Servan Peca
Si l’accès à la propriété n’est pas un placement proprement dit, l’acquisition d’un logement peut se révéler payante. Mais il faut viser le très long terme.
S’acheter un logement en vaut-il la peine? Demandez à un promoteur ou à un courtier, il vous dira oui. Demandez à un conseiller financier ou immobilier, il vous dira peut-être. Demandez à un propriétaire, il se pourrait bien qu’il vous dise non.
Ce dernier n’a pas forcément perdu de l’argent en s’offrant une villa ou un appartement. Mais l’accès à la propriété ne doit pas être considéré comme un placement proprement dit. Chez les professionnels, presque tout le monde est d’accord sur ce point: un logement est d’abord un projet de vie, tout du moins d’un bout de vie. On le choisit parce que la cuisine est ouverte, parce que la vue est belle ou parce que les chambres sont charmantes.
Directeur romand de la société de conseil financier VZ, à Lausanne, Roland Bron confirme: il vaut mieux prévoir de s’installer durablement. Financièrement parlant, un logement à propre usage «peut être un placement intéressant, mais seulement à long terme, dans un horizon de plus de dix ans».
Et ce pour deux raisons: d’abord, pour se laisser le temps d’amortir les frais d’acquisition (honoraires du notaire, constitution d’une cédule…), qui représentent entre 3 et 5% du prix du logement, et les frais d’une éventuelle rénovation. Ensuite, parce que les prix sont très élevés.
A Fribourg, par exemple, une maison de 5 pièces, d’un standard moyen, vaut 675 000 francs. A Neuchâtel, 727 000, à Aigle, 770 000. Tandis qu’à Vevey, à Lausanne ou à Genève, ce genre de villa dépasse le million de francs, selon les données de Wüest & Partner. Sachant que les autorités, par crainte d’une bulle, veillent à ce que le marché immobilier ne progresse plus aussi vite que par le passé, une vraie plus-value sur un logement acquis entre 2010 et aujourd’hui est très hypothétique. «Dans les cinq ans à venir, le prix des logements a peu de chances de monter encore», résume Roland Bron.
Pourtant, en raison de taux hypothécaires au plancher, la propriété reste bien plus avantageuse que la location. Comme le démontre l’exemple ci-dessus, la différence entre les deux options est nette: 700 francs par mois. Certains craignent pourtant le poids fiscal de la valeur locative: les propriétaires sont imposés sur le loyer virtuel qu’ils pourraient encaisser grâce à ce logement. Malgré tout, «tout le monde préfère payer un peu plus d’impôts et beaucoup moins d’intérêts», reprend Roland Bron.
Si l’amortissement (de 1,25% par an) n’est pas inclus dans ce comparatif, c’est qu’il faut le considérer comme la constitution d’un patrimoine, une épargne que l’on récupère à la revente. A condition que le logement soit vendu au moins au même prix.
Pour conclure, l’expert de VZ met en lumière une erreur typique: les rénovations. Interrogez votre entourage qui en a fait l’expérience. Les dépenses postacquisition sont presque inévitables. Un nouveau sol pour la cuisine, une terrasse, un triple vitrage pour les chambres et le salon… «Ce sont des coûts importants mais, très souvent, ces travaux apportent peu de plus-value lors la revente. Et c’est encore plus vrai pour les villas», prévient Roland Bron. Autrement dit, une nouvelle cuisine n’est pas un bon investissement. Elle doit servir à son propre confort. Mais c’est aussi le charme d’un tel placement: l’indépendance et la liberté d’investir pour transformer son intérieur et améliorer son quotidien.
Pour qui?
- Actifs dans la force de l’âge disposant d’un minimum de fonds propres
- Retraités visant des économies de coûts
- Familles installées pour longtemps