Séverine Géroudet
Portrait. D’une inébranlable bonne humeur, Jacqueline Chelliah fait des miracles. La pétulante Genevoise a réussi à imposer son Funky Brunch de Genève à Paris. Prochaine étape: New York.
Le 29 mai prochain, le jardin d’un magnifique domaine genevois encore gardé secret accueillera près de 300 personnes pour un Funky Brunch inédit. Il s’agira de la première édition en plein air de ces événements culinaires festifs et nomades depuis leur lancement, en 2013. Et c’est un mystérieux chef étoilé genevois qui élaborera le menu de cette garden-party dominicale. Nul doute que le succès sera au rendez-vous, vu l’engouement suscité par les Funky Brunchs précédents, qui ont tous affiché complet.
Derrière ce concept ingénieux, on retrouve une Romande de 32 ans, Jacqueline Chelliah, qui n’a pas volé le surnom de Jackie Wonder, tant sa personnalité et son parcours impressionnent. Née à Genève d’une mère nigériane de 17 ans, Jacqueline est adoptée par un couple métisse. Sa mère est Suisse alémanique et son père Malaisien, originaire du Sri Lanka. Une fillette adoptée d’origine indienne et une petite sœur née d’une grossesse inespérée viennent compléter cette «famille Benetton», comme la qualifie Jacqueline. «Grandir dans cet environnement m’a inculqué une vision très ouverte et globale du monde, et que rien n’était impossible.»
Du sport aux agendas
En 2002, bac international en poche, la jeune femme se destine à des études de droit, mais change d’avis au dernier moment pour intégrer un programme d’études en gestion d’événements sportifs à l’Ecole hôtelière de Glion (VD). «J’ai promis à mes parents réticents qu’en terminant ces études, j’intégrerais le Comité international olympique (CIO).» Et quand Jacqueline Chelliah se donne un objectif, rien ne peut l’arrêter. En 2005, après des stages aux Jeux olympiques d’Athènes et au Musée olympique, elle obtient un poste au CIO. Mais l’énergique Genevoise a la bougeotte. Son bagou et sa détermination la mènent à la Fédération internationale de basketball, puis à l’UEFA, pour laquelle elle prend part à l’organisation de l’Euro 2008.
«Après cette expérience incroyable, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux dans le domaine du sport. Il était temps de changer de route. L’envie de créer ma propre entreprise a germé.» La jeune femme se lance alors dans l’élaboration d’une ligne de carnets combinant agenda et journal intime. «Un coach de poche, pour encourager les gens à prendre leur vie en main.» Le lancement des Jamathi Diaries fait le buzz dans les médias. La Fnac, Payot puis Manor décident de les distribuer. Les ventes s’essoufflent cependant et, bien qu’auréolé du Prix pour futurs entrepreneurs de Genilem, le projet s’arrête en 2010. Jacqueline y laisse des plumes.
Du marketing aux brunchs
Mais celle que ses proches qualifient de battante se remet vite en selle. Elle travaille quelque temps dans le domaine de la communication et du marketing, puis s’offre un long voyage à travers le monde. A son retour en 2013, elle est engagée à la RTS comme assistante de production. Cette même année, elle imagine, avec son amie Rana, un projet de brunch inédit, les Funky Brunchs.
La première édition, organisée le 1er décembre 2013 dans un bar des Pâquis, attire 120 personnes à la surprise des deux associées. Et, dès le lendemain, tout le monde réclame la date du prochain brunch. «Là, nous avons réalisé que nous tenions quelque chose.» Les deux associées peaufinent alors leur concept. L’atout des Funky Brunchs? L’ambiance, assurée par un DJ, les animations pour les enfants, deux services et le fait que les brunchs se déroulent dans un lieu différent à chaque édition, révélé au dernier moment, ce qui entretient le mystère.
Les Funky Brunchs s’enchaînent dès lors à un rythme effréné, réunissant toujours plus d’adeptes. Des petits restaurants de quartier aux palaces genevois, le concept caméléon s’adapte à tous les décors et s’exporte dans toute la Suisse romande. En 2015, alors séparée de son associée et engagée à 100% dans le projet, Jackie Wonder vise plus grand. Objectif: Paris. Et quand Jacqueline dit, Jacqueline fait. La jeune femme parvient à séduire le Mandarin oriental et son chef, Thierry Marx. La presse française s’en fait l’écho, tout le monde en parle, le brunch, qui a lieu le 11 octobre, est un véritable succès.
Créatrice d’idées
Après cette apothéose, la Genevoise, qui a frôlé le burn-out, prend du recul, établit un véritable business plan et réfléchit à la manière de développer son concept. En avril 2016, les Funky Brunchs reprennent de plus belle. «Pas plus d’un par mois par contre, et planifié sur le long terme.» Veut-elle s’assagir pour autant? Pas tout à fait. «Je réfléchis à des produits dérivés. Je travaille actuellement au lancement de Funky Brunchs pour les entreprises et développe un concept qui mêlera brunch et art à Monaco.» A la fin de l’année, les Funky Brunchs fêteront leurs trois ans. Cet anniversaire, l’entrepreneuse aimerait le célébrer à New York, avec une édition exceptionnelle.
Pour son ami Filip Opdebeeck, entrepreneur dans le domaine du vin rencontré sur les bancs du coaching Genilem, nul doute qu’elle y parviendra: «Rien n’arrête Jacqueline. C’est une fonceuse. Elle renverse les barrières avec une confiance inébranlable, tout en demeurant profondément humaine, spontanée et très drôle.» Le rendez-vous est donc donné en décembre à New York. Et pour la suite? La jeune femme s’imagine vendre son concept d’ici à quelques années, tout en continuant d’entreprendre. «J’aimerais être reconnue en tant que créatrice d’idées.» Mais elle envisage aussi de se poser. Objectif d’ici à cinq ans: être propriétaire de son appartement, fonder une famille et vivre entre Genève et l’étranger.