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Chère Coupe de l’America

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Jeudi, 4 Juillet, 2013 - 05:55

REPORTAGE. Emirates Team New Zealand investira plus de 100 millions de dollars pour cette 34e édition. Si l’équipe en sortait victorieuse, elle en changerait les règles pour en réduire déjà les coûts massifs. Rencontre en marge d’un événement Omega.

Sur la base d’Emirates Team New Zealand, sur les bords de la baie de San Francisco, deux hommes se détachent des autres de par leur stature. Le premier, Grant Dalton. A regarder les traits de son visage, à écouter son accent, il est impossible d’ignorer que le directeur de l’équipe est un pur produit néo-zélandais. Difficile encore de ne pas prêter attention à ses propos tant ils peuvent se montrer tranchants, de ne pas sourire à son humour pince-sans-rire, du genre ne me cherchez pas. Le deuxième, Dean Barker. Le skipper kiwi n’a rien d’un show man de par sa discrétion, de par cette gentillesse qui se dégage de lui. Il ne faut cependant pas se fier à cette impression. Ses classes, il les a faites notamment auprès du très expérimenté et très volontaire Russell Coutts, patron du defender Oracle Team USA et ancien skipper d’Alinghi. De plus, il a de la pratique pour avoir participé à plusieurs Coupes de l’America.

Aussi, Dean Barker sait se faire entendre quand il prend la barre de son catamaran pour ces longues séances d’entraînement qui se déroulent 3 à 4 fois par semaine dans la baie, en direction du célèbre Golden Gate Bridge. Des séances qui commencent toujours par le même rituel, la préparation et la mise à l’eau de cet impressionnant AC72. Le préambule nécessite près d’une heure ainsi qu’une trentaine d’hommes pour, notamment, relier au bateau l’aile rigide de 40 mètres de haut. Un travail qui exige de la concentration: les dégâts sont redoutés, autant sur les plans sportif que financier.

La participation d’Emirates Team New Zealand (ETNZ) dans cette campagne de la Coupe de l’America se chiffre à près de 100 millions de dollars. Un montant qui englobe les coûts de recherche et de développement. «Trente-cinq gars peuvent brûler beaucoup d’argent en deux ans de conception», souligne Grant Dalton. Et de préciser encore que la part des salaires pour la centaine de personnes qui travaillent au sein de l’équipe représente 60% du budget. Quant aux coûts des deux catamarans, «ils s’élèvent à 20 millions de dollars, dont 2,5 millions pour l’aile rigide».

Records et questionnement. De par leur technologie complexe (lire l’encadré), ces AC72 demandent aussi beaucoup d’engagement de la part des 11 membres de l’équipage, pour les dompter et en améliorer les performances à chaque sortie en mer. Au retour, l’ensemble des données relevées par les différents capteurs électroniques installés sur le catamaran sont analysées.

Vitesses du bateau, du vent ou encore informations météorologiques sont ainsi disséquées par Luc Dubois, puis discutées lors des débriefings avec l’objectif de définir les stratégies. «L’America’s Cup a beaucoup de parallèles avec la F1, raconte ce géophysicien lausannois qui a rejoint ETNZ en 2010. Il faut d’abord disposer d’une voiture qui va vite, donc d’un bateau qui va vite, et d’un équipage adéquat pour le conduire.»

Une méthode qui a permis aux Néo-Zélandais d’avoir été les premiers à faire voler leur catamaran à un mètre au-dessus de l’eau, grâce aux foils montés sous chacune des coques et à dépasser les 42 nœuds. Soit une vitesse de près de 78 kilomètres/heure.

Des prouesses qui ont soulevé beaucoup d’enthousiasme au sein de l’équipe. Puis, plus tard, ces engins puissants ont commencé à susciter une certaine réserve dans le monde de la voile et parmi le public. Déjà quand le catamaran Oracle a chaviré dans la baie de San Francisco, sans faire de victime, puis surtout quand le bateau suédois Artemis a connu lui aussi un accident en mai dernier. Avec, cette fois, le décès d’un homme. Une mort qui a conduit à des changements dans le règlement. Ces AC72 sont-ils si dangereux? Avec le calme qui le caractérise, du moins sur terre, Dean Barker en rejette l’idée. «Il est possible de concevoir un AC72 incroyablement sûr. Ou un autre encore plus sûr, mais en acceptant des compromis sur les performances.» «C’est vrai que ces catamarans ne sont pas dangereux, ajoute Luc Dubois. Mais ils exigent beaucoup de compétences et d’efforts physiques, car naviguer à 40 nœuds est simplement surhumain.»

Compliqués, ces bateaux le sont davantage que ceux des dernières Coupes de l’America. Ce qui a contraint des syndicats à renoncer à cette 34e édition. «Pour développer un AC72, il fallait tout reprendre depuis le début, explique encore le Lausannois de 51 ans. Et quand certaines équipes ont compris ce que cela nécessitait comme expertise et comme volonté, elles ont alors préféré abandonner. Comme celles qui avaient de petits budgets.»

Ils ne seront alors que trois concurrents à se mesurer dès le 7 juillet lors de la Coupe Louis Vuitton, séries éliminatoires qui verront le gagnant affronter en septembre Oracle Team USA, le détenteur de la coupe. Une situation unique dans l’histoire de cette compétition que beaucoup trouvent dommageable.

Une refonte. Si les Néo-Zélandais venaient à remporter le trophée, ils en changeraient aussitôt les conditions. «Honnêtement, nous avons besoin d’une refonte majeure de l’America’s Cup, de règles équitables, insiste Grant Dalton. De plus, il faut réduire massivement le coût des campagnes.» Et de donner un exemple. D’après le manager d’ETNZ, Oracle aurait dépensé plus de 250 millions de dollars pour cette dernière.

Il parle encore de la nécessité de consulter les équipes qui souhaiteraient participer à cette course, avec l’idée de lui donner davantage d’impact. «Je pense que les plus belles coupes se sont déroulées à Newport en 1983 et à San Diego en 1995. Là, c’était vraiment pays contre pays. Nous devons retrouver cet esprit-là, pour que les gens se sentent plus concernés.» Pas de nostalgie dans ces propos, mais des mots qui disent que, pour augmenter l’audience de «ce sport de niche», il faut de l’émotion.

«Grant Dalton a raison, l’aspect national est très important pour le public, appuie Stephen Urquhart, président d’Omega, qui est venu à San Francisco pour la présentation d’une nouvelle montre développée dans le cadre de son partenariat avec ETNZ (lire l’interview en page suivante).

Dean Barker sait qu’il doit gagner. Vraiment. En amenant la coupe à son patron, il lui apportera aussi l’occasion de bouleverser cette prestigieuse compétition.

Lire aussi l'interview de Stephen Urquhart, président d'Omega,


AC72 ETNZ: caractéristiques techniques

L’aile rigide: avec une hauteur de 40 mètres et une surface de 260 m2, cette aile a la capacité de fournirune plus grande poussée. Au vent portant, la puissance gagne en force avec l’emploi de grandes voiles avant.

Les foils: les dérives de carbone en forme de L ou de C agissent comme des ailes, jusqu’à soulever le voilier de
5,9 tonnes hors de l’eau pour le libérer de la traînée et en augmenter la vitesse.

Le gouvernail: les lames de safran sont munies d’ailettes horizontales en forme de T à l’envers qui contribuent à assurer la direction et la stabilité du catamaran.

Les dimensions: 22 mètres de long pour 15 mètres de large.

La vitesse: toutes voiles dehors, monté sur ses foils, ce bateau peut atteindre des pointes de plus de 40 nœuds (75 km/h), plus de trois fois la vitesse du vent.

L’équipage: 11 membres. Pour diminuer la prise au vent, ils ont la possibilité de s’installer à l’intérieur des coques.

Le coût: 20 millions de dollars pour les deux bateaux. Quant aux investissements globaux de cette campagne, ils s’élèvent à près de 100 millions.

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Chris Cameron
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