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AirBnB: une nouvelle menace pour les régies immobilières

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Jeudi, 21 Janvier, 2016 - 05:56

William Türler

Décodage. Les hôtels ne sont pas  les seuls à être concurrencés par Airbnb. Les gérances sont aussi concernées. Explications.

Après les hôtels, les régies seront-elles les prochaines victimes d’Airbnb? S’il est peu probable qu’elles disparaissent du jour au lendemain, le développement de la plateforme californienne et l’émergence de plusieurs services de gérance 2.0 les obligeront cependant à reconsidérer leurs offres. Du moins pour certains segments. D’autant que les attentes des propriétaires tendent à évoluer. Agé de 42 ans, Hervé de Segonzac, contrôleur financier, loue par exemple depuis mi-novembre via Airbnb un appartement de 80 m2 dont il est propriétaire à Genève. La raison qui l’a fait opter pour cette solution plutôt que de choisir une régie? La flexibilité.

«Je n’ai pas acheté ce bien dans le but de le louer et je ne suis pas intéressé par une location de longue durée.» De cette manière, il peut dégager un rendement locatif, tout en restant maître de son logement et stopper la location quand bon lui semble ou réserver son appartement pour héberger des amis ou de la famille de passage. Son but n’est ainsi pas de maximiser à tout prix le rendement locatif, mais plutôt de profiter d’un système qui lui donne plus de liberté, notamment sur les prix à court terme (par exemple en fonction des salons prévus à Genève) ou à long terme (il peut revoir chaque année ses tarifs en fonction de la demande).

Bénéfice supérieur à la location

Par ailleurs, il n’a pas à endosser des tâches administratives liées à la location. Il a mandaté la société genevoise weDoux, qui se charge de la gestion via Airbnb: «Je leur ai remis les clés et ils assument tout. Ils me tiennent au courant des locations passées ou à venir et me font régulièrement des versements.» Des locations dont la durée peut être aussi courte qu’une nuit demandent en effet un minimum de logistique: il faut trouver le client, préparer les lieux, être présent à l’arrivée et au départ, s’occuper du ménage, des draps, du linge de maison. «Tout cela est très contraignant et demande beaucoup de disponibilité, ce qui justifie la commission de weDoux», ajoute le propriétaire.

Il souligne qu’il pourrait louer son bien environ 2000 francs par mois. Sur Airbnb, il le loue à un tarif de 100 francs par nuit, en versant une commission d’environ 18% à weDoux. «Pour l’instant et à ma grande surprise, le logement est presque tout le temps loué, il est donc probable que le bénéfice soit supérieur à une location standard via une régie», dit-il.

Alexia Payot, qui a lancé weDoux à la fin de l’année dernière, compte aujourd’hui une douzaine de clients, principalement établis à Genève. «Pour avoir travaillé pendant vingt ans dans l’immobilier, je peux dire que les principales craintes des propriétaires qui confient leur bien à une régie sont le non-paiement du loyer et les droits qu’offre un contrat de bail, notamment en termes de durée de location. Si un propriétaire souhaite réintégrer son logement, il doit engager une procédure en résiliation de bail et respecter les délais, souvent longs, auxquels le locataire a droit. Avec Airbnb, il peut disposer de son logement comme il l’entend et fixer lui-même le prix.» En outre, la location n’est validée qu’une fois le paiement du voyageur effectué, il n’y a donc aucune possibilité pour que le voyageur ne s’acquitte pas de son dû.

En ce qui concerne les gains potentiels, Alexia Payot relève compter dans son portefeuille un quatre-pièces dont le loyer s’élèverait à 2000 francs par mois s’il était loué par l’intermédiaire d’une régie. Ce dernier est actuellement loué 170 francs la nuit. Ce qui, pour un mois complet, correspond à 5100 francs, montant duquel il faut déduire les honoraires d’Airbnb (soit 3%) et de weDoux (18%), ainsi que les charges du logement (connexion internet, redevance TV, assurances, services industriels, etc.). «Dans ce cas, si le logement est loué trente jours, le propriétaire touche au final un montant de 3400 francs en tenant compte d’une réduction longue durée et 3800 francs sans celle-ci», précise Alexia Payot.

Fondateur du site communautaire de vente en ligne QoQa.ch, Pascal Meyer souhaite lui aussi «disrupter» la relation entre les locataires, les propriétaires et les gérances. Selon le jeune entrepreneur, celle-ci laisse encore trop souvent à désirer. Afin d’aider les régies à redorer leur image, il développe actuellement avec deux gérances romandes une application sur mesure, permettant de mettre rapidement en lien la régie avec ses locataires et propriétaires. Par exemple, l’habitant d’un immeuble pourrait en tout temps prendre une photo d’un dégât, l’envoyer à la gérance et cette dernière lui faire suivre un bon ou le mettre directement en relation avec un plombier.

Que pense le milieu de l’immobilier de cette «ubérisation» croissante de son secteur? Membre du comité de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier Vaud et directeur de la Régie Braun à Lausanne, Claude Chessex estime qu’Airbnb entre principalement en concurrence avec les régies dans le cas d’immeubles destinés à des locations de vacances, par exemple en station. Sinon, le public cible et les services diffèrent: on trouve, selon lui, d’un côté des logements destinés à des voyageurs pour des séjours de courte, voire de très courte durée et, de l’autre, des propriétaires désirant rentabiliser leur bien sur le long terme.

Il ajoute que les prestations d’Airbnb ne comprennent qu’une partie des services proposés par les gérances, ces dernières prenant en charge aussi bien les aspects administratifs et financiers que les problèmes techniques du bâtiment. «Les impératifs du droit du bail sont développés et seules des connaissances approfondies et locales permettent d’éviter des conséquences onéreuses pour le propriétaire. Pour moins du double de commission, les régies proposent des services autrement plus complets.»

Enrichissement illégal

Et qu’en est-il des locataires, nombreux, recourant aux services d’Airbnb lors d’une absence de quelques jours? Claude Chessex rappelle que toute sous-location doit faire l’objet d’une autorisation du bailleur et qu’aucune sous-location récurrente ne peut être autorisée. «Un locataire mettant à disposition son logement sans autorisation, ce qui représente la majorité des cas, prend le risque de voir son bail résilié, explique-t-il. En outre, il est formellement interdit de s’enrichir par ce biais. Or, dans la majorité des cas, les locations proposées, une fois mensualisées, dépassent le montant du loyer du locataire.» Toute plus-value est donc due au bailleur, à l’exception de 20% tolérés pour la mise à disposition des meubles et linges.

«Les risques pour le locataire sont élevés, pour un bénéfice probable bien inférieur aux attentes», conclut Claude Chessex. Afin de ne pas voir une multitude d’appartements soustraits du marché, il indique que les régies immobilières «font la chasse aux sous-locations non autorisées, avec ou sans l’utilisation d’une plateforme prévue à cet effet».

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