Quantcast
Channel: L'Hebdo - Cadrages
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

Suisse-Union européenne: le plan A est mort, bonjour le plan B!

$
0
0
Jeudi, 25 Février, 2016 - 05:49

Décodage. Le Conseil fédéral n’a plus la moindre chance de mettre en application l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse» dans les délais prescrits. Seul un contre-projet à l’initiative RASA peut constituer une porte de sortie.

La politique européenne du Conseil fédéral sombre dans la plus totale confusion. Deux ans après le vote sur l’initiative de l’UDC exigeant l’introduction de contingents pour juguler l’immigration, le gouvernement s’avère toujours aussi impuissant à sortir de l’impasse dans sa relation avec l’UE. En décembre dernier, il proposait une clause de sauvegarde, unilatérale en cas de désaccord persistant avec Bruxelles. Moins de trois mois plus tard, il apparaît déjà que cette piste n’a aucune chance devant le Parlement. Le plan A est donc quasiment mort-né. «Il faut recourir au plan B et soumettre RASA en votation», demande Andreas Auer, membre du comité de cette initiative, qui tend à biffer le nouvel article constitutionnel 121 a.

Bruxelles avait prévenu la Suisse lors de la campagne de la votation du 9 février 2014. La commissaire européenne Viviane Reding avait tenu des propos qui avaient scandalisé l’UDC. «Si la Suisse veut conserver son accès au marché intérieur, elle doit absolument respecter la libre circulation des personnes (LCP)», avait-elle souligné avant de persifler: «Le fromage suisse est bon, mais il ne peut pas tenir de politique.» Bref, pas question de transformer la LCP en emmental plein de trous.

Force est de reconnaître aujourd’hui que Viviane Reding n’a fait qu’avertir les Suisses des risques qu’ils prenaient en approuvant l’initiative de l’UDC. Le 7 juillet 2014, le Conseil fédéral a certes tenté d’amadouer la Commission en la priant de renégocier l’accord sur la LCP. En vain: le même mois, la cheffe des Affaires extérieures d’alors, Catherine Ashton, indiquait ne pas entrer en matière.

Depuis, Berne et Bruxelles «dialoguent», mais sans réel progrès. Officiellement, personne n’ose le dire. Mais il est déjà évident que jamais la Suisse n’aura le temps de trouver un terrain d’entente avec l’UE, puis de faire passer une loi d’application en votation d’ici à février 2017, soit dans le délai de trois ans prévu par l’initiative.

C’est bien connu, l’espoir meurt en dernier. Au Département fédéral des affaires étrangères de Didier Burkhalter, mais aussi à celui de l’Economie et de la recherche (DEFR) de Johann Schneider-Ammann, on l’entretient comme on peut. L’essentiel est désormais «de créer une dynamique positive». Concrètement, la première priorité consiste à sauver les meubles et à rétablir le statut de membre associé à part entière de la Suisse dans le programme européen de recherche Horizon 2020.

Dans cette optique, le Conseil fédéral compte signer au plus vite l’accord d’extension de la LCP à la Croatie, car c’est ce refus concret qui avait incité l’UE à suspendre toute négociation avec la Suisse en février 2014. Si l’UDC devait lancer un référendum sur ce plan, le Conseil fédéral aurait de bonnes chances de le gagner. D’autant plus que cet accord prévoit justement une période transitoire avec des contingents!

Voilà donc une bonne nouvelle pour la place scientifique suisse. Mais cela ne résout pas encore «la quadrature du cercle» – pour reprendre le terme employé par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga – qu’est la mise en œuvre de l’initiative UDC. Et là, c’est toujours la bouteille à l’encre. Le scénario du «grand bricolage», esquissé par L’Hebdo dans son édition du 5 février 2015, se confirme au-delà de toutes les craintes.

Agacement

A Bruxelles, on n’est pas hostile envers la Suisse, juste un peu agacé tout de même. Car la seule priorité est désormais d’éviter le Brexit, soit la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. D’ici à ce référendum prévu pour le 23 juin prochain, il est exclu de promettre quoi que ce soit aux Helvètes.

Ensuite seulement, en priant pour que les Britanniques ne divorcent pas de l’Europe, la Suisse pourra reprendre la discussion. Mais là encore, il ne faut pas se bercer d’illusions. Vis-à-vis de la Grande-Bretagne, l’UE n’a fait aucune concession sur le principe même de la LCP: exclu de réduire quantitativement l’immigration. En revanche, elle a admis ce qu’on appellerait en Suisse des «mesures d’accompagnement» en accordant des restrictions à l’aide sociale et sur les allocations familiales. Autant dire que cela ne correspond pas du tout aux exigences de l’initiative de l’UDC.

Sous la pression du temps, le Conseil fédéral n’aura pas d’autre choix – le 4 mars probablement – que de se lancer dans un périlleux exercice de funambulisme. Il proposera au Parlement une clause de sauvegarde unilatérale, tout en sachant, voire en espérant, que les Chambres enterrent ce projet de loi et le renvoient à son expéditeur.

Ce sera probablement le cas. Le PS comme le PLR ont déjà annoncé qu’ils refuseraient une clause de sauvegarde unilatérale. Le PS reproche au Conseil fédéral d’avoir cédé aux sirènes de l’association faîtière Economiesuisse, qui dans un premier temps a donné l’impression de vouloir s’entendre avec l’UDC. Quant au président sortant du PLR, Philipp Müller, il a compris qu’une telle clause ne pourrait que fâcher Bruxelles. Il préconise désormais de privilégier une autre piste: instaurer le principe de la préférence nationale dans les branches à fort taux de chômage, comme la construction et le tourisme. Une démarche surprenante de la part d’un responsable politique sachant très bien que la préférence nationale, comme les contingents, viole le droit européen.

De plus en plus, on peut se demander si la sortie de crise ne passe pas par RASA, qui veut biffer le nouvel article 121 a de la Constitution. Bien que décriée par les partis bourgeois qui la considèrent comme un «déni de démocratie directe», cette initiative a le mérite de soigner le mal à la racine. «Le 9 février, l’UDC a menti au peuple en prétendant que l’UE renégocierait l’accord sur la libre circulation des personnes, résume le professeur de droit constitutionnel Andreas Auer. Maintenant, il s’agit de revoter au plus vite pour mettre fin à l’incertitude juridique qui est catastrophique pour l’économie.» Le Conseil fédéral a jusqu’au 17 octobre 2016 pour traiter cette initiative, voire jusqu’au 17 avril 2017 s’il veut lui opposer un contre-projet.

A ce titre, le rejet de l’initiative de mise en œuvre de l’UDC ce dimanche 28 février constituera un bon indicateur sur une potentielle nouvelle marge de manœuvre du gouvernement. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

Trending Articles