Texte de Pascale Hugues
Autant l’Allemagne que l’Autriche attirent des milliers de visiteurs qui viennent marcher sur les traces de Hitler. Ce qui suscite des polémiques ou la peur que certains sites ne deviennent des lieux de pèlerinages des néonazis.
Peut-on considérer les lieux de mémoire du national-socialisme comme des attractions touristiques comme les autres? Nuremberg, où se tenait sur une gigantesque esplanade construite par Albert Speer le congrès annuel du NSDAP, Weimar, la ville de Goethe et de Schiller, qui jouxte le camp de concentration de Buchenwald… Voilà deux villes emblématiques confrontées à ce dilemme.
A Berlin, capitale du IIIe Reich, et à Munich, ville adoptive du jeune Adolf Hitler qui prononça en 1918 son premier discours dans l’illustre Hofbräuhaus, des visites guidées «sur les traces d’Adolf Hitler» sont proposées. Le Berghof, ce fameux nid d’aigle perché dans le grandiose cirque montagneux de l’Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, où résidait Hitler, a été entièrement détruit. Sur le terrain se trouve un complexe hôtelier, dont la construction en 1975 a donné lieu à une grosse controverse. L’Obersalzberg est un aimant pour les visiteurs étrangers, en particulier américains. Sur TripAdvisor s’accumulent les commentaires élogieux: «Just fantastic!», «Wow! Beaucoup d’histoire!»
Mais aucun lieu ne suscite de plus vives polémiques que la maison natale d’Adolf Hitler, dans la très jolie petite bourgade de Braunau am Inn en Autriche, tout près de la frontière allemande. Hitler n’y vécut que quelques années avant que ses parents déménagent. Il y naquit le 20 avril 1889 et, à cette date anniversaire, l’Etat autrichien est confronté au même problème: que faire de cette maison, qu’il loue pour 4800 euros par mois avec l’argent du contribuable, pour qu’elle ne devienne pas le lieu de pèlerinage des néonazis? Plusieurs fois déjà, des morceaux de la façade ont été dérobés comme souvenirs et parfois des néonazis posent devant cet immeuble de deux étages en faisant le salut nazi.
En 1912, Hitler tentait alors en vain une carrière d’artiste peintre à Vienne, la famille Pommer acquiert la maison. Après l’Anschluss, Martin Bormann rachète la maison à bas prix. En 1954, les Pommer récupèrent leur bien. Pour éviter qu’elle ne tombe un jour entre les mains des néonazis, l’Etat autrichien loue la maison au début des années 70 et y loge un centre pour handicapés. Les relations avec la propriétaire n’ont cependant cessé de s’envenimer. Elle refuse par exemple l’apposition d’une plaque commémorative sur la façade. Celle-ci a donc été posée sur le trottoir devant la maison à la fin des années 80.
Depuis que le centre pour handicapés a fermé ses portes, l’immeuble est vide et pose problème. Le bail signé avec l’Etat autrichien interdit l’utilisation des lieux à des «fins muséales» et préfère des «activités socioéducatives». La propriétaire s’est opposée à l’installation d’une université populaire.