Dejan Nikolic
Analyse. Le nombre d’individus dont la fortune est égale ou supérieure à 30 millions de dollars a diminué l’année dernière. La faute à la conjoncture et à la volatilité des marchés. Où vivent ces personnes? Quel âge ont-elles? Comment dépensent-elles leur argent?
Le nombre de superriches dans le monde a reculé l’an passé. Pour la première fois depuis la crise économique de 2008, le club des UHNWI – pour ultra high net worth individuals – a perdu 5600 membres. Selon le Wealth Report 2016, 10e édition du genre présentée cette semaine en Suisse romande, la planète dénombre désormais 187 500 personnes possédant une fortune nette disponible supérieure à 30 millions de dollars. Les raisons de ce recul qualifié d’historique (-3%): le ralentissement économique et la volatilité des marchés qui l’accompagne, la chute des prix des matières premières, ainsi que l’affaiblissement de la grande majorité des monnaies (excepté le yen japonais et le shekel israélien) par rapport au dollar.
Le pointage annuel des superriches est réalisé par la société britannique Knight Frank, leader mondial de l’immobilier haut de gamme, en partenariat avec son homologue genevois Naef Prestige. L’enquête exploite notamment des données de Wealth-X, le spécialiste des UHNWI basé à Singapour, dont le fondateur, David Friedman, est issu des rangs de CB Richard Ellis, une entreprise américaine de conseil en placements fonciers qui compte parmi ses clients la famille royale d’Arabie saoudite ainsi que divers fonds souverains moyen-orientaux et asiatiques.
Les Mercedes-Benz 300 SL ont la cote
Si le nombre d’UHNWI a connu une croissance de 61% depuis 2005, le recul de l’année dernière marque un point de rupture. A en croire l’analyse de Knight Frank, leur progression est appelée à ralentir. A l’horizon 2025, le monde ne devrait recenser «que» 76 000 superriches supplémentaires (+41%), répartis de manière inégale à travers le globe, soit +66% en Asie, contre par exemple +27% en Europe. Pour l’heure, la planète compte 13 millions de millionnaires, contre 8,7 millions il y a dix ans. Ensemble, cette population concentre environ 66 000 milliards de dollars de fortune, soit davantage que la valeur totale des marchés financiers, tous pays confondus.
Que font-ils de tout cet argent, ces superriches âgés en moyenne de 62 ans en Suisse et plus proches de la quarantaine lorsqu’ils viennent de pays émergents? Ils le dépensent en partie. Mais en placent l’essentiel notamment dans des œuvres d’art, des logements prestigieux ou des bijoux d’exception. Parmi ces «investissements passion», les voitures de collection ou simplement de luxe ont remporté, ces dix dernières années, le plus de succès. Avec un record atteint aux enchères en 2014 pour une Ferrari 250 Berlinetta (1962), adjugée à 38 millions de dollars. «Mais 8 des 25 bolides à être passés sous le marteau pour plus de 10 millions de dollars l’ont été en 2015», signale Tom Bill, l’une des chevilles ouvrières de l’étude de Knight Frank. Exemples: une Jaguar pour 13,2 millions de dollars, une Porsche à 10,1 millions ou encore une McLaren à 13,7 millions.
Et dans les modèles – pour rouler tous les jours – les plus prisés, dont la valeur est supérieure à 1 million de dollars, on trouve la Mercedes-Benz 300 SL (+8,5%), la Ferrari 275 GTB/4 (+4,1%) ainsi que la Shelby Cobra (+2,6%). L’engouement pour ces catégories de véhicules anciens et modernes a été de 490% depuis 2005. Rien que l’an passé, leurs ventes ont connu une croissance de 17%. C’est loin devant le vin (+5% en 2015 et +241% sur dix ans), les pièces de monnaie rares (+13% et +232%), l’art (+4% et +226%), les timbres (+2% et +166%) ou encore les diamants d’exception (+138% depuis 2005), l’horlogerie (+5% et +67%) et les meubles design (-6% et -29%).
Genève, point d’ancrage privilégié
Où peut-on rencontrer des UHNWI? Surtout à New York (5600 superriches) et à Londres (4900). Et un peu partout aux Etats-Unis, en particulier à Los Angeles (2800) et à San Francisco (2200). On trouve par ailleurs 3900 membres de cette communauté à Hong Kong et presque autant à Moscou. Genève et Zurich, de leur côté, en abritent respectivement 1607 et 1754. A noter que ces deux villes recensent aussi environ 100 000 millionnaires chacune – entre 5000 et 6000 multimillionnaires – soit presque autant que Pékin, mais deux fois moins que Tokyo, par exemple.
D’après les témoignages de 400 banquiers privés ou conseillers financiers du monde entier, censés représenter l’avis de leurs clients les plus fortunés, Genève a chassé l’an passé Zurich du top 10 des agglomérations les plus importantes aux yeux des superriches. La Cité de Calvin est désormais la 10e ville du monde – elle était toutefois 5e en 2013 et 7e en 2012 – juste derrière Pékin, Sydney ou Paris (Londres, New York et Singapour occupant les 3 premières places du podium) où les UHNWI aiment vivre, investir, scolariser leurs enfants, développer leurs affaires ou simplement passer du bon temps.
Quelques chiffres
13 millions
Le nombre de millionnaires recensés sur la planète.
61%
Le taux de croissance du nombre de superriches à travers le globe, de 2005 à 2015.
62
L’âge moyen des grosses fortunes vivant en Suisse.