Propos recueillis par Philippe Le Bé
Interview. Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), a conscience des limites d’une coopération entre les deux pays.
Avec des exportations horlogères en baisse de 3,3% de janvier à fin novembre 2015, en regard de la même période de l’année précédente, l’horlogerie suisse pâtit du franc fort et d’une conjoncture économique médiocre. Si ce repli n’est pas comparable avec celui de 2009, année durant laquelle des emplois se sont évaporés par milliers, il touche cependant maintes entreprises, notamment des sous-traitants horlogers contraints de licencier des collaborateurs.
Parmi les marchés en recul, celui de Hong Kong est le plus important. Il a régressé de 23%, sensiblement plus que celui de la Chine (moins 5,5%). A la veille du Salon international de la haute horlogerie (SIHH) qui se tient cette semaine à Palexpo, L’Hebdo a rencontré Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH). Il connaît bien la Chine, pays avec lequel la Suisse a signé un accord de libre-échange entré en vigueur en juillet 2014.
Comment expliquez-vous la chute du marché à Hong Kong?
Conséquence du ralentissement de l’économie chinoise, moins de consommateurs viennent faire leurs emplettes à Hong Kong. Ou bien ils acquièrent des produits moins chers qu’auparavant. Il y a eu par ailleurs des tensions avec des clients chinois qui se sont sentis mal accueillis par les Hong-Kongais. Les manifestations de l’automne 2014 ont également eu des effets négatifs sur le climat de consommation. Enfin, les tentatives de lutte contre la corruption ont dissuadé certains Chinois de s’offrir des montres de luxe.
Comment se traduit, dans les faits, l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine?
Sa mise en œuvre n’est pas simple. Tous les douaniers chinois ne semblent pas l’avoir complètement assimilé, faute d’instruction ou de formation. Des taxes sont encore perçues ou des documents superflus sont réclamés. C’est surtout le commerce maritime qui pose problème. Contrairement à un bien directement acheminé de Suisse en Chine par avion, un conteneur transporté par mer franchit plusieurs étapes. Certains fonctionnaires chinois zélés veulent s’assurer deux fois plutôt qu’une que les montres importées au bénéfice de droits de douane préférentiels proviennent bien de Suisse!
Le groupe de travail horloger Suisse-Chine s’est réuni deux fois depuis 2014. Des résultats?
Nous pouvons maintenant transmettre des informations concrètes aux Chinois en matière de copies et de violation du Swiss Made. Ces derniers nous aident à entrer en contact avec certaines plateformes internet qui mettent en ligne de fausses montres. La collaboration s’est donc améliorée. Les Chinois répondent à nos questions.
Ils ne réagissent que lorsque la FH le leur demande?
Les autorités chinoises n’interviennent qu’après une dénonciation de la FH ou de l’un de ses membres. Sur l’une des plateformes, par exemple, nous avons constaté que le nombre de montres litigieuses avait diminué. C’est bon signe.
Une petite victoire dans une bataille sans fin?
Des contrefaçons, il y en aura toujours. Nous cherchons à diminuer leur visibilité tout en maintenant la confiance des consommateurs dans les produits authentiques. Nous obligeons les contrefacteurs à se montrer plus discrets.
Combien de sites avez-vous fermés?
En 2015, nous avons stoppé plus de 560 000 annonces de montres contrefaites ou de faux Swiss Made, provenant principalement d’Asie. Quant aux sites proprement dits, nous en fermons plusieurs centaines par année. Certains disparaissent à jamais, d’autres repoussent. Par notre action, nous infligeons des peines pécuniaires aux contrefacteurs. Les pertes commerciales qu’ils subissent sont plus efficaces que d’hypothétiques amendes. Si nous cessions de lutter, nous serions totalement submergés par la contrefaçon et le consommateur perdrait toute confiance dans notre industrie horlogère.