Yves Hulmann
Le placement est en principe sûr, mais il ne rapporte plus rien. Il impose même un taux d’intérêt négatif à son détenteur! A moins d’investir dans une entité risquée.
Payer pour prêter de l’argentà l’Etat ou à une entreprise? L’idée, qui aurait paru absurde il y a peu d’années encore, est devenue une réalité sur les marchés obligataires. Les rendements (équivalant aux intérêts des comptes d’épargne) de nombreuses obligations émises par des collectivités ou par des sociétés au profil sûr évoluent désormais en territoire négatif.
Début mars, le rendement des emprunts de la Confédération à dix ans a plongé en dessous de -0,5%, son plus bas niveau jamais atteint. Pour les emprunts de moindre durée, à cinq ans par exemple, les rendements des emprunts de plusieurs Etats de la zone euro se retrouvent aussi en dessous de zéro. C’est le cas en Allemagne (-0,39%), le pays représentant le meilleur gage de sécurité, mais aussi en France (-0,23%) et aux Pays-Bas (-0,25%).
Les investisseurs qui placent de l’argent dans des obligations en francs suisses ne peuvent plus faire la fine bouche s’ils veulent vraiment encaisser un bénéfice. Ils doivent souvent se contenter de coupons situés entre 0,25 et 0,5%. Voire moins. Le 8 mars, Swisscom a, par exemple, émis un nouvel emprunt de 200 millions de francs à échéance 2028 doté d’un coupon de 0,375%. Le même jour, le géant de la construction Implenia a lancé un emprunt de 125 millions allant jusqu’à 2026 avec un rendement de 1%.
Certaines sociétés ne proposent plus que le strict minimum. Ainsi, en février, la Banque cantonale d’Argovie (notée AA + par l’agence Standard & Poor’s) a placé un emprunt de 100 millions de francs à échéance 2022 assorti d’un coupon de… 0%.
Rendements encore positifs aux États-Unis
Heureusement, les rendements obligataires ne sont pas négatifs partout. Aux Etats-Unis, les taux des bons du Trésor (l’emprunt de l’Etat fédéral) à dix ans évoluaient début mars aux environs de 1,8%, comparé à un niveau de plus de 2% observé jusqu’à la mi-janvier. Les marchés financiers doutent d’un véritable resserrement de la politique monétaire américaine. «Les marchés ont pratiquement exclu une hausse de taux cette année et au début de 2017», relevait l’assureur Axa dans une note récente. L’économie ne croît pas aussi vite qu’ils l’espéraient, ce qui devrait décourager la Fed, la banque centrale, à continuer de durcir sa politique monétaire, action qui aurait contribué à provoquer une hausse des rendements des obligations.
Le marché des obligations ne se limite pas aux seuls emprunts d’Etat. Pour les investisseurs disposés à encourir davantage de risques, les obligations d’entreprises jugées raisonnablement sûres (investment grade) peuvent constituer une alternative intéressante actuellement. Dans une note récente, le gérant d’actifs franco-allemand Oddo Meriten rappelait que les cas de défauts de paiement d’entreprises européennes restent très limités. Mais les rendements restent fort maigres, à l’image de ceux offerts par Swisscom et Implenia.
Vaut-il encore la peine de placer de l’argent dans des obligations plutôt que de le garder en liquide ou sur un compte bancaire? Si l’on a beaucoup d’argent, c’est le prix à payer pour la sécurité offerte par cette catégorie de placement. Au moins est-on (presque) sûr de revoir la couleur de son investissement.
Toutefois, la question doit tenir compte d’un autre paramètre, celui d’une possible application de taux négatifs aux dépôts bancaires. Seules quelques banques, à l’image de Lombard Odier, s’y sont résolues jusqu’à maintenant, et pour de gros dépôts. Mais rien n’exclut une extension de cette pratique à l’avenir, si la Banque nationale suisse devait encore abaisser ses taux. Dans un tel scénario, même un coupon proche de zéro serait plus intéressant qu’un compte qui s’éroderait lentement.
Pour qui?
- Amateurs de sécurité très élevée
- Gros épargnants à la recherche d’une diversification sûre
- Épargnants âgés