Récup.Transformer les objets au lieu de les jeter, c’est bien. Les embellir pour qu’ils deviennent design et élégants, c’est encore mieux. Notre sélection.
Elle est bien révolue l’époque où artisanat recyclé ne rimait qu’avec sac ou portemonnaie fabriqué à partir de berlingots Tetra Pak. De nos jours, les artistes-créateurs voient toujours plus loin, toujours plus beau. Vintage oblige, l’ingrédient clé reste le même: un produit usé et ayant du vécu. Le principe, donner aux rebuts une seconde vie, n’a pas changé non plus. A l’inverse du but qui, lui, est de créer quelque chose d’esthétique et de contemporain.
«Au-delà du recyclage, j’aime surtout le fait de pouvoir proposer quelque chose d’unique», explique ainsi Julie Bouldoires, bijoutière installée à Bienne. Même son de cloche du côté de Felix Mosimann, créateur biennois d’objets lumineux, composés de verre usagé. «Je ne dis pas forcément que c’est du recyclé. Je parle d’éléments datant du siècle passé, ça sonne bien plus design.»
Du Burkina Faso à la Suisse. Tandis que ces derniers créent eux-mêmes, d’autres écument les quatre coins de la planète d’où ils ramènent des pièces tout aussi recyclées que colorées. Passionnée de textiles, Inge Sjollema a créé il y a trois ans une boutique de distribution appelée Label-Etoffes. Installée dans sa magnifique demeure, à Genève, son échoppe foisonne de pièces venues d’Inde, du Burkina Faso ou encore du Japon. «Ce qu’il y a de beau avec les produits recyclés, c’est que chaque objet a sa propre histoire», raconte-t-elle.
A l’instar d’Inge Sjollema, Romain de Diesbach importe des produits artisanaux, du continent africain principalement. Son but? Faire découvrir et persister des savoir-faire peu connus dans nos contrées. «Pour que vivent les artisans du Sud», tel est ainsi le credo du jeune homme de 32 ans, gérant indépendant du Comptoir des artisans d’ailleurs (CADA), fondé à Fribourg en 2007.
Le constat est clair, ils sont nombreux à se côtoyer dans le monde de l’artisanat recyclé. De Ouagadougou à Bienne, en passant par Genève et Fribourg, quatre d’entre eux ont toutefois retenu notre attention. Leur point commun? Offrir des produits qui, par la qualité de leur fabrication, leur mise en valeur et leur vécu, obtiennent le titre de perles rares, éthiques et esthétiques.
Bienne, vivier de talents. Des perles, on en trouve tout d’abord chez Julie Bouldoires à Bienne et ce depuis pas moins de huit ans. Petite fille, elle aimait jouer avec les bijoux de sa grand-mère. Devenue grande, la créatrice de 35 ans a fait de son jeu son métier. Elle flâne dans les brocantes, plonge dans les collections de ses grands-tantes, à la recherche d’anciens modèles des années 30 à 90 qu’elle adapte ensuite à ce qui se fait aujourd’hui. Selon les époques, la matière des articles choisis change, allant du plastique à la pierre, en passant par le verre.
«Je ne retiens que les pièces pour lesquelles j’ai un réel coup de cœur», précise-t-elle. Une quête de longue haleine qui lui permet de façonner des bijoux vintage et inégalables dans leur genre. Sous ses doigts, les anciens modèles deviennent alors boucles d’oreilles légères et délicates. Assemblés au moyen d’un fil d’argent ou de vermeil (argent 925 plaqué or), les chapelets, chaînes et broches forment quant à eux des colliers uniques et branchés.
Bien que différent, le travail de Felix Mosimann s’apparente quelque part aussi à la bijouterie, tant il est fin et distingué. Menuisier de métier, ce designer de 53 ans crée des corps lumineux depuis plus de vingt ans. Des coupes et des bols, en verre ou cristal du siècle passé, tels sont ses outils principaux. Il les lave et les perce. Un processus complexe qui nécessite bien souvent plus d’une journée de travail par pièce. Puis vient l’étape qu’il préfère: l’assemblage.
«Cette phase, c’est mon dessert, illustre-t-il. C’est le cadeau après le travail.» Une, deux, trois, l’artiste biennois utilise jusqu’à sept pièces par lampe, selon son humeur et ses envies. Résultat: des lustres élégants et uniques, qu’il dote ensuite d’ampoules halogènes ou de LED.
L’art des contrées lointaines. Des lumières, on en trouve également au Comptoir des artisans d’ailleurs. Moins raffinées peut-être, elles s’adressent avant tout à quiconque court après plus d’exotisme. «En ce moment, nous travaillons principalement avec des artisans du Burkina Faso», explique Romain de Diesbach. Les critères de sélection résident dans la qualité du produit, l’imagination de l’auteur ainsi que les matières utilisées. Lampe, table basse et étagère sont taillées dans des barriques de pétrole et du verre. Plateau et figurine proviennent pour leur part de métal recyclé, chaîne de vélo et pièces détachées de moto.
Une fois passés sous les mains des artisans partenaires du Comptoir, ces objets nous font oublier qu’ils étaient à la base simples déchets.
Fortes d’une habileté tout aussi exceptionnelle, les personnes représentées par Inge Sjollema relèvent également le défi de donner à d’anciens détritus les apparats d’accessoires de valeur.
Ainsi, lorsque l’on entre chez cette belle femme de 57 ans, on trouve sur notre gauche des sacs et pochettes noirs, soulignés d’un ou plusieurs traits de couleur. Mieux connues sous le nom de produits de Gafreh (Groupe d’action des femmes pour la relance économique du Houet, l’une des 45 provinces du Burkina Faso), ces pièces sont confectionnées à partir de sachets en plastique, récoltés dans les rues de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso.
Lavés et séchés, ils sont ensuite découpés en lamelles, avant d’être tissés avec du coton pour devenir ces sacs à main et trousses, sobres et fonctionnels, dont on ne soupçonnerait jamais l’origine.
Moins connus, mais tout aussi intéressants, viennent ensuite les «sacs en maïs» du Japon. Déposés sur la droite de leurs concurrents burkinabés, ces sacs, originaires de la province de Fukui, sont réalisés en fibres d’acide polylactique, obtenu à partir d’amidon de maïs. Résistants et imperméables, ils sont avant tout biodégradables: enterrés, ils se dégradent entièrement. Portés à l’épaule, ils peuvent contenir jusqu’à 15 kilos. Magiques, beaux et pratiques.
Last but not least arrivent alors les kanthas. De couleurs vives et variées, on ne peut les rater. Ce d’autant plus qu’ils trônent au milieu de la pièce. Très utilisé au Bengale (Etat de l’est de l’Inde), au Bangladesh et au Bihar (Etat du nord-est de l’Inde), kantha se dit d’un travail de broderie réalisé à partir de restes d’étoffes. Originaires du village de Kajoli, dans le sud-ouest du Bangladesh, ceux de LabelEtoffes sont réalisés à partir de saris recyclés. Ils se conjuguent en plaids, housses de coussins, écharpes et colliers, uniques et raffinés.
Julie Bouldoires, Boutique CAYOU, Bienne, www.cayoubijoux.com
Felix Mosimann, www.kando.ch
Comptoir des artisans d’ailleurs, exposition temporaire du 23 novembre au 22 décembre 2013, à la galerie d’art L’Aurore, à Sorens (FR). Exposition permanente à l’ancienne Tuilerie du Mouret (Praroman, FR), www.lecada.ch
LabelEtoffes, Genève, www.labeletoffes.ch