Patricia Meunier
Genève. Grâce à une certaine croissance de l’offre, la tendance générale des prix du logement va vers un tassement. Avec lui, la bulle immobilière se dégonfle progressivement.
L’heure de la relaxation a-t-elle sonné sur le marché de l’immobilier à Genève, le secteur affichant de nouvelles couleurs avec des prix plus raisonnables et une série de gros chantiers sur le point de démarrer? «Tous les indicateurs prêchent pour une détente, répond Etienne Nagy, directeur général du groupe Naef. Bien que le taux de vacance genevois, à 0,4%, reste le plus faible de Suisse, on observe un plus grand nombre d’offres de vente. En 2015, on a atteint le seuil des 2000 habitats construits, alors qu’auparavant on restait en dessous des 1500 unités annuelles.» Même constat pour le segment des propriétés par étage (PPE). Le nombre de logements vacants a nettement augmenté en 2015 pour dépasser le seuil des 100 appartements, selon Credit Suisse.
Côté demande, le flux de nouveaux arrivants reste très important au bout du lac et renforce les besoins en habitations. Le bilan migratoire reste fortement positif avec un solde de près de 8000 arrivants en 2014. De même que la hausse du nombre de personnes vivant seules ou sans enfants. «A Genève, 40% des ménages ne comptent qu’une seule personne et 27% sont des couples sans famille. Le corollaire de cette évolution, c’est la nécessité de produire en priorité des appartements petits (de 2 à 4 pièces), surtout dans les centres urbains», précise Fabien Rei, directeur du groupe SPG-Rytz.
PPE: tassement des prix
Les affaires dans la pierre restent par conséquent soutenues. «Le volume des transactions immobilières pour tous les segments a augmenté en 2015 et dépasse les 5 milliards de francs, dont près de 3 milliards concernent le domaine du résidentiel», observe Etienne Nagy.
Malgré cette accélération, les prix restent sous forte pression dans toutes les catégories de logement. «Le tassement progressif amorcé en 2012 se poursuit, analyse Fabien Rei. Il permet une correction «en douceur» après des années de croissance prononcée. La diminution peut osciller entre 5 et 20% et certains segments sont particulièrement frappés, comme les résidences de luxe, les bureaux à louer, les villas de prix intermédiaire. Le segment de la PPE résiste mieux, de même que la location d’appartements de taille standard.»
Les prix des logements standards ont diminué de 4% entre le dernier trimestre 2014 et le dernier trimestre 2015, selon Credit Suisse. Quant au haut de gamme, il souffre du «niveau très élevé des prix et du renforcement de la régulation, qui limitent la demande», confirme Fabian Waltert, du département recherche immobilière de la grande banque. Aussi les volumes ont-ils diminué dans ce secteur, qui ne représente que 3% du total des transactions du résidentiel. La tendance se poursuit.
Par rapport à 2012, où les prix se situaient encore entre 10 000 et 15 000 francs le mètre carré à Genève centre, les appartements apparaissent beaucoup plus abordables aujourd’hui. Ainsi, il faut compter entre 9000 et 12 000 francs le mètre carré en ville, alors que dans le reste du canton les habitations standard s’affichent entre 8500 et 9000 francs. Quant à la zone de développement où l’Etat contrôle les prix, on approche les 7000-7500 francs. Les écarts entre l’immobilier libre et celui contrôlé par l’Etat continuent de se rétrécir.
«Désormais très exigeants, les clients comparent davantage les prix avant d’acheter, relève Philippe Moeschinger, président de la direction générale du Comptoir Immobilier. Ils comprennent de mieux en mieux le domaine de l’immobilier. Avant, nous étions dans un marché de vendeurs, désormais nous sommes dans un marché d’acheteurs. Pour autant, le marché reste très dynamique et offre des opportunités d’acquisition très intéressantes, d’autant plus que les taux d’intérêt pour le financement hypothécaire sont très attractifs. Les biens doivent cependant être situés au juste prix pour rapidement trouver preneur.»
De nouveaux quartiers
Contrairement aux logements en propriété, le segment de la location à Genève souffre toujours de pénurie. Les loyers restent donc élevés. Les facteurs de détente pour cette catégorie proviennent d’une baisse de l’immigration en Suisse et des conséquences de l’acceptation en février 2014 de l’initiative populaire contre l’immigration de masse. Philippe Moeschinger note que «les appartements dont le loyer est inférieur à 4000 francs par mois trouvent preneur. Pour des loyers supérieurs, il est plus difficile de trouver un locataire. Selon les objets, on relève une correction de prix de l’ordre de 10 à 30%.»
A 5 km à l’est du centre-ville, sur le territoire de la commune de Thônex, les Communaux d’Ambilly et leurs 14 immeubles constituent l’un des plus grands projets genevois. Plus de 66 000 mètres carrés dédiés au logement (soit environ 670 lots) sont prévus en zone de développement. «Nous espérons commencer le chantier au début de 2017, avec une première livraison deux ans plus tard. Le site internet que nous avons lancé en ce début d’année pour informer le public sur le projet et enregistrer les demandes de renseignements ainsi que les marques d’intérêt connaît un fort succès. Le profil type de l’intéressé correspond à une clientèle plutôt genevoise, voire jeune et familiale», explique Philippe Moeschinger.
Parmi quelques grands projets de construction ayant reçu une autorisation entre 2014 et 2015, les Vergers à Meyrin programment 167 appartements. A Chêne-Bougeries, au chemin de la Gradelle 10, 136 appartements verront le jour. Au chemin de Compostelle, au Grand-Lancy, 133 unités sont planifiées, et plus d’une centaine seront terminées à la fin de cet été au chemin de Pinchat à Carouge. Le chantier du quartier de l’Etang, prévu pour 1000 logements, doit débuter cette année. L’avenir s’annonce plus dégagé pour le logement genevois.