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Au secours, j’ai besoin d’un psy!

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Jeudi, 14 Janvier, 2016 - 05:50

Texte de Patricia Meunier

Zoom. Pour être admis dans le cabinet d’un psychiatre en Valais, il faut être en crise aiguë. Peu de thérapeutes répondent à un appel de détresse psychique. En cause, des agendas pleins, un point Tarmed faible et trop peu de praticiens pour la demande existante.

«Nous ne prenons pas de nouveaux patients, nous n’avons plus de place libre.» Ces mots, beaucoup de patients en détresse les ont entendus en Valais. Car, dans ce canton, pour consulter un psychiatre ou un psychologue psycho­thérapeute, mieux vaut prendre son mal en patience.

Par manque de place ou parce que la maladie n’est pas jugée suffisamment grave selon l’échelle des priorités définies par les urgences, il faut jouer des coudes pour décrocher un rendez-vous.
Un rapide tour des cabinets privés montre des agendas complets. «Il y a actuellement un manque certain de psychiatres dans le privé. Les régions de Sierre et de Martigny sont moins bien loties que celles de Sion et du Chablais et la densité est également plutôt faible dans le Haut-Valais. Pour un patient en demande, surtout dans l’urgence, c’est une sorte de parcours du combattant», confie le docteur Gustavo Basterrechea, président du Groupement des psychiatres-psychothérapeutes du Valais.

Des faits confirmés par les statistiques du Service de la santé publique du canton: alors qu’on recense environ 500 médecins en psychiatrie et psychothérapie dans le canton de Vaud (un pour 1500 habitants), on ne trouve que 71 spécialistes en Valais (un pour 4600 habitants).

LES URGENCES ET LES AUTRES

Même si les disponibilités du côté des soins psychiatriques communautaires ambulatoires ont été développées entre 2006 et 2011 avec l’ouverture de quatre Centres de compétences en psychiatrie et psychothérapie (CCPP) à Sierre, Sion, Martigny et Monthey, cela bouchonne encore pour consulter rapidement pour des détresses non qualifiées d’urgences par la psychiatrie. «La majorité des psychiatres déjà installés en ville ne prend pas de nouveaux patients. Une bouffée d’air surgit lorsqu’un nouveau médecin arrive, mais son emploi du temps est vite rempli», confirme Marcel Moillen, médecin généraliste à Martigny, responsable du centre médical Vigimed.

A raison d’environ huit patients par jour, soit un par heure, la limite du nombre de consultations est vite atteinte. En outre, difficile de savoir à l’avance si on a besoin de quelques rendez-vous pour gérer une situation de crise ou s’il faut commencer une psychothérapie d’une plus longue durée. «Les psychiatres privés ne peuvent pas prendre de nouveaux patients sans que cela se fasse au détriment de ceux qu’ils suivent déjà», constate Gustavo Basterrechea.

Avenir sombre

Parmi les raisons du manque de praticiens, on évoque souvent la valeur du point Tarmed pour l’ambulatoire non hospitalier, plus basse en Valais (0,82) que sur Vaud (0,96). Du coup, nombre de thérapeutes ont choisi de s’installer du côté vaudois, à Aigle, pour des questions de rémunération.

En cause aussi, l’absence de relève qui semble poindre à l’horizon aggrave encore la pénurie ambiante. Dans dix à quinze ans, une grande partie des psychiatres quinquagénaires en poste aujourd’hui atteindront l’âge de la retraite. «Les jeunes sont souvent découragés par la faible valeur du point Tarmed», relève le président du groupement des psychiatres.

Même si le canton compte en outre quelque 75 psychologues-psychothérapeutes, selon le Service de la santé publique valaisan, cela ne suffit pas, car leurs agendas ne sont pas moins pleins. «Leur disponibilité est variable, et beaucoup travaillent avec une liste d’attente. Il est certain qu’il existe une pénurie en Valais, l’offre est inférieure à tous les cantons voisins, tant en privé qu’en institution», confirme Anne Guidoux, présidente du comité de l’Association des psychologues du Valais section Bas-Valais.

Face à cette situation de crise qui ne touche pas uniquement des cas d’ordre psychiatrique, Emmanuelle Franzetti, psychothérapeute FSP et psychanalyste SSPsa à Martigny, avance une idée: «On pourrait envisager de constituer une liste de psychologues et aussi de psychiatres ayant des plages horaires à court terme. Ce système permettrait de répondre plus vite à une demande de rendez-vous urgente.»

Lorsque les cabinets privés ne peuvent pas recevoir, ils orientent les malades vers les structures étatiques. Les patients sont alors traités par ordre de priorité, le tri étant décidé par un chef de clinique: les personnes en danger de mort, avec un risque de suicide ou victimes de troubles psychiatriques graves sont rapidement prises en charge. «Dans la majorité des cas, le service public psychiatrique donne une réponse dans les jours qui suivent la demande de consultation. Nous sommes contraints de privilégier les patients souffrant de troubles graves et d’aider en priorité les plus défavorisés et les plus vulnérables. Une personne qui souffre d’un conflit de couple ou qui est affectée à la suite d’un deuil a souvent encore des ressources pour se mobiliser, contrairement à une personne présentant des troubles plus graves ayant moins de soutien de son réseau proche», explique le Dr Philippe Rey-Bellet, médecin-chef du Département de psychiatrie et psychothérapie du Centre hospitalier du Valais romand. Dans certaines situations d’urgence particulièrement sensibles, on note encore l’existence de l’Association valaisanne des psychologues de l’urgence (AVPU), qui propose un soutien psychologique dans les heures qui suivent le drame.

Entre conscience et ambition

Le monde de la santé est conscient qu’il faut étudier des solutions pour faciliter l’accès aux soins psychiatriques. «Nous souhaitons poursuivre le développement des quatre centres ambulatoires. L’objectif est de proposer une plus grande disponibilité et une plus grande rapidité dans la prise en charge», confie encore le Dr Philippe Rey-Bellet.

Malheureusement, la tendance actuelle à réduire les dépenses publiques, et donc les engagements, freine les ambitions du département de psychiatrie du Valais.

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