Architecture.A travers un guide édité par Patrimoine Suisse, les «verrues urbaines» construites pendant cette période se muent en «joyaux architecturaux».
Après avoir recensé les plus beaux cafés et tea-rooms du pays, la plus importante organisation de défense du patrimoine architectural national, Patrimoine Suisse, met en vitrine les constructions souvent décriées des années 1960 à 1975. Un nouveau guide grand public offre «un bouquet de 50 œuvres magistrales et peu connues de toute la Suisse» de cette période. De nombreuses «perles» se situent en Suisse romande, Lausanne en tête (même si le siège de Nestlé à Vevey signé par Jean Tschumi, achevé en 1960, manque à l’appel). Jusqu’à il y a peu, la cité du Lignon à Vernier (GE), les immeubles de la place Chauderon à Lausanne ou les viaducs de l’A9 au-dessus du château de Chillon ne récoltaient, esthétiquement, que critiques.
Reprenant les préceptes synthétisés par l’avant-garde de l’entre-deux-guerres, cette architecture fonctionnaliste répondait à un besoin urgent: la montée démographique. Elle représentait un modèle prétendument transposable partout. Et elle était perçue comme le sommet de la modernité. «A sa création, le Lignon était une révélation, rappelle l’historien de l’architecture Bruno Corthésy. L’accès à la modernité pour une population qui connaissait encore les quasi-taudis du XIXe siècle.»
Les néo-modernes. Mais, pour la génération qui y a grandi, ces constructions deviennent, au contraire, le symbole des dérives de la société de consommation. «Les post-soixante-huitards s’opposeront aux modernistes, privilégiant par exemple une architecture en bois, d’inspiration rurale.» Après 1975, le post-modernisme fait son entrée, avec ses chantres comme Botta et Galfetti. «Pour les fonctionnalistes des années 60-75, la beauté d’un bâtiment découlait de sa fonction. Au contraire, pour les post-modernistes, il fallait lui superposer la beauté.»
Ironie du sort, des organes comme Patrimoine Suisse se sont créés pour protéger le passé. Un patrimoine menacé par l’architecture moderne, cette architecture des années 1960 à 1975 par exemple, qui s’étendait sans souci d’intégration urbaine. Si les bâtiments fonctionnalistes redeviennent à la mode, c’est qu’ils correspondent à notre goût actuel et à l’architecture qui domine aujourd’hui. Pas de doute, les néo-modernes occupent désormais le terrain.
«Les plus beaux bâtiments 1960-75». Patrimoine Suisse, 120 p.