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La défense des Afro-Américains passe par le Net

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Mercredi, 4 Mai, 2016 - 05:46

Zoom. Un groupe de jeunes internautes révolutionne le mouvement des droits civiques et le fait entrer dans le XXIe siècle. Ses armes? Les réseaux sociaux et le «big data».

C’est la violence des manifestations de Ferguson en 2014 qui avait poussé DeRay McKesson à venir à Saint Louis. Le jeune professeur de 29 ans, visage anguleux et regard sévère, voulait donner de la voix pour dénoncer les injustices commises contre la population afro-américaine aux Etats-Unis.

Arrivé au sein d’une des manifestations, il voit la situation dégénérer. «Tout était calme, puis la police a aspergé la foule de gaz lacrymogène, se rappelle-t-il. Je suis parti en courant, les yeux en feu. Je ne pouvais pas croire que je vivais ça aux Etats-Unis.»

De simple quidam, DeRay McKesson devient un manifestant assidu. Dans la rue, il rencontre une autre manifestante, Johnetta Elzie, surnommée Netta. Ensemble, ils décident de documenter les troubles par le biais de leur compte Twitter. De cette collaboration en ligne est née We The Protesters, la version pour milléniaux du mouvement des droits civiques.

Cri de ralliement

Les groupes traditionnels, comme la National Association for the Advancement of Colored People et l’American Civil Liberties Union, sont encore actifs. Mais DeRay McKesson et Johnetta Elzie ont décidé de faire de We The Protesters le chef d’orchestre de la révolte sur le web.

Sur son site internet, We The Protesters répertorie les lieux et les dates des manifestations tout autour du pays, publie les paroles des différents chants et slogans à scander, présente des articles pertinents sur le sujet et regroupe les revendications des divers mouvements par Etat.

«We The Protesters a réussi à lier dans l’esprit des gens toute une série d’événements a priori isolés, comme la mort de Michael Brown, l’étouffement d’Eric Garner et le massacre de Charleston, pour rappeler quelle est la vraie source de ces tristes événements: le racisme aux Etats-Unis», explique Stefan Bradley, le directeur des études afro-américaines à l’Université de Saint Louis.

Le groupe, constitué principalement de six organisateurs âgés de 24 à 33 ans, enflamme les réseaux sociaux. Et communique à longueur de journée. DeRay McKesson envoie par exemple plus de 180 tweets par jour, décrit en direct le déroulé des manifestations, répond aux questions des militants, envoie des liens vers des articles et exprime en permanence son opinion de manière abrasive. L’un de ses tweets a cristallisé l’opinion de la communauté afro-américaine, devenant son cri de ralliement: «Quand on est Noir aux Etats-Unis, on est constamment terrifié. La seule différence est que certains ont davantage peur que d’autres. Nous vivons tous dans un état de terreur permanent.» Une photo publiée sur la Toile l’a transformé en symbole de la lutte noire: on voit DeRay McKesson au bord d’une route, sa main droite en l’air, avec un panneau qui dit: «Ma négritude n’est pas une arme. #dontshoot #handsup»

Un travail fascinant

Le duo a aussi lancé différents projets exploitant le big data. Il a fait appel pour cela à Samuel Sinyangwe, un homme de 24 ans basé à San Francisco, qui a récolté des données sur les fusillades mortelles aux Etats-Unis. «J’ai pu statistiquement prouver que les Noirs se font plus tuer par la police que toutes les autres races combinées», explique-t-il. Le jeune homme a ensuite publié ces données sur une carte en ligne. Elle permet de voir quelles régions aux Etats-Unis sont les plus mortelles pour les Afro-Américains.

Il a également conçu un système qui permet de comparer la situation entre différentes villes américaines. Le Washington Post et le Guardian ont repris ces cartes pour montrer la différence entre Blancs et Noirs aux Etats-Unis. «Utiliser des chiffres pour défendre notre cause nous a rendus bien plus crédibles», constate, satisfait, Samuel Sinyangwe.

«Ces jeunes ont des outils dont le mouvement des droits civiques ne disposait pas au XXe siècle, explique Stefan Bradley. Leur travail est fascinant et, grâce aux réseaux sociaux, ils touchent bien plus de personnes que Martin Luther King ou les Black Panthers n’ont jamais atteintes.»

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