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Christoph Blocher, de Philippes à Bursins

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Jeudi, 17 Décembre, 2015 - 05:56

Récit. En 1999, Christoph Blocher échouait dans sa tentative de piquer au PS un siège au Conseil fédéral. Et son élection au gouvernement, quatre ans plus tard, ne fut qu’un intermède. Retour sur l’épique bataille de l’UDC pour gagner en pouvoir.

René Zeller

L’épique combat de Christoph Blocher pour gagner du pouvoir au Conseil fédéral débute en janvier 1998. Lors de la fameuse réunion de l’UDC à l’Albisgütli (ZH), il demande que le Conseil fédéral soit élu par le peuple. Une idée qui va alors diviser l’UDC. Au congrès du parti à Schaffhouse, en juillet, les sections Vaud et Fribourg contre-attaquent: il faut balayer la proposition. Les Bernois du parti (Samuel Schmid, Hermann Weyeneth, Werner Luginbühl) entonnent le même refrain. Pourtant, les délégués décident par 133 voix contre 11 que l’idée de Blocher est bonne.

Aux élections parlementaires de 1999, l’UDC engrange de nouveaux succès. Avec 22,5% des suffrages, c’est même un séisme. Avant ce succès, Christoph Blocher prétend que le Parlement préfère élire un communiste plutôt qu’un second conseiller fédéral UDC. Mais en décembre, le parti présente tout de même deux candidats: aux côtés du conseiller fédéral Adolf Ogi, on voit Christoph Blocher en personne. Avec la candidature du Zurichois, l’UDC ne vise pas le PDC, devenu le plus petit des quatre partis, mais bien les socialistes, à l’encontre de toute concordance arithmétique.

La défaite amère

Si le Parlement n’élit alors pas un communiste, il n’élit pas non plus Christoph Blocher. Battu, il monte, hors de lui, à la tribune et annonce que son parti, désormais, «ne mènerait plus sa politique au Conseil fédéral mais au-dehors, au Parlement ou au sein du peuple». Il illustre la menace par un recours à l’histoire de l’Antiquité: «Nous nous reverrons à Philippes!» (la bataille de Macédoine où, en 42 av. J.-C., le triumvir Octave a écrasé Cassius et Brutus et sonné le glas de la République, ndlr).

A la fin de 2000, lorsque Adolf Ogi, jugé non conforme à la ligne zurichoise, démissionne, le groupe parlementaire désigne comme candidats officiels la conseillère d’Etat zurichoise Rita Fuhrer et le conseiller national thurgovien Roland Eberle. Non désignés, Christoffel Brändli et Samuel Schmid se maintiennent toutefois dans la course et c’est le conseiller d’Etat bernois qui est élu au sixième tour par l’Assemblée fédérale. L’UDC est fâchée. Et peu après Samuel Schmid est qualifié de «demi-conseiller fédéral» par pas mal de ses collègues de parti.

Avec la démission de la socialiste Ruth Dreifuss en 2002, une nouvelle chance s’offre. Quand bien même le PS a droit à deux sièges au gouvernement depuis 1959, l’UDC envoie le conseiller national zurichois Toni Bortoluzzi au casse-pipe. La socialiste Micheline Calmy-Rey est élue sans problème.

Opération Hannibal

En octobre 2003, l’UDC s’affiche clairement comme la première force électorale. Au soir des élections déjà, Ueli Maurer, président du parti, évoque la revanche de Philippes: Christoph Blocher doit être élu, sans quoi l’UDC passerait à l’opposition. L’Opération Hannibal – c’était son nom de code – atteint son objectif: Blocher est élu au Conseil fédéral, Ruth Metzler et le PDC paient l’addition.

Pour l’UDC, la phase de relative accalmie dura quatre ans. Le retour de bâton est pour décembre 2007: l’Assemblée fédérale retire sa confiance à Christoph Blocher et élit à sa place la conseillère d’Etat UDC grisonne Eveline Widmer-Schlumpf.

De Philippes à Waterloo, il peut n’y avoir qu’un pas: c’en est trop pour Blocher et son clan. Les conseillers fédéraux Samuel Schmid et Eveline Widmer-Schlumpf sont éjectés de l’UDC. En même temps, le parti se prémunit contre de futures candidatures sauvages en intégrant à ses statuts la fameuse clause d’exclusion: quiconque n’est pas officiellement adoubé par l’UDC et accepte quand même une élection au Conseil fédéral n’a plus rien à faire au parti. La discorde conduit à la fondation du PBD.

L’UDC ne tient pas le coup longtemps dans la diaspora de l’opposition. A la fin de 2008 déjà, Samuel Schmid ayant jeté l’éponge, le parti fait le siège du gouvernement, présentant officiellement Ueli Maurer et Christoph Blocher. La clause d’exclusion faillit être inaugurée car, le jour de l’élection, le candidat sauvage Hansjörg Walter obtient un énergique soutien. Mais, au second tour, le président de l’Union suisse des paysans manque la majorité absolue pour une seule voix. Au troisième tour, Ueli Maurer l’emporte avec une voix d’avance sur Hansjörg Walter. L’UDC aurait au moins un représentant à son goût au gouvernement.

En 2009, quand Pascal Couchepin se retire, l’UDC laisse la hache de guerre enterrée. Cependant, en 2010, avec les démissions de Moritz Leuenberger et de Hans-Rudolf Merz, elle présente la candidature de combat de Jean-François Rime. Défaite honorable du Fribourgeois puisque, dans les deux élections, face à Simonetta Sommaruga et à Johann Schneider-Ammann, il atteint la ronde finale.

Le même Jean-François Rime est lancé dans l’arène en décembre 2011, lors du renouvellement quadriennal du Conseil fédéral. Avec, à ses côtés, Bruno Zuppiger, ce qui n’est pas une bonne idée: peu avant l’élection, le Zurichois doit renoncer pour avoir commis des choses pas très propres dans une affaire d’héritage. L’UDC le remplace in extremis par Hansjörg Walter. Tous deux se révèlent néanmoins impuissants à détrôner Eveline Widmer-Schlumpf.

Quatre ans passent encore, durant lesquels l’UDC ronge son frein, alors que la conseillère fédérale grisonne resplendit sous les feux de la rampe. Et, à la veille des élections fédérales de cette année, l’ambiance au sein de l’UDC reste pessimiste: le Parlement va sûrement trouver une nouvelle astuce pour empêcher le parti d’avoir un second élu au Conseil fédéral.

Pouvoir et influence

Christoph Blocher était candidat en 1999. Depuis lors, son rôle est décisif dans le combat de l’UDC pour gagner en pouvoir et en influence. Aussi bien lorsqu’il siégeait au gouvernement de 2003 à 2007 que comme inspirateur de multiples manœuvres dans le cadre de la concordance ou au-dehors. Le nombre de défaites que Blocher a dû digérer ces dernières années est élevé. Y figure notamment l’initiative pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple, rejetée en juin 2013 par 76% des votants.

Avec l’élection de Guy Parmelin, c’en est fini du parcours de montagnes russes qui a déstabilisé l’UDC. Le Vaudois a procuré à Christoph Blocher un moment de bonheur. L’UDC est arrivée, certes pas à Philippes, mais tout de même dans le pittoresque village vigneron de Bursins.

© NZZ Traduction et adaptation Gian Pozzy

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