Chirurgie et orthopédie. L’impression en 3D permet notamment de créer des prothèses sur mesure.
Imaginons. Dans un avenir plus ou moins proche, chaque patient pourrait avoir son avatar en polymère permettant aux médecins de mieux se préparer à des interventions délicates, de prédire l’efficacité des traitements, ou encore d’affiner leurs pronostics de guérison sur le long terme de la manière la plus personnalisée possible… Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais l’impression en trois dimensions a déjà permis des avancées non négligeables en médecine, et plus spécialement en chirurgie maxillofaciale et en orthopédie.
L’un des exemples récents les plus spectaculaires est sans aucun doute le cas de ces trois bébés américains atteints d’une forme de trachéomalacie (une affection qui consiste en un relâchement de la trachée, qui devient alors incapable d’assurer une oxygénation suffisante des poumons), qui ont pu être sauvés grâce à la pose d’une prothèse en polymère biodégradable cousue autour de la trachée défaillante. Sans ce dispositif réalisé sur mesure par une imprimante en trois dimensions, et spécialement conçu pour s’adapter à la croissance des enfants, leurs chances de survie auraient été minimes.
L’impression en trois dimensions est également de plus en plus utilisée dans le cadre de procédures préparatoires à des opérations chirurgicales délicates, y compris dans les hôpitaux suisses. En reproduisant à l’identique un modèle de la partie à opérer, cette technique permet par exemple au chirurgien de mieux appréhender une zone anatomique complexe, surtout en cas de malformations, ou de choisir les implants les plus adaptés aux particularités de son patient. Autant d’éléments pouvant faire gagner un temps considérable en salle d’opération.
«La plus grande demande vient du service de chirurgie orale et maxillofaciale, mais l’intérêt gagne d’autres services, comme la radio-oncologie et la cardiologie, où la modélisation peut se révéler très utile», détaille José Pahud, responsable de la centrale d’impression et de reprographie du CHUV, qui fabrique depuis fin 2013 des pièces sur mesure en trois dimensions. Trônant sur une étagère, la reproduction en polymère des orbites d’un patient est, il faut bien l’avouer, frappante de réalisme.
«Un modèle comme celui-là demande environ dix-neuf heures de travail en comptant l’impression et le nettoyage de la pièce. A cela s’ajoute le temps que nécessite la préparation du fichier sur la base de l’imagerie médicale, précise le responsable. Mais cette réplique a aussi permis à Martin Broome, médecin-chef du service de chirurgie orale et maxillofaciale du CHUV, de pouvoir opérer un patient atteint d’une fracture du plancher oculaire en quarante-cinq minutes au lieu d’une heure et demie.»
Une plus grande précision
L’orthopédie peut également compter sur les avancées de l’impression en trois dimensions. Notamment en ce qui concerne la pose de prothèses articulaires. Si ces dernières ne sont pas encore réalisées à l’aide de cette technologie, les guides permettant une découpe très précise des os avant la mise en place de l’implant le sont.
Cette technique est déjà utilisée depuis une petite dizaine d’années pour les prothèses de hanche et de genou, mais les HUG ont également réalisé en décembre dernier, et pour la première fois en Suisse, la pose d’un implant de cheville à l’aide de guides imprimés sur mesure.
Comment ça marche, concrètement? Une reproduction virtuelle des os de la personne à opérer est effectuée quelques semaines avant l’intervention à l’aide d’un scanner. Une reconstruction de l’anatomie en 3D du patient est ensuite réalisée afin de simuler l’emplacement idéal de l’implant. Enfin, des guides de positionnement et de coupe sont produits sur mesure par une imprimante en trois dimensions. Ces fameux guides, après stérilisation, sont utilisés pendant l’opération et placés directement sur les os du patient, permettant de passer rapidement à la coupe osseuse.
«Il s’agit d’une étape clé, car c’est à ce moment-là qu’est déterminée la pose de la prothèse, explique Victor Dubois-Ferrière, responsable de la chirurgie du pied et de la cheville et chef de clinique dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’appareil moteur des HUG. Sans les guides en trois dimensions, la localisation de la découpe osseuse est déterminée en s’orientant sur l’anatomie du patient et à l’aide de radiographies effectuées au bloc. Avec cette nouvelle technologie, le temps passé à ces différentes étapes préliminaires est ainsi épargné.»