Outre-SarinePlusieurs nouveaux parlementaires alémaniques ont déjà percé. Une brochette éclectique.
Catherine Bellini et Michel Guillaume
Parmi les nouvelles têtes alémaniques qui émergent au Parlement fédéral, on découvre un mélange très hétéroclite de types de politiciens.
A l’UDC, et cela ne surprendra personne, il y a les alignés couverts aux ordres du parti tandis qu’au PLR deux personnalités très libérales tiennent le haut du pavé. Chez les socialistes, pour l’instant, les nouveaux politiciens en vue sont plutôt des individus très particuliers et pas forcément représentatifs du parti.
Karin Keller-Sutter(PLR/SG)
«Le Conseil fédéral, c’est fini, fini, fini», dit-elle d’emblée. Candidate malheureuse face à Johann Schneider-Ammann, la Saint-Galloise a «définitivement» tourné la page. Pour l’ancienne conseillère d’Etat, une autre vie a commencé. Elle la partage entre le Conseil des Etats, où elle trône – élégante, voire majestueuse – plus qu’elle ne siège, et les conseils d’administration d’entreprises prestigieuses. La Bâloise, la NZZ, Swiss Retail – une association de la vente au détail qu’elle préside – et deux caisses de pensions lui ont tendu les bras. C’est dire qu’au Sénat elle est devenue la voix de l’économie, ce qu’elle conteste. Elle n’y a pas que des amis. A gauche, et parfois aussi à droite, on lui reproche de la jouer «trop perso».
Heinz Brand(UDC/GR)
Sera-ce lui, l’homme que l’UDC enverra au front pour regagner le deuxième siège qu’elle revendique au Conseil fédéral? Beaucoup le pensent et lui ne dit pas non. En tout, son ascension est rapide. A peine arrivé à Berne, cet ancien chef de l’Office des migrations du canton des Grisons dirige déjà la commission des immunités et assume la vice-présidence de celle des institutions politiques. «Hardliner», il ne dévie jamais de la ligne blochérienne, balaie toute concession pour faciliter la naturalisation et souhaiterait rendre exceptionnelles les autorisations provisoires en matière d’asile. Au PLR et au PDC, on estime pourtant qu’on «peut travailler avec lui». Il sera probablement candidat au gouvernement cantonal en 2014.
Balthasar Glättli(Verts/ZH)
Le successeur d’Antonio Hodgers à la tête du groupe des Verts quitte-t-il sa petite écharpe verte pour dormir? Est-ce cette allure d’éternel Petit Prince, sa position hyperouverte en matière d’asile, aux antipodes de l’autre Vert Bastien Girod qui agace? Si le Vert s’est imposé dans les médias – on le voit davantage que la coprésidente Regula Rytz outre-Sarine –, au Parlement et maintenant au groupe, notamment pour ses connaissances pointues en matière d’internet, il ne plaît guère à ses collègues. Peut-être parce qu’il incarne ce que le reste de la Suisse n’aime pas chez un Zurichois: le fait qu’il soit Zurichois, avec l’arrogance que cela suppose, et que, de la ville, il condamne le mitage du territoire dans les campagnes. Du coup, on se sent cul-terreux.
Andrea Caroni(PLR/AR)
On n’avait plus vu si bel homme sous la Coupole depuis le départ du Bâlois Christoph Eymann. L’ex-conseiller personnel de Hans-Rudolf Merz a trois points communs avec son mentor: le libéralisme économique, l’ancrage appenzellois et un talent pour les langues française, anglaise ou espagnole. Habile à attirer la caresse des projecteurs comme à obtenir la responsabilité de rapporteur pour une révision du droit pénal, l’homme ose défendre des positions peu populaires: le principe de proportionnalité dans la condamnation des pédophiles ou la liberté des prostituées et de leurs clients. Il danse très bien, aussi. Ce qui aide pour se glisser devant les autres.
Nadja Pieren(UDC/BE)
Un visage de madone, des manières douces, la directrice de crèches de Burgdorf tranche avec les jeunes femmes UDC qu’on connaissait jusqu’ici, Natalie Rickli ou Jasmin Hutter: incisives, claquantes et monothématiques. Après avoir œuvré en commission et tissé des liens avec d’autres partis, la jeune vice-présidente de l’UDC était sur tous les fronts cet automne: contre la vignette et pour l’initiative pour les familles. Autre mission en filigrane: contenir un BDP très fort dans le canton de Berne. Plutôt que de mitrailler ses arguments, Nadja Pieren les explique et semble authentique, davantage que le fort en thème zougois Thomas Aeschi, diplômé de Harvard, un type «tip-top» et qui fait la fierté de Christoph Blocher. Ce dernier lui a d’ailleurs confié la mise sur pied d’une nouvelle troupe anti-UE, le comité Non à une adhésion rampante à l’UE.
Cédric Wermuth(PS/AG)
Il y a ceux qui l’adorent et ceux qui l’abhorrent, le père de l’initiative 1:12, lui qui tire le Parti socialiste à gauche. L’étudiant argovien et francophone, 27 ans, ex-président des Jeunesses socialistes, soigne depuis toujours les provocations: après la fumette d’un joint en public naguère, il a osé qualifier, à la tribune du National, le fusil d’assaut d’«ersatz» phallique. Sous la Coupole pourtant, Cédric Wermuth sait aussi jouer une autre partition. Elégant, très courtois et respectueux des formes, il a déjà réussi un sacré coup. S’alliant à Christoph Blocher, il a signé et fait passer une motion d’ordre qui renvoie le programme d’économie au gouvernement, lui demandant un réexamen des dépenses, notamment un scénario qui réduirait encore davantage les frais de personnel. Effets? Il n’y aura pas d’économie du tout en 2014.
Jacqueline Badran(PS/ZH)
La terreur du Palais. Quand elle arrive, tout le monde fuit! Son style on ne peut plus agressif en irrite beaucoup, mais en fascine d’autres, moins nombreux il est vrai. La grande Zurichoise n’hésite pas à travailler les conseillers fédéraux au corps à corps, l’un après l’autre, pour faire triompher les causes qu’elle défend, comme le maintien de la Lex Koller pour enrayer la spéculation foncière. Elle a averti personnellement sa camarade Simonetta Sommaruga: «Si tu abolis cette loi, je t’attaquerai frontalement par référendum.» Elle est capable de le faire… et de gagner. Son côté très attachant et convivial compense cependant sa rudesse.
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