Analyse. Comment le président du Conseil italien, d’abord vu comme le messie par une bonne partie du pays, patauge désormais dans les réformes promises.
Lorsque Matteo Renzi, 39 ans, est devenu président du Conseil des ministres il y a deux ans, nombreux sont ceux qui voyaient en lui l’homme capable de rendre à l’Italie sa vigueur économique et politique. Mais, aujourd’hui, il s’est engagé dans une guerre contre la Commission européenne et ressemble à un cousin, version plus bourgeoise, du Grec Alexis Tsipras. Que s’est-il passé?
Renzi est un politique pur-sang. Il s’est emparé des rênes de son parti face à une oligarchie hostile. Il s’est joué de Silvio Berlusconi et de son rêve d’avoir encore son mot à dire. Et il manie la carotte et le bâton avec le Mouvement 5 étoiles de l’ex-comique Beppe Grillo, une formation contestatrice dont il aura besoin pour l’élection de la nouvelle Cour constitutionnelle.
Au début de son mandat, l’esprit florentin de Renzi – ce mélange quasi machiavélique de souplesse et de cynisme si utile en politique – a semblé la solution aux problèmes structurels du pays. L’homme a ouvertement affronté les syndicats et imposé son «Jobs Act», liquidant ainsi le fameux article 18 du Statut des travailleurs qui empêchait les entreprises de plus de quinze employés de licencier. Il a lancé la réforme de l’administration publique et amendé la Constitution en supprimant pratiquement le Sénat et en renforçant les prérogatives du président du Conseil.
Il pensait que ce lot de réformes convaincrait la Commission européenne de le laisser freiner sur le rééquilibrage du budget. Certes, on peut se demander pourquoi des réformes censées créer de la croissance exigeraient dans un premier temps un surcroît de dépenses publiques. C’est que Matteo Renzi raisonne en termes électoraux. Il joue des finances pour accroître son électorat. Avant les élections européennes de 2014, il avait annoncé un subside de 80 euros aux salariés mal lotis. Dans le budget 2015, il a supprimé la taxe immobilière communale et institué un bon de 500 euros pour la «consommation culturelle» des jeunes atteignant 18 ans.
Comme la renaissance du pays tarde à se concrétiser, les gens commencent à manifester leur impatience à leur dernier messie. Même si Renzi fut le premier à admettre que le pays avait besoin de réformes, et il en a réalisé quelques-unes, le diable se niche cependant dans les détails: l’objectif du «Jobs Act» est estimable mais il n’est toujours pas entré en vigueur, à l’instar de la plupart des autres réformes; le gouvernement n’a pas réussi à juguler ses dépenses; la réforme du service civil ne permettra pas d’économies budgétaires et l’engagement à tailler 16 milliards d’euros (sur un budget de 700 milliards) a été redimensionné à 6 milliards. De précédents gouvernements prévoyaient des clauses de sauvegarde, des outils instituant des hausses d’impôts automatiques quand les coupes budgétaires se révélaient insuffisantes. Or, Matteo Renzi envisage de les ignorer purement et simplement.
Pourtant, le président du Conseil paraît convaincu que ses réformes ont porté leurs fruits. Voilà des mois qu’il se vante que la croissance a repris. Or, elle est au mieux anémique car les Italiens n’achètent pas un nouveau frigo ou une nouvelle voiture en fonction des certitudes de leurs dirigeants. Comme la croissance est apathique, le problème doit être du côté de Bruxelles et de son exigence d’austérité. Si le Dr. Renzi-Jekyll veut des réformes de l’offre, Mr. Renzi-Hyde veut une hausse de la demande. Au lieu de se débarrasser des obstacles à la création de richesse dans le secteur privé, il défend une plus grande redistribution par le biais du secteur public.
Son diagnostic initial était pourtant le bon: un marché du travail rigide, une bureaucratie inefficace, un excès de réglementations et trop de taxes. Mais, quoi que Matteo Renzi en dise, ces problèmes endémiques de l’Italie n’ont pas été résolus en vingt-quatre mois. Il avait la thérapie adéquate, mais n’a pas su l’administrer.
Le problème n’est probablement pas que Renzi ne serait qu’un ex-maire peu au fait des arcanes internationaux. Nous savons que, deux ans après sa nomination, il est trop malin pour ne pas maîtriser son job. Mais Renzi a commis une erreur commune à bien des gens malins: il s’est mis à croire à sa propre propagande.
Traduction et adaptation Gian Pozzy