Evocation. Dans l’univers coloré des groupes de reconstitution historique, l’Antiquité est à la hausse. C’est le Gruppo storico romano qui a lancé le mouvement. Visite.
Les gladiateurs, de la vulgaire pâtée pour les lions? Oui, dans les péplums de Hollywood, ce ramassis de clichés mensongers. Heureusement, il y a le Gruppo storico romano, pionnier de la reconstitution historique antique, pour rétablir la vérité. Son gladiateur en chef, l’aimable Monsieur Muscle Emanuele Vaccarini, explique le déroulement des jeux du cirque: «Les combats avec les animaux, c’était le spectacle bas de gamme du matin, avec les condamnés à mort. L’après-midi arrivaient les prisonniers de guerre, qui n’accédaient à l’arène qu’après cinq ans d’entraînement: s’ils gagnaient vingt combats, ils étaient libres. Certains restaient à Rome et passaient professionnels. Le clou du spectacle, c’était, en fin d’après-midi, les gladiateurs libres: de vraies stars, les Beckham de l’époque. Il n’était pas question de les tuer, ils valaient de l’or!»
Nous sommes sur la Via Appia Antica, entre ville et campagne. Au siège du Gruppo storico romano, association culturelle sans but lucratif, Emanuele Vaccarini, qui joue aussi, à l’occasion, les barbares au cinéma, commente une collection de casques garantis conformes à l’original du Ier siècle après Jésus-Christ: c’est Star Wars au carré. Dans le cadre de l’Ecole de gladiateurs, ce double champion du monde de pancrace instruit une quinzaine de jeunes Romains – dont trois filles. Il donne aussi des cours accélérés – «Gladiateur d’un jour» – aux touristes de passage.
Surtout, il participe aux manifestations du Gruppo storico romano. Parmi elles, SPQR, qui reconstitue la vie dans un village romain du Ier siècle. Prochain rendez-vous: les 14 et 15 mai (www.gruppostoricoromano.it). Il y a aussi la parade du 21 avril près du Colisée, pour l’anniversaire de la naissance de Rome: d’Allemagne, de France, de Roumanie, des Etats-Unis, le défilé attire des groupes qui déploient leurs danseuses, leurs légionnaires et leurs matrones sous l’œil épaté de 350 000 spectateurs.
Sur la scène, des groupes de reconstitution historique, l’Antiquité est à la hausse, tandis que le Moyen Age s’essouffle. «On peut dire que nous sommes à l’origine du phénomène», dit Sergio Iacomini, alias Néron, ex-employé de la Banque d’Italie et fondateur du Gruppo storico romano en 1994. Depuis, Néron a dénombré un millier d’associations du même type dans le monde, dont cinq ou six en Suisse. «Certaines ne travaillent qu’en collaboration avec des musées. D’autres, comme nous, allient la recherche historique et les spectacles grand public. D’autres encore vendent du folklore bas de gamme, du type toge-party dans les restaurants.»
Et les gladiateurs attrape-touristes du Colisée, interdits par le nouveau préfet de la capitale? N’en parlez pas à Néron: ces gâche-métier de pacotille ne sont pas dignes d’être mentionnés.
Dégâts d’image
Avec Hollywood, le fascisme est un des fléaux qui ont «massacré» l’image de la Rome antique, observe le retraité: «Aujourd’hui encore, celui qui fait le salut romain est identifié comme un nostalgique de Mussolini. C’est injuste! Vingt ans d’égarement ne peuvent effacer des siècles d’histoire. Nous sommes les héritiers de la Rome antique, nos lois, nos constructions en portent la marque. Nous devons renouer sereinement avec notre romanité.» Néron et ses amis font le salut romain «avec le bras légèrement fléchi, pour éviter les amalgames». Mais tous les groupes de reconstitution ont-ils le même souci? «En Hongrie, en Pologne, certains sont peut-être connotés à droite. Mais ce n’est pas le cas de l’immense majorité.»
Ce n’est en tout cas pas le cas du groupe Imperium Anticum de Nyon, qui a défilé à Rome en 2011 et participera aux Fêtes du Forum de Martigny, les 21 et 22 mai: spécialisé dans l’époque républicaine, il propose des «modules événementiels» pour soirées privées et des tranches de vie «à la romaine» aux élèves du Passeport vacances (www.imperium-anticum.com). «Les profs sont très contents, c’est de l’histoire vivante!» explique le cofondateur du groupe, David Pettinaroli. Chanteur, expert en sports de combat, cet ex-latiniste à l’Ecole Moser est resté en contact avec son propre prof, devenu son consultant scientifique. «Il m’aime bien: je dois être son seul élève qui est devenu Romain à l’âge adulte!»