Témoignage. Si seulement les Romands étaient les Grecs de la Suisse, comme l’affirmait naguère la «Weltwoche», car ce que font tant de Grecs pour aider les centaines de milliers de réfugiés qui débarquent chez eux est tout simplement remarquable.
Je viens de passer quelques jours en enfer. Les nuits à accueillir des hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards, handicapés, malades, débarquant transis et la peur au ventre, sur les plages de Lesbos, entassés à 40 ou 50 sur des Zodiac, et les journées à parler avec eux dans les camps d’accueil où les plus démunis sont logés, nourris, habillés et soignés.
J’ai passé ces mêmes jours au paradis. Voir tant de familles grecques souhaiter la bienvenue à ces réfugiés et partager avec eux le peu qui leur reste et me joindre aux volontaires qui viennent de partout, les uns pour quelques jours, d’autres pour plusieurs semaines, m’a permis de vivre des moments magnifiques!
Comment se passe l’arrivée des réfugiés? Notre rotation de volontaires se retrouve dès 23 heures au «campfire», sur la principale plage d’accueil, au sud de Mytilène. Nora, une jeune Allemande, sur place depuis deux mois, briefe les nouveaux venus. Et on attend. Comme dans Le désert des Tartares de Buzzati. Il est 1 heure du matin lorsque nous apercevons un signal lumineux au large. Jorge, un maître nageur espagnol, et ses collègues sont prêts. Ils seront quatre à entrer dans l’eau jusqu’à la taille pour amener le Zodiac sur la plage et empêcher les passagers d’en sauter trop tôt.
«Welcome, welcome!» crient les bénévoles, et c’est parti! Nora et Maria, une infirmière danoise, sont en première ligne et «récupèrent» bébés et petits enfants pour permettre aux mamans de débarquer. Bruno (un entrepreneur bâlois qui a pris deux semaines de vacances pour venir aider), Raphaël et Daniel ont posé des couvertures sur le sol. Ils aident les 43 réfugiés à enlever leur gilet de sauvetage, apportent de l’eau et des couvertures de survie, pendant que d’autres volontaires distribuent des vêtements secs et aident tout ce petit monde trempé et grelottant à s’habiller. Un médecin suédois ainsi qu’un interprète sont aussi à pied d’œuvre. Puis arrive le bus du HCR qui emmènera les réfugiés au centre d’enregistrement de Moria, à une demi-heure de là.
Alors qu’une partie des bénévoles attendent le départ du bus, c’est la course pour d’autres: un Zodiac arrive quelques centaines de mètres plus loin, sur une autre plage. Puis un autre encore, encore plus loin... On ne voit pas le temps passer. Il y a des moments de rire, des moments de pleurs, des embrassades et, quand arrive le jour et que nous avons enfin le temps de respirer, nous sommes épuisés, émus et heureux. Cette nuit-là, nous avons accueilli huit Zodiac et deux autres sont arrivés plus au nord.
En 2015, plus de 500 000 réfugiés ont débarqué sur cette île de 85 000 habitants. Il en arrive actuellement quelque 1500 par jour et ils seront bien plus nombreux dès le printemps, à Lesbos comme à Leros. De ce court séjour, il me reste un sentiment de honte face à cette Europe qui se referme et à cette Suisse, prospère mais frileuse, qui «envisage» d’accueillir quelque 8000 ressortissants syriens ou irakiens dans les deux ans. Laisser la Grèce quasi seule à assumer cette charge est un crime.
Si la solidarité entre les Etats est à vomir, celle entre individus est remarquable et la générosité de tous ces volontaires m’a chauffé le cœur. Et donc, un grand merci à Nina (34 ans, Dortmund), Rebecca (43 ans, Lesbos), Raphaël (25 ans, Berne), Maria (28 ans, Copenhague), Theresa (31 ans, Berlin), Luiza (25 ans, Madrid), Victoria (26 ans, Barcelone), Jorge (34 ans, Bilbao), Bruno (62 ans, Laufon), Magnus (49 ans, Göteborg), Ruth (71 ans, Appenzell), Boris (44 ans, Varna), Patrick, Georgia (à Leros) et la délégation «tutti frutti» d’IsraAid, dirigée par Manal, une Arabe chrétienne de Nazareth, accompagnée d’une psychologue de Tel-Aviv et d’un infirmier bédouin de Beersheba. Vous et tant d’autres, qui prenez sur vos vacances et vos économies pour aider, représentez ce que l’humanité fait de mieux.
Comment aider?
En vous rendant sur place! Aegean Airlines dessert Lesbos (Mytilène) et Leros au départ de Genève, via Athènes (environ 400 fr. aller-retour). Que faire sur place? Toutes les informations sur: www.lesvol.info
Les principaux groupes sur Facebook:
• Information Point for Lesvos Volunteers
• Dirty Girls of Lesvos Island
• Better Days For Moria
• No Borders
• Poseidon Storage Leros
• Iokasti’s Kitchen - Ladies of Samos