Analyse. Avec l’élection d’un second UDC estampillé d’origine officielle contrôlée, les autres partis pensent avoir retrouvé la paix.
Chantal Tauxe
Ce 9 décembre, l’Assemblée fédérale a réservé une ovation inhabituellement longue à Eveline Widmer-Schlumpf. Une manière de louer l’engagement et le courage de la conseillère fédérale sortante, mais aussi de dompter une émotion teintée d’un parfum de nostalgie. La Grisonne a porté haut le sens du compromis, les parlementaires en sont bien conscients, qui espèrent que son successeur fera de même, que l’UDC se calmera, qu’elle cessera enfin de rugir.
Ah! La concordance, cela fait longtemps qu’elle n’avait pas été à pareille fête sous la Coupole. Tous les orateurs de la matinée l’ont évoquée avec des trémolos dans la voix. On s’était habitué aux coups de théâtre, aux manœuvres secrètes, aux déclarations revanchardes, l’élection de Guy Parmelin apparaît comme la plus «normale», la plus apaisée depuis celle de Doris Leuthard en 2006.
Pour témoigner de sa bonne volonté, le groupe UDC a même consenti à réélire tous les autres conseillers fédéraux, sans entacher le score des deux socialistes d’une visible désapprobation. Résultat: le collège 2015-2019 est un des mieux réélus de l’histoire récente.
En attribuant un second siège, au Conseil fédéral, à un UDC certifié d’origine officielle contrôlée, les autres partis ont montré à quel point ils aspirent à retrouver la paix, le gentil train-train des affrontements gauche-droite et des petites avancées législatives astucieusement négociées pour ne fâcher personne, l’esprit de consensus, bref, la prunelle de nos institutions.
La paix est la plus noble ambition de la politique. Encore faut-il réfléchir aux moyens de l’obtenir. Engluée dans ses relations avec l’Union européenne, la Suisse a besoin de clarté pour avancer. Plus précisément, il est urgent, pour les autres partis, de se confronter sérieusement à l’idéologie isolationniste et souverainiste développée par Christoph Blocher et son clan, et d’élaborer une option aussi convaincante et séduisante pour ses électeurs.
Confrontation des idées
Thomas Aeschi aurait porté cette confrontation des idées et des solutions au sein du collège gouvernemental – on y aurait du coup moins roupillé que dans la précédente législature –, mais au moins les autres conseillers fédéraux auraient été prêts pour aller ensuite convaincre le peuple, comme naguère Pascal Couchepin et Micheline Calmy-Rey, préalablement admonestés par leur collègue Blocher, ont gagné toutes leurs votations populaires.
Il n’y aura pas de duels entre Aeschi et Berset, par exemple, dont on peut imaginer que les étincelles auraient été fécondes. Cette indispensable confrontation entre deux visions antagonistes de l’avenir de la Suisse n’aura pas lieu au sein du Conseil fédéral. Elle se déroulera donc au Parlement, de manière moins claire et ordonnée, et dans les urnes. Les partis croient avoir retrouvé la concordance, ils imaginent avoir placé l’UDC devant ses responsabilités gouvernementales, c’est une grande illusion, qui va s’évaporer rapidement.
Une fois de plus, les socialistes ont reculé devant l’obstacle, ils ont renoncé au combat frontal. Ils ont préféré introniser un Guy Parmelin qui se montrera loyal et collégial et sera, tôt ou tard, comme Samuel Schmid, ostracisé par les blochériens. Ils en profiteront pour reprendre leur liberté de mouvement et leur posture d’opposition. Il faut toutefois souhaiter à Guy Parmelin, 116e conseiller fédéral, successeur du flamboyant Vaudois Jean-Pascal Delamuraz, la force de faire mentir cette sombre analyse.