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Le conseiller fédéral qui ne tombe pas à pic

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Jeudi, 17 Décembre, 2015 - 05:58

Analyse. On n’attend pas grand-chose d’Ueli Maurer à la tête du Département des finances. Sauf peut-être le pire.

Diriger le Département des finances serait simple, s’il ne s’agissait que d’équilibrer les comptes et établir les budgets, ramener sur terre les collègues du Collège et freiner les enthousiasmes dépensiers du Parlement. Mais la fonction exige de plus en plus un solide bagage en fiscalité, en finance internationale ainsi qu’un dense réseau dans les grandes capitales, ce qui demande non seulement une grande maîtrise technique, mais aussi une profonde connaissance du monde et beaucoup d’entregent. De tous les départements fédéraux, c’est celui qui est le plus connecté au reste du globe, Affaires étrangères exceptées.

Ueli Maurer répond-il à ces critères? Le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) depuis 2009 est titulaire d’un diplôme fédéral de comptable. Il a dirigé la coopérative agricole de Hinwil-Bauma dans le canton de Zurich. Siégé au conseil d’administration du groupe Fenaco, qui chapeaute les magasins Landi. Présidé l’UDC pendant douze ans. Et dirigé le DDPS, au budget de 5,1 milliards de francs. Il a indéniablement une expérience du management.

Malgré ces compétences, lui laisser les Finances fédérales, c’est comme si l’on confiait les rênes de Nestlé à l’épicier du village. Il sait, certes, compter, additionner et retrancher, passer commande et se faire payer. Maîtrise-t-il cependant les redoutables rouages d’une énorme machine internationale, sait-il négocier avec des contreparties à l’autre bout de la planète? Et surtout, ce souverainiste qui n’est que peu sorti du pays, qui n’est pas loin de croire sincèrement que la Suisse est meilleure que les autres, va-t-il accepter de se soumettre à des règles internationales toujours plus contraignantes?

Les spécialistes contactés par L’Hebdo (lire l’édition du 5 novembre 2015) ont tous insisté sur la dimension internationale croissante de la fonction de ministre des Finances. Ce dernier ne peut plus rester au Bernerhof, le siège du DFF, voisin immédiat du Palais fédéral. Il est sans cesse en chemin, à la Commission européenne à Bruxelles, au FMI et à la Banque mondiale à Washington, dans d’autres capitales, pour de nombreux sommets internationaux, comme ceux du G20 lorsque la Suisse y est invitée.

Un vote populaire, un échec

Il doit affirmer la puissance de l’Etat face aux marchés financiers et faire contrepoids à l’indépendance des banques centrales. Il doit aussi défendre les intérêts d’une Suisse qui se pose comme la vingtième puissance économique mondiale, l’une des dix plus grandes places financières, dont la monnaie est la cinquième plus traitée sur les marchés des changes. Des enjeux qui vont au-delà de la simple défense des restes du secret bancaire et autres réduits nationaux.

Ces qualités, Ueli Maurer ne les a pas démontrées à la tête du DDPS. Sa vision stratégique de l’armée paraît davantage inspirée du passé que d’une projection vers l’avenir. Enfin, il a perdu l’unique votation populaire qu’il a eue à soutenir, l’achat des avions de chasse Gripen en mai 2014.

Que se passera-t-il lorsque cet homme, peu populaire, devra convaincre le peuple d’accepter la troisième réforme de la fiscalité des entreprises (RIE III) si celle-ci est sujette à référendum? Saura-t-il le persuader de rejeter les initiatives visant à interdire la spéculation comme l’exigent les Jeunes socialistes? Et celle qui veut étendre les pouvoirs de la BNS en matière monétaire comme le réclame l’initiative sur la monnaie pleine? Heureusement pour lui, l’essentiel des réformes issues de la crise, comme la Loi sur les services financiers (LSFin) et celle sur l’infrastructure des marchés financiers (LIMF), est sous toit.

Il est à craindre que, contrairement à Eveline Widmer-Schlumpf, le Zurichois déçoive. Et, pire, qu’il échoue à favoriser les conditions permettant à la Suisse de prospérer. Ce qui amènerait les entreprises internationales à se détourner de la Suisse, et les investisseurs domestiques à placer leurs avoirs ailleurs, faute de conditions satisfaisantes. On se consolera en se disant que cela sonnera la fin du franc fort.

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