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Résilience et mobilité, les deux ailes de l’économie romande

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:46

Enquête. La mobilité croissante des Suisses et des frontaliers contribue toujours plus favorablement au PIB romand, selon une enquête des banques cantonales réalisée à l’occasion du Forum des 100. Si cette richesse économique tient le choc, elle a aussi ses fragilités.

Les pendulaires intercantonaux et les frontaliers jouent un rôle économique toujours plus fort dans les cantons de Suisse romande. Ils y assurent désormais un cinquième de la création de valeur ajoutée ou 18% du produit intérieur brut (PIB) romand. En vingt ans, la part des pendulaires a ainsi doublé et celle des frontaliers a augmenté de moitié. C’est ce que révèle une étude réalisée par les six banques cantonales romandes avec l’Institut d’économie appliquée (CREA) de l’UNIL et publiée lors du Forum des 100.

Un autre volet de cette étude souligne que si la croissance de l’économie romande a été divisée par deux après l’abandon du cours plancher de l’euro en regard du franc, passant de 2,2% en 2014 à 0,9% en 2015, elle pourrait remonter à 1,4% cette année et à 2% l’année suivante. A condition bien sûr que l’euro continue à afficher un cours autour de 1,10 franc, voire encore au-dessous. La diversification, un marché intérieur solide et des activités à haute valeur ajoutée demeurent les atouts de cette région de Suisse, souligne le rapport des banques cantonales.

La population active de Suisse romande a la bougeotte. Elle se déplace toujours plus entre les cantons, augmentant ainsi les distances entre le domicile et le travail. Les résidents des régions limitrophes sont plus nombreux à venir travailler dans la région romande. Cette mobilité accrue, déjà observée lors d’une autre étude réalisée en 2013 sur les pendulaires (lire L’Hebdo du 23 mai 2013), contribue incontestablement à la prospérité économique de la région.

«En deux décennies, quelque 280 000 emplois y ont été créés», souligne Jean-Pascal Baechler, conseiller économique à la Banque cantonale vaudoise (BCV) et coauteur de l’étude. Le développement de la Suisse romande dépend fortement de cette main-d’œuvre mobile. Sont notamment concernées les activités manufacturières (horlogerie, machines, chimie et pharma), des secteurs où la valeur ajoutée des pendulaires et frontaliers (30%) est la plus grande.

Mais ce dynamisme suscite des tensions, notamment dans les cantons où, en plus de la hausse du nombre de pendulaires, celui des frontaliers est particulièrement élevé, comme à Genève (plus de 81 000 fin 2015) ou dans le Jura (près de 9000). Un flux intense de véhicules sur les routes ou des transports en commun bondés aux heures de pointe sont les conséquences redoutées d’une économie florissante. Laquelle, d’ailleurs, ne l’est plus tant que cela, fragilisée par un franc encore trop fort ou par la crainte fondée de la mise en œuvre prochaine de l’initiative «Contre l’immigration de masse».

Indispensables frontaliers

Dans le canton de Genève, les frontaliers fournissent 22% de la valeur ajoutée, pourcentage record avant le Jura (16%) et Neuchâtel (11%). «Sans eux, l’économie genevoise ne tournerait pas», constate Véronique Kämpfen de la Fédération des entreprises romandes Genève (FER). Sur un effectif de 3400 collaborateurs, Migros Genève, l’un des plus gros employeurs du canton, occupe 915 frontaliers (27% du total). Ces derniers sont également indispensables à la bonne marche des entreprises horlogères jurassiennes, neuchâteloises ou de la vallée de Joux qui ne pourraient s’en passer. Quant à leur profil, il a sensiblement évolué en vingt ans.

«Pour répondre aux besoins de l’industrie, des banques et des assurances, les frontaliers sont de plus en plus qualifiés», constate Giovanni Ferro-Luzzi, professeur d’économie à l’Université de Genève et à la Haute école de gestion. Cadres moyens et supérieurs remplacent progressivement ouvriers et employés.

Si les pendulaires qui contribuent à l’enrichissement des cantons (de 3 à 11%) sont apparemment plutôt bien acceptés par ceux qui les accueillent, les frontaliers étrangers de nationalité française sont toujours plus nombreux à exprimer un certain malaise. Antoine Vielliard, maire de Saint-Julien-en-Genevois, n’y va pas par quatre chemins: «Un tapis rouge est déployé devant les multinationales qui représentent 10% de la valeur ajoutée du canton de Genève alors que les frontaliers, dont la contribution est plus de deux fois supérieure, subissent insultes publiques et discriminations quotidiennes.»

Pourtant, une récente enquête réalisée par la FER montre qu’en moyenne seul un employé sur dix pourrait être remplacé par un chômeur local à Genève. Une autre étude de l’Observatoire universitaire de l’emploi, fondée sur l’envoi de CV fictifs à des annonces de places vacantes, a mis en évidence que les résidents suisses ont une probabilité plus forte d’être retenus que les candidats transfrontaliers. Enfin, phénomène récurrent depuis ces dernières décennies, les fermetures d’entreprises entraîneraient une augmentation plus forte du nombre de chômeurs en Suisse romande si les premiers touchés par des licenciements n’étaient pas les frontaliers. Ceux d’entre eux qui vont se déclarer à Pôle emploi en France ne sont pas comptabilisés dans les statistiques suisses.

Les conséquences du franc fort

L’enquête des banques cantonales et du CREA fait par ailleurs le bilan du coût du franc fort. Avec un brin de nostalgie: si le cours plancher avait subsisté, la croissance romande aurait grimpé de 2,2% en 2015 et de 2,1% cette année. La décision de la BNS aurait donc coûté 1,3% de croissance en 2015 et 0,7% en 2016. Dieu sait quelle aurait été la note à payer si l’abandon du cours plancher avait été décidé encore plus tardivement! L’enquête s’abstient d’un tel scénario, sans doute impossible à documenter.

Cantons, branches et secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Subissant l’effet d’une vague géante, les premiers touchés ont été les services, notamment le commerce et l’hôtellerie-restauration. La tendance au tourisme d’achat, particulièrement en France voisine, ainsi que le recours à l’internet ont encore fragilisé la situation de certains commerçants. Le rapport sur le PIB romand prévoit cependant une «croissance mesurée» en 2016 dans le commerce, les transports, les communications, la construction ainsi que dans les services publics et parapublics. Rien de tel pour l’hôtellerie-restauration, qui n’a pas fini de souffrir.

Quelque peu épargnées en 2015 par la vague du franc fort, les activités manufacturières tournées vers l’exportation en ressentent désormais les effets. C’est notamment le cas de l’industrie horlogère. Le parapluie des anciennes commandes engrangées avant la décision de la BNS, le 15 janvier 2015, et qui protégeait temporairement les entreprises s’est refermé avant que n’arrive un beau temps conjoncturel qui se fait encore attendre.

Jusqu’à l’annonce par la BNS de la fin du taux plancher, l’économie romande connaissait une croissance plus soutenue que celle de la zone euro. L’an dernier, elle est entrée en zone de fortes turbulences, son PIB n’augmentant que de 0,9%. De son côté, l’union économique et monétaire de l’UE a enregistré une croissance de 1,6%. Mais, espèrent les auteurs du rapport, l’écart devrait se combler en 2016 et 2017, à la faveur d’une reprise progressive de l’activité économique.

Des cantons plus perméables

L’économie romande affiche finalement une très grande perméabilité, tant à l’intérieur des cantons concernés qu’à l’extérieur. Si une telle ouverture présente de grands avantages en termes d’emplois et d’innovation, elle comporte aussi des risques sociaux, comme celui de la sous-enchère salariale. Pour éviter toute pression sur les salaires, comme le souligne Véronique Kämpfen, «l’inspection paritaire des entreprises mise en place à Genève durant ce mois de mai est à saluer». Hors secteur public, le canton dispose désormais d’au moins un inspecteur pour 10 000 employés. Il n’y a sans doute pas d’économie durable sans un solide volet social.

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