Voitures.Notre journaliste Luc Debraine publie «Hypercars», livre grand format sur des voitures hors normes, fleurons technologiques et laboratoires du futur.
Après un ouvrage consacré, il y a quatre ans, aux voitures électriques, Luc Debraine aurait-il fait marche arrière? Le voilà qui publie un beau livre dédié aux bolides hyperboliques, pour certains produits à quelques exemplaires par des marques mythiques comme Ferrari, et dont les prix peuvent se compter en millions… Batmobiles? Navettes spatiales? Joyaux bling-bling? A côté de l’ostentation, il y a aussi l’élégance, l’innovation, l’invention. Le rêve. Dans Hypercars, notre journaliste ouvre le capot de 27 monstres fuselés et s’entretient avec des acteurs clés (Stephen Bayley, créateur du Design Museum de Londres, farouche détracteur des hypercars, ou Paul McKenzie, chef du projet de la McLaren P1). Il revient pour nous sur sa passion de vitesse et d’innovation.
Pour vous qui êtes à l’écoute des tendances, consacrer un ouvrage à des voitures hyperchères et polluantes n’est-il pas un peu anachronique? Le politiquement correct semble avoir raison, aujourd’hui, de ces supervoitures…
Elles ne sont pas raisonnables, et c’est pour cela qu’elles me plaisent! J’ai choisi de privilégier ces objets hors normes dans un monde trop normé. Pas par goût de la provocation, mais par résistance, parce qu’on a encore le droit de rêver sur ces objets automobiles. Même si nous vivons un climat de culpabilité, d’indifférence même, pour ce qui est des jeunes générations. D’ailleurs, ce livre est aussi fait pour elles. Pour leur transmettre ce rêve.
A côté de l’ostentatoire Lamborghini Egoista, on trouve aussi, dans votre sélection, des modèles «sobres». La BMW i8 paraît, à côté, presque discrète… Qu’est-ce qui fait l’hypercar, pour vous?
La rareté, la sophistication technologique, la vitesse, la puissance, le design… la liberté. Il ne faut pas oublier le principe de plaisir non plus. Et, bien sûr, les propositions d’avenir. Les principales innovations automobiles sont souvent venues de la compétition et de la recherche de vitesse. Prenez les freins à disque, le turbo, le système d’injection… Aujourd’hui, les concepteurs développent des moteurs hybrides, à la fois électriques et à essence. Certains modèles peuvent rouler en ville sur un mode entièrement électrique, en silence.
En vous lisant, on découvre un monde très diversifié. On conçoit aussi bien des hypercars à Dubaï qu’au Kazakhstan…
C’est une passion universelle. A côté des grandes marques, de la longue tradition des Porsche, il y a des nouveaux venus, comme McLaren, qui a commencé il y a peu à produire des voitures pour la route. Des ressuscités, comme Bugatti, symbole de l’entre-deux-guerres. Ou des marques rares comme Pagani ou Koenigsegg, qui ne produisent que quelques voitures par année. Certains le font par passion et arrivent à peine à survivre. Gumpert a fermé cet été…
Et la Suisse?
C’est l’un des pays où il s’achète, proportionnellement, le plus d’hypercars. Même si on les voit peu. Du côté de la fabrication, on peut faire des parallèles entre la haute horlogerie et ces voitures de pointe. La marque Hublot a conçu une montre spécialement pour le modèle LaFerrari. Il y a des échanges technologiques entre Ferrari et Hublot, notamment sur de nouveaux alliages.
Quel avenir pour les hypercars?
La recherche effrénée de vitesse arrive à son terme. Le prototype Bloodhound SSC atteindra une puissance de 135 000 chevaux… C’est le modèle ultime, qui dépassera de loin le mur du son, avec ses 1610 km/h… Après lui, on ne pourra pas aller plus vite. Il n’est, évidemment, pas destiné à la conduite sur route. Je l’ai choisi comme un symbole. Les défis technologiques se déplaceront: les hypercars de demain seront probablement 100% électriques, ou fonctionneront à l’hydrogène.
Quel modèle rêveriez-vous parqué dans votre garage?
La Porsche 918 Spyder. Elle est silencieuse et consomme trois litres aux cent, comme un scooter. Elle fait à la fois appel au passé (à la Porsche 911, modèle créé il y a cinquante ans) et à la technologie de pointe. C’est sans doute l’automobile la plus complexe jamais commercialisée… Un objet paradoxal, qui avance masqué. Mais c’est un rêve, car je possède la voiture la plus banale qui existe: un break familial de marque japonaise. Et c’est très bien comme cela.
Vous êtes journaliste culturel et historien de l’art, quelle place la passion des voitures occupe-t-elle dans votre vie?
Mon père, le photographe Yves Debraine, a travaillé notamment sur les circuits de formule 1. Il m’emmenait avec lui. J’ai baigné dans cette ambiance. C’est devenu une passion. Mon jardin secret. Au fond, ce qui me fascine, c’est l’alliage de l’intelligence et de la technologie. Dans mon travail, lorsque je parle d’automobiles, j’essaie toujours de le faire de manière décalée. Qui sait, mon prochain livre sera peut-être consacré aux hypercars électriques du futur!
«Hypercars». De Luc Debraine. Favre, 133 p.