Analyse. Cinq pour cent des collections de l’institution sont «à risque». En cause: l’existence de faux ou de pièces de provenance douteuse. Le musée réagit en renforçant sa déontologie.
Il y a peu, une responsable du Musée olympique de Lausanne est allée voir Jean-Yves Marin, directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève. Non pour parler de la difficulté à rénover ce genre d’institution - la Lausannoise a accompli cette tâche sans problème en 2013-2014 -, mais pour aborder la question de l’éthique des musées. Jean-Yves Marin est une pointure mondiale en la matière. Coauteur du Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, établi par Conseil international des musées (ICOM), il est souvent mis à contribution pour dispenser des conseils de bonne conduite. Y compris au sein de sa propre institution, lorsqu’il s’est agi de vérifier la provenance de pièces de la collection archéologique du mécène Jean Claude Gandur.
Ouvert en 1993, le Musée olympique conserve aujourd’hui 70 000 objets liés à l’histoire du mouvement et aux divers jeux d’été ou d’hiver. Dans cette masse, 50 000 témoignages méritent d’être exposés un jour ou l’autre dans le bâtiment d’Ouchy. Ou dans la trentaine d’autres musées olympiques répartis dans le monde. Entre donations sans importance et babioles anecdotiques, les 20 000 autres pièces ne sauraient prétendre à cet honneur.
Faux objets olympiques
Or, 5% des 50 000 objets dignes d’être exposés «sont potentiellement à risque», concède Francis Gabet, directeur du Musée olympique. Soit un millier de pièces. Un «risque» peut résider dans l’origine incertaine d’une pièce, le chemin qu’elle a emprunté pour arriver au musée, sa description scientifique ou encore son authenticité.
En effet, il existe de faux objets olympiques. Des contrefaçons qui, sur les sites de vente en ligne, essaient d’être prises pour des vraies. Passons sur la fabrication massive, en Chine, de faux pin’s, casquettes ou T-shirts lors des récentes éditions des Jeux olympiques. En revanche, il existe des copies frauduleuses de médailles anciennes, par exemple celles des Jeux nazis de Berlin en 1936, de torches olympiques et même de chaussures d’athlètes fameux. Lorsqu’elles sont authentiques, ces reliques peuvent valoir des milliers, des dizaines, voire des centaines de milliers de francs. Les plus recherchées sont les flambeaux olympiques, en particulier ceux fabriqués à peu d’exemplaires avant les années 1980.
Francis Gabet assure qu’aucune fausse médaille, ou fausse torche, n’est présentée dans l’exposition permanente de son musée. Pas de doute non plus, dans l’exposition, sur l’authenticité des vases, statuettes ou pièces sportives des premières heures de l’olympisme dans la Grèce antique. S’il s’agit d’une réplique, la mention figure sur les cartels d’information. Pas de trace, hélas, sur les mêmes panonceaux, du pedigree des pièces, en particulier l’indication de leurs ex-propriétaires.
L’espace du doute
C’est ici que s’engouffre le poison du doute. Le Musée olympique aurait acquis des pièces archéologiques de provenance douteuse dans les années 1990 à Genève. C’était encore l’époque où des camions venaient d’Italie avec des lots issus de fouilles clandestines, vendant des pièces archéologiques au tout-venant. C’est tout au moins ce qui se dit dans les milieux de la conservation au bout du lac. Francis Gabet conteste le bien-fondé de la rumeur: «On n’en a jamais eu la preuve!» Reste que nombre d’objets anciens du musée ont été expertisés ces dernières années. Et que l’un d’entre eux, une pièce grecque, est actuellement ausculté au Musée d’art et d’histoire de Genève.
L’important est la dynamique de bonne conduite qui a été amorcée à l’arrivée de Francis Gabet au Musée olympique en 2003, année également de la loi fédérale sur le transfert des biens culturels. Des millions ont été consacrés à la numérisation des archives du musée, mais aussi à l’expertise de ses collections. Manquait encore une claire connaissance, et l’application, des codes les plus récents de la déontologie des musées. Surtout à l’heure où le mot «éthique» résonne avec tant de force dans les milieux de l’art et du sport, le musée lausannois étant à la confluence des deux domaines. Là encore, la direction de l’institution a décidé de réagir, jouant la transparence. Une manière aussi de valoriser le travail effectué dans un musée très populaire, mais souvent regardé de haut par ses pairs.
Cap sur Rio, l’exposition
Entre animations et art contemporain, une évocation tonique de la ville hôte des JO d’été.
Le statut particulier du Musée olympique s’incarne dans cette exposition consacrée à l’esprit de Rio de Janeiro, qui recevra les XXXIes Jeux en août. Les activités ludiques, les cours de danse, l’hédonisme en clichés, les couleurs pétantes et la musique à plein volume se mêlent à des œuvres d’art contemporain de créateurs cariocas, dont beaucoup n’avaient jamais exposé en Europe.
La majorité d’entre eux sont des adeptes du recyclage (dont les ballons de foot) et du métissage des matières. Ils mettent ainsi en abyme l’identité chaotique, bigarrée mais aussi formidablement énergique de la ville brésilienne. Ce mélange sans complexe du divertissement populaire et de la culture muséale peut étonner. Pourtant il fonctionne ici, donnant envie de filer sans attendre à Rio.
A voir jusqu’au 25 septembre.