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Marisa, profession amoureuse

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:48

Récit. A 86 ans, Marisa Bruni Tedeschi publie «Mes chères filles, je vais vous racon­ter…» à l’attention de Carla et Vale­ria. Des confessions intimes et impudiques qui font mouche.

C’est une vieille dame indigne qui raconte sa vie. Marisa Bruni Tedeschi, née Borini à Turin en 1930, veuve depuis 1996, jure qu’elle n’a rien inventé. Qu’elle voulait juste «raconter sa vie» à ses filles lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elles ne connaissaient rien de son enfance ni de sa vie de jeune fille, jusqu’à la naissance de Valeria, l’aînée, en 1964. Et puis elle a continué à traverser le temps et à raconter. Paru le 4 mai, tiré initialement à 20 000 exemplaires, Mes chères filles, je vais vous racon­ter… connaît un démarrage fulgurant.

Et, plus rare, ratisse large en intéressant autant la presse féminine (Madame Figaro, Marie-Claire, Elle), la presse people (Point de Vue, Gala) que la presse généraliste dite sérieuse (Le Point, Le Journal du Dimanche, Ouest France, Libération).

Ce succès s’explique, et explique pourquoi vous allez aussi craquer.

Dans Mes chères filles, je vais vous racon­ter…, il est d’abord question de secrets de famille, fonds de commerce de toutes les bonnes histoires, et miroir cathartique des secrets de nos propres familles. Le plus lourd concerne sa fille Carla Bruni-Sarkozy, née en 1967, fille biologique non pas d’Alberto, épousé en 1958, mais de Maurizio Remmert, qui avait 19 ans et la beauté des anges lorsqu’il séduisit la jeune mère de famille de 35 ans qu’elle était. Marisa tombe enceinte mais ne songe pas à divorcer de son mari, qu’elle aime. Maurizio se marie avec une autre et part vivre au Brésil. Alberto élève le bébé comme le sien, sans que Marisa lui avoue jamais la vérité.

Ce n’est que peu avant sa mort, en 1996, qu’il lui dit qu’il a toujours su et souhaite libérer la famille du secret. Carla ne l’apprend qu’après son décès, et en voudra à sa mère de ne pas avoir pu en parler à son père de son vivant. Depuis, elle a rencontré Maurizio, l’a invité à son mariage avec Nicolas Sarkozy et l’héberge lorsqu’il vient à Paris.

Autre secret de famille: la maladie de Virginio, le fils de Marisa, mort du sida il y a dix ans, juste après Alberto. Qui est décédé sans savoir que son fils, qu’il adorait mais avec lequel il n’arrivait pas à communiquer, était gravement malade.

Ode à la passion, à l’art et à la liberté, le livre de Marisa fait preuve d’un franc-parler bienvenu et d’une audace rafraîchissante. Venant qui plus est d’une grand-maman de 86 ans, c’est irrésistible. «Natu­rel­le­ment, certains passages peuvent choquer. Mais tant pis, à 86 ans, je crois que je peux dire ce que je veux! […] Je n’ai été ni Mère Teresa ni Marie Curie… J’ai menti, j’ai trompé, mais je ne pense pas avoir fait de mal», écrit-elle, avant de balancer des sorties comme «La fidélité, c’est un peu barbant», sur le plateau de l’émission de Sophie Davant.

Une résistante résiliente

Marisa est du coup considérée comme un «bon client» des médias, qui se bousculent au portillon. A raison. Femme de caractère, ancienne pianiste professionnelle, elle pratique toujours le piano deux heures par jour, avec une préférence pour Bach, nage plusieurs fois par semaine, refuse de fêter son anniversaire depuis que, gamine, une invitation à son anniversaire le 1er avril a tourné au fiasco, les copines invitées ayant décidé de lui faire une blague et de ne pas venir. Et qui peut se targuer de commencer une carrière d’actrice de cinéma, avec succès, à plus de 70 ans? Présente cette année à Cannes pour le film La pazza gioia de Paolo Virzì, en lice à la Quin­zaine des réali­sa­teurs, elle s’est laissé convaincre en 2002 par sa fille Valeria de faire des essais pour son film Il est plus facile pour un chameau... Depuis, elle adore.

Elle parle de son «caractère profondément optimiste». Aujourd’hui, on dit «résilience», et c’est une des autres raisons qui font que Mes chères filles, je vais vous raconter… se lit comme le journal exemplaire d’une résistante résiliente que la vie et ses drames n’ont jamais cassée. L’enfance se passe avec la guerre et le fascisme dans une famille profondément antifasciste, le père obligé de porter la chemise noire devant Mussolini, les bombardements, l’exode de ville en ville pour fuir les fascistes puis les Allemands, qui faillirent les fusiller, elle et sa famille, pour avoir caché deux juifs, le décès brutal de son père d’un AVC en pleine guerre.

Et puis, plus tard, un professeur de piano qui la contraint à des attouchements, l’existence dorée qui s’écaille lentement mais sûrement, la vente des maisons et des collections d’art, le terrorisme avec les enlèvements d’enfants par les Brigades rouges, l’exil en France, et la mort tragique de son fils tant aimé. Le jour où Marisa apprend que Virginio est atteint du sida, elle ferme son piano, incapable d’y jouer pendant les quinze ans qu’a duré la maladie.

Le cœur et ses sens

Marisa est désormais une people, par la grâce du mariage, en 2008, de sa fille Carla avec un président de la France alors en exercice. Les voyeurs que nous sommes tous lisent aussi, du coup, Mes chères filles, je vais vous raconter… pour de très mauvaises raisons. Marisa n’est pas dupe. Mieux: après son mariage, qui lui a assuré une vie brillante à travers le monde, au contact des plus grands artistes de son temps (Rostropovitch, Noureïev, Georg Solti), elle était vaccinée et plus rien ni personne ne pouvait l’impressionner. Encore mieux: elle est restée d’une curiosité et d’une candeur sans faille et le récit ému qu’elle fait du voyage d’Etat chez la reine d’Angleterre auquel Carla et Sarkozy la convient est un régal.

Enfin, mais surtout, Marisa est une grande amoureuse et cette pratique de l’amour élevé au rang de religion a tout pour convaincre les désenchantés de l’an 2016. Mariée à Alberto, amoureuse de lui, qui a dû lutter pour l’imposer dans sa famille d’industriels turinois puissants, elle ne se prive pas, avec son accord, de suivre les inclinations de son cœur et de ses sens. Un jour, quelques années après l’affaire Maurizio Remmert, elle lui avoue être tombée folle­ment amou­reuse du pianiste Arturo Bene­detti Miche­lan­geli. Alberto la laisse vivre sa passion. Et lorsque Miche­lan­geli la quitte, Alberto, «extraordinaire», la console. De nouvelles grandes passions, elle en rêve.

«Fina­le­ment, le plus diffi­cile est de réali­ser, en vieillis­sant, qu’un beau jour, celles-ci n’ap­par­tiennent plus qu’au passé. Je suis veuve depuis vingt ans. A mon âge, que puis-je faire? Aimer un jeune, c’est beau­coup trop tard. Et un vieux, non. Je n’ai plus envie de passer du temps à soigner quelqu’un et à l’avoir dans les pieds!»

Rencontre avec Marisa Bruni Tedeschi mercredi 1er juin, 17 h, Payot Genève Rive Gauche.

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