Culture. Renzo Piano et Zaha Hadid ont dessiné les nouveaux paquebots culturels de la zone Flaminio en plein renouveau. Rareté de l’Auditorium: son bilan financier positif.
Forcément, à peine le chantier lancé, les ouvriers sont tombés sur les restes d’une villa romaine. L’architecte Renzo Piano a dû rehausser l’ensemble pour intégrer les ruines. L’Auditorium a mis dix ans pour voir le jour, en 2003. A la rondeur organique des trois carapaces de tortues géantes – les salles de concert de ce Parc de la musique – répond, depuis 2010, l’acuité déconstructiviste du Maxxi, le musée d’art contemporain dessiné par Zaha Hadid, autre star de l’architecture contemporaine.
Les deux ensembles se dressent à proximité l’un de l’autre, dans cette boucle du Tibre qui s’étend au pied de la colline chic des Parioli. Le quartier Flaminio se dégradait et l’arrivée de l’Auditorium l’a gentrifié: le village olympique (1960) est passé du statut de trou mal famé à celui de paradis des familles. Rehaussé par ses deux paquebots culturels, l’ensemble du quartier devient un but de promenade.
La réussite de l’Auditorium n’est pas qu’architecturale: si le Maxxi reste concentré sur les arts plastiques, le Parc de la musique est vite devenu, un peu comme la Cité des sciences de la Villette ou le Lincoln Center de New York, un point de rencontre grouillant d’enfants le dimanche, qui multiplie les rendez-vous en tout genre: du festival du livre à celui du film ou de la science, du marché bio au défilé de mode, l’Auditorium ratisse large. «Avec 600 événements et 2 millions de visiteurs par an, nous sommes le seul centre culturel italien de niveau européen», dit son attaché de presse, Giorgio Enea Sironi.
Mais ce qui fait de l’Auditorium un cas spécial, c’est surtout son bilan financier positif, une rareté pour une institution culturelle. «Les subventions publiques diminuent, nous sommes parés pour l’autonomie financière», ajoute le porte-parole. La fondation Musica per Roma, qui assure l’administration de l’ensemble, est notamment passée maîtresse dans l’art de rentabiliser ses espaces en les louant pour des congrès ou des événements commerciaux. C’est ici que la conférence TED Italie aura lieu en septembre. Avec cet appoint indispensable aux recettes de la billetterie, la maison assure un budget de fonctionnement de 6 à 7 millions d’euros. «La question plus incertaine est: qu’est-ce qui nous reste pour produire une saison culturelle?»
Côté musique classique, l’offre est assurée avec bonheur par une entité résidente mais indépendante: l’Accademia nazionale di Santa Cecilia, en pleine forme grâce à son directeur musical, Antonio Pappano, qui a dirigé le Royal Opera House de Londres. Ses concerts en famille du dimanche cartonnent.
La grande réussite de l’Auditorium lui-même est d’avoir créé l’Orchestra popolare italiana, qui prolonge la quête commencée dans les années 1970 par les ethnomusicologues amis de Giovanna Marini. Les rendez-vous festifs de l’OPI sont très courus: l’Ottobrata romana en octobre, dont le thème est variable, la Chiarastella début janvier, autour des chants traditionnels de Noël, et, le 1er mai, celui des Chants et danses de travail dans la tradition populaire italienne.
L’Auditorium avait également de hautes ambitions en matière de musique contemporaine, avec là aussi un orchestre maison et des projets originaux autour de thèmes graves comme la Méditerranée ou le drame israélo-palestinien. Mais le public n’a pas suivi et l’impulsion créative est retombée.
Cet été, le poétique amphithéâtre de l’Auditorium accueillera une fois encore une brochette de légendes du pop-rock, comme Santana, Joan Baez ou Sting. On peut les voir ailleurs, mais «dans un amphithéâtre comme celui-ci, qui ne compte que 3500 places, le chanteur est à quelques mètres de vous».
www.fondazionemaxxi.it
www. auditorium.com
L’Orchestra popolare italiana dell’Auditorium Paco della musica est présent sur Facebook.