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Quand Parmelin se la joue «tough guy»

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:51

Zoom. Le conseiller fédéral vaudois a osé. Quoi donc? La chemise noire et la cravate blanche. Sacrilège? Nouvelle tendance aussi pointue qu’inconnue? «L’Hebdo» a mené l’enquête.

C’était vendredi 13 mai, à l’occasion des entretiens de Watteville, une rencontre entre le Conseil fédéral et les représentants des partis gouvernementaux. Complet-veston sombre, chemise bleue ou blanche et cravate discrète: les politiciens ont leur look habituel. Sauf un: Guy Parmelin, qui arbore une chemise noire et une cravate blanche. Stupeur et questionnement: quelle mouche a piqué le bon Vaudois? La Drosophila suzukii ne s’en prendrait-elle donc pas qu’aux vignes?

Le problème? Le duo chemise noire et cravate blanche est le signe distinctif des gangsters, les vrais méchants qui inversent les codes de la bonne société qui porte chemise blanche et cravate noire. Notre ministre se la jouerait-il tough guy, alors qu’une certaine presse met justement son intégrité en doute? A moins qu’il ne soit précurseur d’une tendance très pointue?

Vu l’importance du sujet, une enquête internationale s’impose. Tapons «black shirt white tie» – «chemise noire cravate blanche» – sur Google pour un premier tour d’horizon. A voir les commentaires, cette question vestimentaire préoccupe les foules. «Les gars qui s’habillent ainsi finissent en prison ou dans une caravane.» «C’est un look de racaille qui essaie d’avoir l’air sophistiqué.» Un avocat australien cite même l’un de ses confrères, lors d’un apéro de fin de semaine. «Les pauvres imaginent que les riches s’habillent ainsi.» Quels commentaires cruels! Ces donneurs de leçons de l’autre bout du monde exagèrent.

Look garçon de café

Revenons en Suisse, pays de la mesure, et passons faire un tour à La Cravaterie, boutique lausannoise spécialisée dans les chemises et cravates. Patricia Peytrignet, qui travaille depuis vingt-cinq ans dans le domaine, constate: «C’est un style qu’il faut assumer et qui n’est pas adapté à Monsieur Tout-le-Monde. Par contre, pour un beau jeune basané qui en jette, pourquoi pas.» Et pour un homme plus âgé? «Dans ce cas, il faut avoir la prestance, l’arrogance ou l’esprit. Mais ça fait tout de même très Cosa Nostra.» Ce qui n’est pas très malin par temps houleux.

Tout de même, deux avis de professionnels valent mieux qu’un. Qu’en pense-t-on chez Walpurgis, boutique lausannoise chic et branchée? Falco, 41 ans, constate: «Ça fait garçon de café ou enterrement. Chacun fait ce qu’il veut, sauf porter une cravate blanche. Un tel accessoire ne sert à rien si ce n’est à faire des taches de sauce à salade ou des dessins d’enfants dessus.»

Nul n’est prophète dans son coin de pays, c’est hélas bien connu. Après tout, et si Guy Parmelin s’était mis à la mode alémanique, lui qui passe désormais la majorité de son temps à Berne? Voyons du côté de la capitale. Auteur d’un ouvrage¹ qualifié de «référence» par le Département des affaires étrangères pour les questions de protocole, Bernard de Muralt est catégorique sur l’assemblage «parmelinesque»: «C’est absolument exclu! De plus, une chemise noire tend la perche à la négligence. On ne voit pas qu’elle est sale. Il en est de même pour le gris foncé.»

Quelle enquête cauchemardesque! On n’est pas loin des commentaires féroces des Reines du shopping et le naufrage semble proche. N’y a-t-il vraiment personne pour sauver le caporal Parmelin? Un Zurichois peut-être? Après tout, la capitale économique ne compte pas pour des prunes en matière vestimentaire.

Auteur d’ouvrages sur les comportements à adopter, dont le dernier vient de paraître², le Zurichois Christoph Stokar semble être l’homme de la situation. «La couleur noire? Elle ne se porte jamais durant la journée, sauf lors d’un enterrement.» Euh… et la cravate blanche? «Jamais ou peut-être à l’occasion du mariage d’un mafioso, mais je ne connais pas ce milieu.» Passons. De fait, en matière vestimentaire, les Romands et les Alémaniques sont très similaires, selon lui.

«Ils sont discrets, veulent suivre la mode, mais pas trop, car leur préoccupation principale est le business. Par conséquent, il y a toujours quelque chose qui cloche dans leur tenue, les souliers, les chaussettes ou les manches courtes. C’est fait exprès, pour montrer qu’ils ne sont pas victimes de la mode.»

Dieu soit loué! L’honneur de notre ministre est sauf, enfin. Et Christoph Stokar arriverait-il à lire le message subliminal de la tenue noir-blanc du ministre vaudois? «Le message est: je suis un des vôtres et non un membre de la classe politique. L’important, c’est ce que je pense. Ne regardez pas mes habits, mais jugez-moi sur ce que je fais.» Ouch!…

1 «Usages du monde. Le savoir-vivre dans un monde sans frontières». Ed. Licorne, 2011.
2 «Der Schweizer Knigge. Was gilt heute?». Ed. Beobachter, novembre 2015.

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