Aïna Skjellaug
Vaud. Les logements haut de gamme et les régions périphériques sont les plus affectés par un excès de l’offre. En revanche, les habitations familiales restent très demandées.
Cela fait désormais quatre ans que les biens immobiliers ne se vendent plus comme des petits pains dans le canton de Vaud, une tendance qui affecte surtout les objets haut de gamme. Ceux-ci ont subi une chute de 20% environ. Quant au segment inférieur, les logements situés dans la fourchette de 1 à 2 millions de francs, il a essuyé une baisse des prix de 10 à 15%.
Et ce phénomène n’est pas près de s’inverser, le temps que les stocks des biens entre 1,5 et 3 millions se résorbent. Sur le bassin lémanique, 300 appartements de ce standing attendent des acheteurs. Aussi les professionnels prévoient-ils que l’érosion des prix se prolongera encore plusieurs mois.
Le promoteur lausannois Bernard Nicod résume la situation: «Globalement, tout va bien. La période est même excellente pour acquérir: les prix sont compétitifs, l’offre est large et les taux exceptionnellement bas.» Dans le marché du luxe en revanche, le géant de l’immobilier vaudois craint la concurrence du Portugal, de Londres ou de Bruxelles, des destinations que les amateurs de tels biens pourraient privilégier par rapport à l’arc lémanique. Les dernières votations auraient fait croître un sentiment de méfiance envers la Suisse, «le pays a perdu son avantage de cœur».
Prix des villas: une baisse tendancielle
Les prix des villas reculent dans l’ensemble du canton de Vaud, de manière plus marquée dans les localités de l’arrière-pays que sur les rives lacustres, ainsi que dans le segment de prix supérieur. Ivan Schmidt, directeur de la société spécialisée i Consulting, le confirme: «Nous sommes dans une baisse tendancielle homogène sur l’ensemble du territoire. Les projets existants ne trouvent leur public que lentement en raison de la baisse prolongée des prix.» Une lenteur qui s’explique par l’attente des acheteurs de saisir les meilleurs objets au meilleur prix.
Philippe Sormani, président de la société d’expertise immobilière CIFI, à Zurich, relève des écarts substantiels entre les différentes régions du canton. «Les niveaux de prix pour une villa type dans le canton au premier trimestre 2016 varient quasiment du simple au double entre Fontanezier, sur les contreforts du Jura (l’endroit le moins cher du canton), et Pully (le plus cher)», précise-t-il.
Pour Philippe Sormani, «plusieurs facteurs justifient ce grand écart, qui reflète simplement une attractivité plus forte pour Lausanne et sa région ainsi que pour l’arc lémanique. Les endroits calmes et reposants du Jura vaudois n’attirent pas autant que les coteaux ensoleillés des bords du lac.»
Catherine Michel, présidente vaudoise de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier et active à Coppet depuis plus de quinze ans dans le courtage, constate, elle, que certaines zones périphériques, notamment le pied du Jura, offrent des occasions qui séduisent ses clients. «Ces familles qui choisissent de s’éloigner des agglomérations, du trafic et des constructions à foison trouvent dans les communes que sont Arzier, Bassins ou Saint-Oyens une situation campagnarde qui augmente leur qualité de vie.
Elles y gagnent en tranquillité, sérénité et sécurité. De plus, dans cette région, les prix ont subi une correction générant de belles opportunités pour devenir propriétaire. Saint-Oyens, par exemple, se situe à équidistance de Lausanne et de Genève, et offre la possibilité d’acquérir une maison individuelle neuve pour moins d’un million de francs.»
Des signes de reprise se manifestent depuis quelques mois, affirment des professionnels. Selon le promoteur immobilier Patrick Delarive, les taux bas ont relancé la demande depuis le début de l’année 2016. «C’est tout simplement le meilleur moment de ces dix dernières années pour acheter. Si vous empruntez aujourd’hui 1,2 million et que vous mettez 300 000 francs de fonds propres pour acquérir un appartement de 140 m2, soit un 4,5 pièces, votre loyer revient à 1500 francs par mois, soit plus de la moitié d’un loyer en location. C’est le meilleur investissement qui existe. Lorsque l’on ne spécule pas, l’immobilier a toujours été le meilleur des investissements.»
Location: demande soutenue
Trouver un logement familial à prix abordable reste difficile, même en location. A Lausanne, les deux biens les plus recherchés sont les appartements en location de 1500 francs par mois, ainsi que les 4 pièces à 2500 francs. Le projet des Fiches Nord, dans le quartier de Vennes, comptera 657 logements, dont 343 en loyer libre et 297 à loyer réglementé, d’ici à la fin de l’année 2017.
Les loyers mensuels moyens, sans les charges, seront compris respectivement entre 1050 et 1500 francs pour un 3,5 pièces et entre 1600 et 2300 francs pour un 5,5 pièces. Dès 2017, 200 autres appartements seront construits dans le cadre du vaste projet des Plaines du Loup. Ainsi, aujourd’hui à Lausanne, quelque 1800 logements sont au bénéfice d’un permis de construire. Dans un périmètre comme celui du chef-lieu vaudois, il y aura toujours de la demande.
Sur fond de baisse des prix, les promoteurs renouvellent leurs critiques envers les autorités de régulation dont les décisions ont ralenti le marché. «En interférant pour ce qu’il croyait être, à tort, une bulle spéculative, le régulateur a mis en place des règles fondamentalement saines mais qui, instaurées en un an après dix-huit ans de cycle haussier, ont freiné sévèrement l’économie», regrette Patrick Delarive.
Pour faciliter l’accession à la propriété, Stéphane Defferrard, administrateur de DL Conseils en financement immobilier, suggère une idée: «Demander aux parents, s’ils sont propriétaires immobiliers, d’augmenter leur crédit hypothécaire et d’en faire profiter les enfants. C’est une manière de faire une avance sur héritage.»