Zoom. Quand Almatech, une entreprise lausannoise spécialisée dans le spatial, utilise ses développements sur Terre, les voitures roulent plus longtemps.
Sylvie Ulmann
Exiger d’un matériau qu’il soit aussi léger que résistant, c’est presque lui demander la lune. Ce n’est pas un hasard si Almatech, la société qui a participé au projet PackPlast de développement d’un composite qui possède justement ces deux qualités, est spécialisée dans le spatial. Mais cette fois, son invention ne va pas s’envoler vers une galaxie lointaine, très lointaine. Au contraire, elle pourrait bien sillonner les routes, sous le capot de voitures. Car cette entreprise lausannoise, basée à l’Innovation Park de l’EPFL, vient de mettre au point une enveloppe pour les batteries automobiles, qui peut multiplier par trois l’autonomie des véhicules électriques ou solaires.
C’est le Laboratoire matériaux de l’école polytechnique, auquel Almatech a souvent recours pour ses tests, qui a eu l’idée de faire appel à la société lorsqu’il a fallu imaginer un matériau capable de supporter de fortes contraintes en matière de déformation. «Dans l’automobile, les enveloppes de batteries sont généralement réalisées en acier inoxydable, qui est un matériau lourd. Une des alternatives est l’aluminium, beaucoup plus léger, mais il se déforme facilement, c’est son point faible, résume Hervé Cottard, directeur d’Almatech. Les cellules des batteries chauffent souvent très fortement quand on les utilise de façon intensive, par exemple quand on accélère avec une voiture électrique.»
Un phénomène que l’on observe d’ailleurs aussi sur nos téléphones portables, qui surchauffent après une longue conversation ou plusieurs minutes de surf sur l’internet. Problème: lorsque ces cellules chauffent, la pression augmente à l’intérieur et elles risquent de se déformer. Pour éviter tout accident, la seule solution consistait jusqu’à présent à les maintenir à bonne distance les unes des autres, de façon à ce qu’elles ne se touchent pas, même en cas de déformation. D’où une importante perte de place, qui se solde par une autonomie limitée faute de pouvoir embarquer suffisamment de batteries, donc d’énergie.
Distance multipliée par trois
C’est là qu’Almatech entre en jeu: «En remplaçant l’aluminium par une résine renforcée à la fibre de carbone, ou CFRP, du type de celles que l’on utilise dans les satellites, la déformation est six fois moindre. On peut ainsi serrer davantage les cellules et fabriquer une batterie deux fois plus petite qu’en recourant à une enveloppe en aluminium. Il est alors possible de stocker beaucoup plus d’énergie dans un volume équivalent», explique Hervé Cottard. Car des batteries plus compactes et moins lourdes permettront aux véhicules de gagner en autonomie. On devrait par conséquent pouvoir rouler trois fois plus loin.
Chez Almatech, on croise maintenant les doigts pour que cette innovation intéresse un industriel. Ce projet, mené conjointement avec la France, qui a réalisé la partie pile contenue dans le boîtier, n’a pour le moment pas trouvé de société pour produire les batteries à grande échelle.
En attendant, chez Almatech, le CFRP demeure d’actualité, puisque l’entreprise a aussi utilisé ce matériau pour fabriquer le support des miroirs de CHEOPS, le premier télescope spatial 100% suisse dont la mise en orbite est prévue pour 2017.
L’entreprise vient d’achever les tests de simulation de l’environnement spatial. Les résultats démontrent qu’elle ne bouge pas d’un cheveu, même soumise à des contraintes extrêmes: «Sa stabilité est telle que la distance séparant les deux miroirs ne varie pas au-delà de 0,75 micron, soit la taille d’un cheveu divisée par 100», précise Hervé Cottard, ravi de ce résultat qu’il qualifie d’exceptionnel. La pièce sera remise en janvier prochain à l’Institut de physique de Berne, maître d’œuvre de CHEOPS, qui l’intégrera au satellite en construction.