Analyse. Les partis de gauche ont raflé six sièges sur sept à la Municipalité dès le 1er tour. L’effroi du PLR cache mal ses erreurs stratégiques.
La force du Parti socialiste à Lausanne est spectaculaire. Le dernier sur la liste au Conseil communal engrange 8821 suffrages, c’est-à-dire 1245 suffrages de plus que le mieux placé à droite. Diwambaka Lumanamo, 82e, a pourtant peu de chances d’entrer en cours de législature: ainsi va la proportionnelle qui offre des sièges à 67 autres candidats «moins bien élus». A l’exécutif, le trio socialiste Germond-Tosato-Junod a entraîné dans son sillage le duo vert Pidoux-Litzistorf et même le jeune popiste Payot. Depuis, une partie de la droite lausannoise joue les Calimero. C’est trop injuste: la gauche aurait dû limiter ses ambitions, elle n’aurait pas dû proposer une liste à six afin de laisser au moins deux sièges aux libéraux-radicaux.
Liste PKZ
Peut-on sérieusement reprocher à des partis d’avoir gagné des élections parce qu’ils s’y sont mieux pris que leurs adversaires, alors que le taux de participation en hausse de 9 points nimbe les résultats d’une légitimité accrue? Ce qui semble difficile à admettre, surtout, c’est que cette réussite au premier tour est une marque de satisfaction des administrés à l’égard d’une majorité rose-rouge-verte, en place depuis un quart de siècle, et qui fait du bon travail (même si son bilan est loin d’être parfait).
Les libéraux-radicaux ont échoué parce qu’ils ont commis beaucoup d’erreurs. La première est la constitution d’une liste PKZ, c’est-à-dire exclusivement masculine. Il y a dix ans, le parti cantonal avait failli commettre la même bourde pour le Conseil d’Etat. Seule la campagne d’investiture astucieusement menée par Jacqueline de Quattro avait ajouté un tailleur sur une affiche où il avait été prévu de ne voir se côtoyer que des costumes sombres.
Profiler de jeunes pousses
La section lausannoise souffre aussi d’une absence de personnalités profilées et connues loin à la ronde. C’est le moment de se souvenir comment la gauche a pris d’assaut la Palud. Elue en 1986 à la Municipalité, Yvette Jaggi arrivait de Berne, tout auréolée de sa notoriété de conseillère nationale et de son expérience à la tête de la Fédération romande des consommatrices. Quatre ans plus tard, lorsque la socialiste conquiert la majorité et la syndicature, c’est aux côtés d’un Daniel Brélaz qui lui aussi a fait ses classes au Conseil national. Or l’actuelle députation libérale-radicale aux Chambres ne compte aucun Lausannois, à part Olivier Français qui vient de prendre ses quartiers au Conseil des Etats, alors que trois socialistes sont issus du chef-lieu.
S’il veut reconquérir la Municipalité de Lausanne, le parti libéral-radical vaudois devrait veiller à mettre de jeunes pousses de la capitale en avant, en les faisant élire à Berne ou en leur confiant la présidence du parti, autant de postes qui donnent de la visibilité et génèrent des dividendes électoraux dans les législatures suivantes, comme peut en témoigner son actuel président, Frédéric Borloz (propulsé au Conseil national l’automne dernier).
Passage de témoin
Les socialistes appliquent à leurs mandataires des règles de limitation du nombre de mandats. Cela crée des frustrations et des déchirements, mais cela permet au moins de passer le témoin régulièrement. C’est ce qu’ont réalisé les roses lausannois depuis l’avènement d’Yvette Jaggi. Les libéraux-radicaux n’ont pas pu assurer une transition à l’amiable entre Olivier Français (à la Municipalité depuis 2000) et ses deux dauphins, Mathieu Blanc et Pierre-Antoine Hildbrand. Un départ anticipé et donc une élection complémentaire auraient pu mettre sur orbite l’un et préparer l’arrivée du second.
Tout au contraire, le parti cantonal n’a pas su gérer la non-candidature de Pascal Broulis au Conseil des Etats. Olivier Français est de tout de même parvenu à se faire élire au Sénat, mais l’incertitude qui a prévalu pendant des mois (des années) n’a pas aidé la section lausannoise à marquer des points auprès de son électorat.
Enfin, pour bousculer les partis de gauche alliés, il aurait fallu offrir une alternative de droite robuste, et donc négocier une liste commune à quatre ou cinq avec les démocrates-chrétiens et les vert’libéraux.
Au final, le PLR, qui enregistre le deuxième meilleur score au Conseil communal, a tort de jouer les Calimero. Cette posture victimaire ne peut que nuire à l’image de son champion pour le second tour, qui doit tout de même terrasser une candidature de combat de SolidaritéS, qui prend prétexte de l’enjeu municipal pour contester la version vaudoise de la réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III), défendue avec vigueur par le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard. L’électorat de gauche se voit ainsi offrir un avant-goût de ce qui l’attend pendant une législature si le rescapé PLR n’est pas élu. Une douce zizanie, tant il est vrai qu’une partie de l’extrême gauche n’existe politiquement que dans la dénonciation des travers de la participation des socialistes aux institutions…