Diabète. Le pancréas artificiel pourrait permettre aux diabétiques de mener une vie plus autonome.
En Suisse, environ 400 000 personnes souffrent de diabète. Bien que le taux de mortalité lié à cette affection ait considérablement baissé depuis une vingtaine d’années, son contrôle n’en reste pas moins un défi majeur pour les patients et le corps médical. La discipline qu’impose cette affection se révèle en effet très contraignante, car les malades sont obligés de mesurer leur glycémie plusieurs fois par jour et, selon le type de diabète, de procéder à des injections d’insuline à chaque repas. En cas d’inadéquation entre la dose d’insuline et les apports en hydrates de carbone, ils risquent l’hypoglycémie ou l’hyperglycémie. Et, à plus long terme, de voir survenir des complications comme la détérioration progressive des reins, l’apparition de maladies cardiovasculaires ou encore des risques d’infections.
Face à un tel constat, la possibilité d’un contrôle automatisé du diabète par le biais d’un pancréas artificiel suscite bien des espoirs, surtout chez les diabétiques de type 1 (40 000 personnes touchées en Suisse), dont le pancréas ne fabrique plus d’insuline. Contrairement à la pompe à insuline, utilisée chez 20% des patients suisses et dont l’adaptation des injections d’insuline dépend du malade, le pancréas artificiel pourrait permettre aux diabétiques de vivre plus librement, étant donné que la gestion du traitement est prise en charge par le dispositif.
Testé en 2011 puis en 2013 aux Etats-Unis sur des patients sous étroite surveillance médicale, le pancréas artificiel – composé d’un capteur de glycémie agissant en continu et d’une pompe à insuline connectés à un smartphone – a fait d’importants progrès ces dernières années, notamment grâce à la mise au point d’un algorithme intelligent en mesure de délivrer automatiquement les doses d’insuline nécessaires. Les résultats d’une étude publiée en 2014 dans le New England Journal of Medicine ont par ailleurs démontré que les patients sous pancréas artificiel présentaient de meilleures valeurs glycémiques et moins d’hypoglycémies que les diabétiques effectuant leur traitement au moyen d’une pompe à insuline traditionnelle.
Malgré un développement technologique avancé, le pancréas artificiel n’a pas encore été mis sur le marché, car il est fondamental de prévenir tous les dysfonctionnements possibles de la machine une fois le patient rentré à domicile. Un pas décisif a néanmoins été réalisé par le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier en fin d’année passée. L’établissement a testé, durant trois mois, ce dispositif sur six patients surveillés à distance par l’hôpital, mais ayant pu rester chez eux. Un autre essai clinique de plus longue durée est déjà prévu pour le début de cette année, laissant entrevoir des perspectives encourageantes.
«Le système progresse toujours plus, mais il n’est pas encore parfait, tempère Giacomo Gastaldi, chef de clinique au service d’endocrinologie des HUG. En cas de rupture de connexion entre le capteur et la pompe à insuline, les hypoglycémies peuvent être sévères. De plus, ce dispositif n’est toujours pas suffisamment intelligent pour prendre en compte la gestion des repas. Une partie importante de la prise en charge du diabète reste donc encore à la solde du patient. Cependant, pour les malades qui font régulièrement des hypoglycémies non ressenties, par exemple, le pancréas artificiel se révèle déjà très utile.»
Version bio-artificielle
Plusieurs groupes de recherche planchent également sur des projets de pancréas bio-artificiel, dont l’un, financé par l’Union européenne, est développé au CHU de Montpellier. L’idée? A l’intérieur d’une poche fine implantée dans l’abdomen sont placées des cellules qui sécrètent elles-mêmes de l’insuline dans l’organisme en fonction du niveau de glycémie du patient. Cette innovation, permettant une régulation très fine et ne nécessitant pas de traitement immunosuppresseur, pourrait représenter une avancée importante pour les diabétiques en attente d’une greffe d’îlots pancréatiques, notamment.
«Les cellules pourraient provenir d’une origine non humaine, comme des îlots pancréatiques modifiés de porc ou à partir de cellules souches humaines que l’on ferait proliférer pour en avoir un nombre suffisant, explique le professeur Jacques Philippe, médecin-chef du service d’endocrinologie des HUG. Cela représenterait une avancée significative, mais ces recherches restent compliquées. Je doute donc que cette solution soit au point avant cinq ans.»