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La chronique de Jacques Pilet: derrière la photo officielle

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Vendredi, 11 Décembre, 2015 - 05:58

Ils sont là, alignés, minuscules sur la photo, presque tous en costume noir, cent cinquante dirigeants de la planète. Vont-ils vraiment la «sauver»? Qu’une telle unanimité se manifeste pour réduire l’usage des ressources fossiles, c’est heureux, cela fait plaisir à tout le monde. Ce n’est que raison.

Mais s’il est permis de guigner derrière l’affiche, pas mal de questions, peu débattues, se posent encore.

D’abord parce qu’il est difficile de croire qu’une série d’«engagements» et qu’un brassage de milliards peuvent déterminer, telles les manettes d’un tableau de bord, le cours du climat à l’échelle du siècle. Au demi-degré près!

L’homme est-il à ce point surpuissant? N’y a-t-il pas des phénomènes qui le dépassent et influent sur le climat? Cette simple interrogation de bon sens suffit à se faire taxer de «climatosceptique», c’est-à-dire de salaud. On croyait le débat utile à la connaissance. Or la communauté scientifique, pourtant plus divisée qu’on ne le dit, impose des certitudes quasi religieuses. Même si c’est à raison, il y a malaise.

Mais admettons que les buts de la conférence de Paris soient parfaitement fondés. Allons-nous fêter son «succès» ou nous lamenter sur son «échec»? Est-ce vraiment si simple?

D’abord, que valent vraiment les belles paroles qui engagent les pays pour des décennies? Une fois rentrés chez eux, les négociateurs passeront-ils vraiment aux actes? Et leurs successeurs? Ils réviseront sans doute les décisions. Dans un sens ou dans l’autre. Alors on se calme.

La discussion est âpre, nous dit-on, sur la question du financement. Les riches devraient trouver 100 milliards pour aider les pauvres à franchir le pas technologique. On applaudit. Mais l’expérience faite avec l’aide au développement ne porte guère à l’optimisme. Il est reconnu maintenant qu’elle s’est souvent évaporée, qu’elle a peu servi en comparaison d’autres leviers. L’élan qui part d’en-bas mène plus loin que celui donné par des donateurs de bonne volonté, parfois aussi animés d’arrière-pensées moins idéalistes.

Où ira le pactole prévu? D’abord aux grands groupes du Nord qui proposent au Sud des solutions toutes faites, dans l’agriculture industrielle et la production d’électricité.

Il n’est pas inutile de se méfier de l’unanimité des discours… et d’en dévoiler les sous-entendus.

L’Arabie saoudite et d’autres producteurs d’or noir tentent déjà, en coulisses, d’atténuer les critiques faites à leur fonds de commerce. Ils prétendent, eux aussi, préparer l’ère d’après. Ce n’est qu’esbroufe.

Autre dimension peu évoquée: le rôle du nucléaire dans cette affaire. Car c’est bien la question globale des énergies de demain qui est en jeu. Or tous ceux qui pourfendent l’usage du pétrole, du gaz et du charbon – et ils ont raison de le faire! – ne sont pas forcément des adeptes convaincus des technologies nouvelles et propres. Il y a aussi les pays et les groupes d’intérêt qui misent encore sur l’atome. La Chine va construire plus d’une centaine de centrales dans les quinze ans à venir. L’Inde, le Brésil, une dizaine de nations, en Europe aussi, favorisent cette option. Quel beau marché! Tant mieux si l’on brûle moins de charbon demain, mais inutile de se cacher sur ce qui lui succédera.

Ce n’est pas tout à fait un hasard si le grand agitateur de la cause anti-CO2, Nicolas Hulot, est financé par le lobby nucléaire français. Il n’en fait pas mystère. Sa fondation affiche l’appui d’EDF sur ses publications.

Le tribun télégénique est prêt à tout pour convaincre. Il ose déclarer que l’actuel afflux des réfugiés n’est qu’un avant-goût de ce que nous connaîtrons quand les émigrés de la sécheresse déferleront chez nous. Une hypothèse acrobatique qu’aucune étude scientifique ne vient étayer. Mais la peur, ça paie.

Le pape François, lui, a une autre approche. Il prie pour le succès des pourparlers de Paris. Mais il lie la question de l’énergie à celle de la pauvreté. Il critique l’emprise des géants de l’économie, il prône le partage des richesses, en appelle à la responsabilité sociale et individuelle. L’industrie du nucléaire et de l’agriculture dopée ne va pas précisément dans ce sens.
Le soleil, le vent, la mer, la nature donnent des raisons d’espérer un avenir plus propre et moins dangereux pour l’humanité. Bizarre, bizarre… On n’en parle peu ou pas dans les documents de la conférence de Paris.

jacques.pilet@ringier.ch

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Pascal Le Segretain / Getty Images
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