le bâtiment principal de la police cantonale.
Crâne lisse et carrure imposante, Augustin, policier depuis dix ans et instructeur de tir, les attend de pied ferme. Avec un adjoint très efficace: le DPCS, soit le Digital Police Combat System. «Il existe trois machines semblables en Suisse: une ici, une autre en Suisse alémanique et la troisième acquise par un privé. Elle permet d’élaborer des scénarios à l’infini dont les images géantes sont projetées sur les murs du local d’entraînement. Nous adaptons la technicité et la rapidité des exercices au niveau des policiers. Nous travaillons également le tir à l’extérieur sur la place de tir de la montagne de Lussy.» Ce mardi, c’est amok dans une école, un scénario qui met en scène la crise de folie meurtrière d’un homme. L’objectif: neutraliser ce tueur. Des cris et des bruits de pas de course retentissent alors dans le local d’exercice. Face à l’écran géant, les deux policiers sont en position de tir. Des enfants traversent l’écran en courant. Puis arrive un enseignant, qui agrippe un élève par le bras pour l’emmener dans sa course. Surgit un homme cagoulé et armé. Les policiers tirent, l’homme réussit à faire demi-tour et disparaît de l’écran. Il ressurgit quelques instants plus tard pour tirer sur les policiers, qui l’abattent à balles blindées. Des capteurs permettent de savoir si les policiers ont atteint leur cible. Dans ce genre de situation, «la sécurité de l’agent passe au second plan», précise le sergent-chef Tobie Steinauer.
D’autres scénarios suivront: l’un impliquant un cambrioleur qui, surpris en plein travail, se met à courir en direction des agents, barre à mine à la main. Le deuxième consiste en l’arrestation d’un automobiliste dont un geste équivoque aurait de quoi alarmer n’importe quelle personne lui faisant face. Augustin: «On ne peut pas s’entraîner à 100% comme dans la réalité, mais en s’exerçant régulièrement avec ce système, on peut simuler des situations très proches de ce que les agents pourraient rencontrer sur le terrain.»
Objectif: désamorcer les situations dangereuses
La police cantonale bernoise a créé un service pour gérer des personnes qui ont proféré des menaces ou qui se sont signalées par un comportement violent.
«Menace et violence», c’est le nom du service spécialisé de la police cantonale bernoise qui s’occupe «des gens qui se font remarquer» par leurs menaces, injures ou comportement violent, surtout dans des administrations comme les services sociaux. Les policiers sont aussi souvent amenés à signaler des personnes, dans des cas de violence domestique, de bagarres, de vols, ou de consommation de drogues, explique Laura Marinello, cheffe de la brigade spéciale 2 au sein de la police judiciaire. Certains quérulents se manifestent également en inondant les administrations d’e-mails, de coups de fil belliqueux, en postant des menaces sur leur compte Facebook ou d’autres médias sociaux.
C’est après la fusillade qui a eu lieu au Parlement de Zoug – quinze morts en 2001 – que le Conseil exécutif bernois a décidé de créer un organe compétent; il a vu le jour en 2005. De deux personnes, il est passé à 4,5 postes à plein temps en 2012. Le nombre de cas répertoriés a augmenté, passant d’une cinquantaine à quelque 300 en 2014. Responsable du service installé dans les locaux de la police cantonale de l’agglomération bernoise, Roland Knöri explique cette hausse par la sensibilisation accrue des administrations. «Nous formons les fonctionnaires, leur apprenons à réagir, répondons à leurs questions au téléphone, dans l’urgence ou après un épisode de violence verbale.»
L’objectif de ce service: «désescalader» les conflits en discutant par exemple avec les quérulents. «Beaucoup sont contents de pouvoir parler de leurs problèmes. Ce sont des gens qui ont des soucis dans la vie. Ils sont au chômage, en difficulté financière, vivent une séparation, sont malades, ont des problèmes psychologiques. Nous essayons de trouver des solutions pour améliorer leur situation, mais leur rappelons également les règles et les limites.»
Seule la moitié des gens signalés fait l’objet d’une plainte pénale, «car en portant plainte, les fonctionnaires peuvent avoir peur d’envenimer la situation». Actuellement, loi sur la protection des données oblige, le service Menace et violence ne répertorie pas les personnes, mais les cas qui lui sont soumis. Personne n’a donc une vue d’ensemble sur les individus et le service ne peut pas communiquer en détail avec d’autres institutions extérieures à la police. Un cloisonnement que regrette Laura Marinello: «Si on se focalise uniquement sur la liberté des individus, le risque existe qu’un jour cette dernière soit un danger pour les autres. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de cas qui a escaladé. Mais je crains que cela arrive tôt ou tard.»