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ABRIS PC Requérants enfouis sous terre

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Jeudi, 24 Décembre, 2015 - 05:51

Valérie De Graffenried

Débordées face à l’afflux des demandeurs d’asile, les autorités peinent à trouver des hébergements adéquats. Toujours plus d’abris antiatomiques, construits dans les années 60 et initialement prévus pour accueillir toute la population suisse en cas de catastrophe nucléaire, sont réquisitionnés pour y placer les requérants. Dans des conditions difficiles. Reportage à Clarens (VD).

La scène est surréaliste. Il sort de l’abri de protection civile sapé comme un prince, complet bleu roi, fine cravate et coiffure à la mode. Trois lignes horizontales rasées sur chaque tempe. Ismail est un requérant d’asile somalien. Il a 19 ans, et lance, un grand sourire aux lèvres: «Je suis le manager des lieux!» A peine arrivés devant l’entrée du bunker de Clarens (VD), c’est lui que l’on voit en premier. Inattendu? Ce n’est que la première d’une série de surprises qui ponctueront nos trois jours de reportage dans l’abri.

Car, ici, juste sous le collège Vinet, à moins de 2 kilomètres du Montreux Palace, s’organise toute une vie parallèle, enfouie sous terre. Un important groupe de requérants y a été affecté. Ils étaient très exactement 87 le jour de notre arrivée, dont Ismail le frimeur. Dix nationalités, parmi lesquelles 54 Erythréens, 15 Afghans, 4 Somaliens et 4 Sri-Lankais. La plupart avec un permis N de requérant d’asile, ou «en attente de statut». Que des hommes, plutôt jeunes, venus seuls déposer une demande d’asile en Suisse, même si huit sont mariés.

Il y a quelques mois encore, ces abris antiatomiques n’étaient en principe réservés qu’aux «cas Dublin», des requérants censés être renvoyés vers le premier pays européen par lequel ils sont arrivés, souvent l’Italie. Ou des déboutés, ceux dont la Suisse ne veut pas. Pas des requérants susceptibles de rester ici. Aujourd’hui, l’afflux de migrants ne permet plus d’être aussi sélectif. Pris à la gorge, les cantons doivent se débrouiller pour trouver de nouveaux lieux d’hébergement. Tout y passe: casernes, tentes militaires, anciens hôpitaux psychiatriques, conteneurs. Avec les abris PC tout en bas de l’échelle. Certains cantons y placent même des familles et des mineurs alors que les conditions ne s’y prêtent pas.

 

Une situation tendue

Quand il a fallu annoncer aux habitants de Clarens, en août, que des requérants seraient placés dès le 1er septembre dans l’abri sous le collège Vinet, le chiffre de 75 a été articulé. Une sorte de «seuil de tolérance», alors même que l’abri, un des plus grands du canton, conçu pour être transformé en hôpital, et qui dispose d’une sortie de secours, serait susceptible d’en accueillir cinq fois plus. Mais de 75, on est rapidement passé à 87. «Et on risque de devoir monter à 96», confie ce jour-là Christine Blatti Villalon, responsable du secteur Est de l’EVAM, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants. Elle ne cache pas que la situation est extrêmement tendue, et que ces abris, solution de «dernier recours», ne sont pas ouverts de gaieté de cœur. Celui de Clarens est le douzième dans le canton. Vaud doit accueillir 8% de la totalité des requérants qui viennent en Suisse, selon une clé de répartition proportionnelle à la population. Et pour 2015, le nombre total des demandeurs d’asile – 34 652 jusqu’à fin novembre – devrait dépasser les 39 000.

On descend dans l’abri par un long couloir, sombre, qui débouche sur des conteneurs. A l’intérieur, à peine la porte blindée franchie, des Securitas et un surveillant de l’EVAM. Ils fouillent les sacs. Huit grandes tables en bois meublent la pièce principale, avec une télévision à écran plat accrochée au mur. Sensation de renfermé. Odeur de transpiration et de chaussures.

Réveillés vers 7 heures du matin par l’intendant Mohamed, un Algérien, les requérants prennent leur petit-déjeuner. Véronique, l’assistante sociale, qui passe plusieurs matinées dans l’abri, reçoit dans une petite pièce qui embaume l’huile essentielle. «Ils viennent souvent me voir pour des problèmes de santé liés à leur périple ou à ce qu’ils ont vécu dans leur pays. Les douleurs physiques sont souvent une porte d’entrée pour dévoiler leur histoire, et révéler des problèmes psychiques», glisse-t-elle. Blessures de guerre, séquelles de tortures, syndromes de stress post-traumatique, elle voit de tout.

Gale, maladies transmissibles, addictions…

Il y a beaucoup de cas de gale. Et de maladies transmissibles. Des problèmes d’addiction, aussi. Sans oublier les gênes liées à l’espace souterrain avec lumière artificielle: difficultés respiratoires, insomnies, maux de tête, nervosité. Et quatre douches et quatre toilettes à se partager. «Les conditions de vie dans un abri souterrain peuvent aussi faire remonter à la surface des expériences difficiles et provoquer des traumatismes», admet Véronique. On y est: on touche au point sensible. Des séjours de courte durée uniquement dans ces endroits, vraiment? Au départ, c’était bien le principe. Mais, là aussi, les choses ont changé: avec l’afflux actuel, les requérants ont tendance à rester plus longtemps dans ces abris. Même si on n’ose pas trop le dire. Comment en est-on arrivé là? Christoph Blocher n’y est pas pour rien. Lorsqu’il était à la tête du Département fédéral de justice et police, l’UDC avait, en 2006, prôné des mesures d’économies et décidé de tout calquer sur la base de 10 000 demandes d’asile par an. Des réserves de lits ont dû être supprimées dans les cantons.

Il est déjà 9 heures et l’abri se vide: les requérants doivent quitter l’endroit; ils ne peuvent réintégrer les lieux qu’à 18 heures. A eux de décider comment organiser leur journée dans le froid. A l’intérieur, il n’en reste plus que neuf, affectés à des programmes d’activités. Cinq pour nettoyer dortoirs, couloirs, douches et salle de séjour, quatre à la cuisine. Ils sont payés environ 3 francs de l’heure et peuvent espérer gagner ainsi entre 150 et 300 francs le mois. Un montant qui s’ajoute à leur indemnité mensuelle d’environ 130 francs. On sort à l’air libre, pour revenir à 18 heures. Avec un petit détour par la structure de jour des Boveresses de l’EVAM, à Lausanne. Une sorte de maisonnette sur trois étages, avec babyfoot, table de ping-pong, café internet et salle de prière œcuménique «privée de porte, car les musulmans avaient tendance à s’y enfermer».

Gilbert, assistant social d’origine africaine, qui a une petite coupelle avec des préservatifs sur la table de son bureau, a le sens de la formule. C’est lui qui souligne, en riant: «On pourrait en fait acheter tous les abris PC et les revendre à bon prix si les Suisses sont un jour confrontés à une catastrophe nucléaire et veulent déloger les requérants!» Les habitants de quatre abris PC – Clarens, Epalinges, Coteau-Fleuri et Le Mont – peuvent s’y retrouver, trajets en transports publics payés. Mais, pour ceux de Clarens, c’est loin. Certains préfèrent traîner dans les environs de Montreux. Ou se rendre chez des amis, pour autant qu’ils en aient. En janvier, une structure de jour s’ouvrira à Clarens.

Des mineurs, sans doute

Retour à l’abri, dans une ambiance nocturne. Sur le trottoir, un policier veille au grain. Seulement une dizaine des 87 habitants sont déjà là, devant le grillage fermé. Des Erythréens. La grille s’ouvre, on entre. Alors que, pour midi, les requérants disposent d’un lunch bag, le soir, ils reçoivent une barquette avec viande, pâtes et légumes à réchauffer au micro-onde, du lait, du jus d’orange et du pain.

Dans la salle à manger, deux Afghans attirent notre attention. Ils ont tout l’air d’être mineurs. Mais que font-ils là? Véronique nous avouera le lendemain partager nos doutes et vouloir les faire transférer dans un endroit plus adéquat. Amari dit avoir 17 ans. Mahdi, son copain de bunker – ils ne se connaissaient pas avant –, 16. Il ressemble à un petit oiseau fragile, avec ses longs cils, son regard triste et son corps frêle, courbé. Mahdi parle peu. Il est prostré devant sa barquette, qu’il touche à peine. Amari: «Il est en dépression. Il ne dort pas. On a dû l’emmener deux fois d’urgence à l’hôpital à cause de crises d’angoisse depuis qu’il est ici.»

C’est donc Amari qui parle, avec son cheveu sur la langue. A côté, un Erythréen fait le signe de croix avant d’attaquer sa barquette. Un nouvel arrivant, un Irakien au crâne rasé et yeux verts hypnotisants, fait son entrée dans l’abri. On lui remet un nouveau matelas emballé dans du plastique.

Amari se lance, en anglais: «A Bâle, les autorités suisses n’ont pas jugé mes papiers d’identité valables et je n’avais pas de passeport. Ils ont décidé que j’étais majeur. Mais ils n’ont pas voulu me faire passer les tests de la main pour vérifier mon âge!» Même topo pour le plus jeune, arrivé à Altstätten (SG). Dans la petite loge des Securitas, on vérifiera leurs fiches: sous «date de naissance» est inscrit 1.01.1997 pour les deux. En clair: le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a estimé qu’ils avaient plus de 18 ans. Et quand la date de naissance n’est pas (re)connue, on indique le 1er janvier.

«C’est pas normal, faites quelque chose, insiste Amari. Ici, on est confrontés à des problèmes d’adultes. Il y a des bagarres une fois par semaine. Des gens boivent, on a parfois peur de rester avec eux. On doit être transférés ailleurs.» Lui aussi dort mal, malgré la lumière bleutée imposée dès 22 heures dans les dortoirs à la place des néons agressifs, se plaint de démangeaisons, de maux d’estomac et de maux de tête constants. «J’ai besoin de repos mental. Je veux apprendre, étudier. Mais ici, je n’arrive pas à me concentrer.»

Alors que les Erythréens arrivent en tête des demandeurs d’asile depuis 2007, la Suisse connaît une vague atypique de migrants afghans depuis octobre: 1533 sont arrivés ce mois-là en Suisse, 2386 en novembre.

Amari a quitté l’Afghanistan, et Kunduz, «un endroit où il y a toujours le terrorisme», il y a trois mois. Il est passé par l’Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Hongrie. Et l’Autriche. «La famille de Mahdi s’est, elle, réfugiée en Iran. Mais la vie n’y est pas bonne pour les Afghans. Ils nous disent qu’il faut d’abord partir en Syrie combattre Daech (l’Etat islamique), pour espérer obtenir un statut de réfugié.» Grand fan de cricket, Amari précise que lui et son ami sont de la minorité hazara. «Dès qu’on quitte la capitale, on risque d’être kidnappés, torturés ou tués par les talibans. Nous sommes victimes de discriminations par le seul fait de ne pas être Pachtounes.»

Un Securitas observe les requérants manger. C’est Jules César, un Burkinabé. L’ambiance est plutôt tranquille, malgré le brouhaha de dialectes qui se superposent au son de la télévision. A l’écran, un journal télévisé. Et des images de la rencontre de chefs d’Etat et de ministres pour la COP21. Soudain, encouragé par ses camarades, un Afghan saute sur l’écran placé à plus de 2 mètres du sol pour… embrasser Ségolène Royal!

On s’approche d’un groupe d’Erythréens, tous des déserteurs. Ils regardent des clips de musique de leur pays sur leurs téléphones portables. A la table d’à côté, les Afghans, un peu jaloux, montent le son de la leur. Un Securitas intervient. Ces portables, condensés de vie des migrants et «boussole» indispensable pour se frayer un chemin en Europe, recèlent des trésors. Comme cette petite vidéo d’une «boum» érythréenne improvisée dans le dortoir de l’abri.

On revient le lendemain. Véronique est avec un Erythréen, torse nu, nerveux, qui lui balance une pile d’enveloppes sur la table. A elle de traduire et d’expliquer. Il s’agit surtout d’amendes. «Il a des problèmes avec la police à cause de l’alcool», tente d’expliquer un migrant. Il a aussi besoin de médicaments. L’assistante sociale prend rendez-vous pour lui avec une infirmière. Il devra se rendre à Bex.

Un autre arrive en se plaignant de moustiques. Quelques jours plus tôt, il y a eu une invasion d’insectes dans l’abri. Véronique lui rappelle qu’il doit faire des démarches car son permis N arrive à échéance. Au tour des deux petits Afghans d’arriver. Ils exigent de quitter l’abri PC. «Les gens qui viennent me voir ont aussi parfois juste besoin d’un contact, d’une écoute. Plusieurs ici ont vécu des expériences traumatisantes dans des camps libyens. Dont des abus sexuels.»

Humour noir de bunker

Vers 18 heures, à l’heure des barquettes à réchauffer au micro-onde, un Sri-Lankais brandit une lettre qu’il vient de recevoir. Il ne la comprend pas. Elle indique «fin de la procédure Dublin». Il ne sera donc pas renvoyé vers un pays européen, c’est la Suisse qui va traiter sa demande d’asile. «Ah, tu vas donc pouvoir rentrer au Sri Lanka!», rigole un Ethiopien. Humour noir de bunker. Que même l’intendant, Mohamed, pratique. On l’a entendu entrer dans le dortoir des Afghans en criant: «Dehors, les talibans!» Ou tirer sur la barbichette d’un Somalien en disant: «Lui, c’est Daech.»
«Hey, Somalia!» «Yes, Pakistan?» Les requérants s’interpellent souvent par le nom de leur pays. Samuel, un Erythréen de 30 ans, silhouette longiligne, grands yeux brun clair, vient s’asseoir à côté de nous. Il est celui qui parle le mieux l’anglais dans l’abri, et sert souvent d’interprète. A côté de lui, Negasi, 40 ans, qui en fait facilement quinze de plus. Un ancien soldat, au regard dur. Depuis deux mois et deux semaines dans l’abri PC.

Parti fin décembre 2013 d’Erythrée, Negasi a passé plus d’un an et demi au Soudan, puis quatre mois en Libye, avant de traverser la Méditerranée. Dans un bateau avec 320 personnes, qui a eu une panne de moteur et a dû être secouru. Son père est mort, sa mère est restée en Erythrée, ses frères aussi, emprisonnés depuis 2007. Sa femme et ses enfants sont en Ethiopie. Arrivé en Italie, il a assez vite rejoint la Suisse, sans donner ses empreintes digitales, pour ne pas être refoulé vers la Péninsule.

Le camp en Libye l’a beaucoup marqué, raconte Samuel, soucieux de traduire chaque mot. Negasi fait un geste de gorge tranchée: «Daech!» Et parle d’un Nigérian, qui était avec lui dans le camp. «C’était un chrétien. Il avait une grande croix tatouée sur le bras. Ils ont pris un couteau, ont d’un coup sec enlevé la croix et jeté la chair découpée par terre, comme un morceau de viande.» Negasi s’arrête. «Je ne veux plus parler de tout ça.» Il baisse les yeux. Il a lui-même fait de la prison en Erythrée. Dans une geôle souterraine, «où il faisait une chaleur étouffante».

Samuel raconte à son tour son parcours. Il est arrivé à Clarens le 10 septembre. Titulaire d’un diplôme en finances, il a travaillé pendant quatre ans pour le gouvernement d’Asmara. Sans être payé, dit-il. Il a tenté une première fois de fuir l’Erythrée souvent dépeinte comme la «Corée du Nord de l’Afrique», mais a été rattrapé et emprisonné. La deuxième fois était la bonne. Dans son récit, Samuel s’arrête sur sa traversée du Sahara et les rackets orchestrés par les soldats soudanais et libyens. Il parle des abus sexuels aussi. Sur les femmes. «Mères, sœurs, ils ne faisaient pas la différence, ils les violent toutes!» ajoute Negasi. Pour traverser la Méditerranée, Samuel était sur un Zodiac prévu pour 40 personnes. «Mais nous étions 120.»

Le prix des passeurs

Jour 3. Les contacts sont plus faciles. On retrouve Ismail, notre première rencontre, le Somalien aux tempes habilement rasées. Il est coiffeur, comme son père. Il a d’abord quitté la Somalie pour vivre quatre ans en Arabie saoudite. Puis retour en Somalie en 2011. C’est en février de cette année qu’il a décidé de rejoindre l’Europe. Il a dépensé 4700 dollars en passeurs jusqu’en Libye, puis environ 2000 pour la traversée, et 300 en Italie. Il se plaint de la vie en abri. Les quelque 120 francs qu’il reçoit par mois ne lui permettent pas de faire grand-chose, lui qui fume. Mais il a des amis somaliens du côté de Neuchâtel, qu’il s’apprête d’ailleurs à rejoindre quelques jours (il a le droit de s’absenter quatre nuits de l’abri sans être sanctionné). C’est comme ça qu’il a pu s’offrir sa veste bleu roi dont il est si fier. Une veste à 250 francs.

Sur le tableau d’affichage dans la pièce principale, quelques mots en français et tigrinya (érythréen) et l’alphabet. Mais aussi un message en tigrinya. On nous explique qu’il s’agit de l’organisation d’une récolte de fonds pour le rapatriement du corps d’un requérant érythréen, tombé deux semaines plus tôt du toit d’un centre de Sainte-Croix.

Dernière soirée dans l’abri. D’abord très calme: les requérants mangent entre eux, on préfère ne pas les déranger. Les confidences viennent plus tard. Chaque jour, on se réapprivoise. A la télévision passe un film violent, avec des scènes de torture. Qui fait rire les habitants du bunker. «Oh, vous savez, ne vous inquiétez pas, on sait parfaitement ce que c’est!»

La musique est un bon prétexte pour entamer la conversation. Et puis il y a l’effet «grappe». On s’installe à une table, avec une ou deux personnes et, soudain, quand on lève la tête, ils sont une quarantaine autour de nous. C’est ce qui est arrivé ce soir-là. Le «comédien» du bunker, un «cas psy» plutôt nerveux et agressif, peste contre la Suisse. Et sa collection d’amendes – il en a pour 1400 francs. Il nous toise, provoque. Quand on lui demande ce qu’il faisait en Erythrée et qu’il répond «chanteur», on lui tend la perche. Un petit tour de chant? Il s’y met. Et y prend du plaisir. La star du bunker, c’est lui! Rires et applaudissements, moments de pur bonheur. Même Mahdi, le petit Afghan prostré, esquisse un sourire.

C’est ce moment-là qu’a choisi un Afghan plus âgé, au visage balafré, pour nous mettre brusquement son téléphone portable sous les yeux. Avec une photo d’une fillette morte, ensanglantée, la gorge tranchée. «Ce sont les talibans qui ont fait ça!» lâche-t-il avant de se réfugier dans le dortoir. C’est ça aussi l’«effet abri PC». Tourbillon d’émotions, montagnes russes de sentiments, où l’on passe rapidement des rires aux larmes. De lettres qui annoncent de bonnes nouvelles à celles qui représentent la fin d’un espoir et d’une projection dans une nouvelle vie. De moments légers, pour oublier, aux blessures, vives, qui remontent. Et aux colères d’être «enfouis sous terre».

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Eddy Mottaz
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