Espèce menacée.Le cheval franches-montagnes, seule race indigène de Suisse, tend à disparaître. Enquête autour d’un animal sain, facile à vivre et résistant qui répondra présent au Concours hippique international de Genève.
Lorsque l’on écoute le Valaisan Jérôme Voutaz, champion suisse d’attelage à quatre chevaux, parler de la race des franches-montagnes (FM), on se demande pourquoi cet homme de 34 ans n’en est pas nommé ambassadeur sur-le-champ. «C’est LE cheval. Il est idéal, pour les débutants comme pour ceux qui veulent aller plus loin. Je n’ai pas fini d’exploiter ses capacités en compétition. Il n’est pas compliqué, facile d’entretien, robuste. Et l’on peut tout faire avec lui.»
La liste de ses qualités ne s’arrête pas là. Calme, sain, caractère fantastique, bonne entente avec les autres races, parfait pour les loisirs, le dressage, le trek, la promenade et même le saut jusqu’à 1 mètre 10. A ce stade, ceux qui en étaient restés à l’image du bourrin au gros derrière, juste bon aux travaux de la ferme, remballent leurs clichés, un brin contrits.
Quant aux spectateurs du Concours hippique international de Genève, ils pourront se rendre compte de ses qualités de compétiteur vendredi, lors de l’épreuve d’attelage à laquelle participera Jérôme Voutaz.
Vite, des naissances! N’empêche. Malgré ce profil de star, la survie de l’animal est préoccupante. En mars 2013, dans une interpellation, Irma Hirschi, députée de Moutier au Grand Conseil bernois, constatait «que la seule race indigène de Suisse est aujourd’hui menacée d’extinction». Et de citer des chiffres: «Ces quinze dernières années, le nombre de chevaux en Suisse (toutes races confondues) a augmenté de 36%. Or, dans le même temps, la race des franches-montagnes a vu son nombre de naissance diminuer de 49%.»
L’inquiétude des milieux politique et professionnel ne trouve pas plus d’écho auprès de l’Assemblée fédérale qui, au printemps dernier, a refusé un nouvel article 53 de la loi sur l’agriculture qui visait à contribuer à pérenniser la race jurassienne.
Selon Stéphane Klopfenstein, gérant de la Fédération suisse d’élevage des franches-montagnes, il reste 200 étalons et 3200 juments qui donnent naissance à 2300 poulains par année en Suisse. «Notre souci quotidien est d’inverser cette tendance.» On s’en doute.
Si, en terre helvétique, histoire oblige, il reste du travail pour changer l’image de lourdaud que traîne le FM, à l’étranger, ce cliché n’existe pas. «Nous le présentons comme monture idéale pour les loisirs et le sport. En janvier, lors de Cheval Passion à Avignon, des franches-montagnes seront sélectionnés pour la première fois à l’occasion du Gala des crinières d’or. Nous espérons trouver des débouchés dans le sud de la France.»
Dure, la concurrence. En attendant, les éleveurs suisses ne cachent pas leurs inquiétudes. A l’instar du Fribourgeois Marc Waeber, propriétaire d’une centaine de FM. Les raisons de la baisse? «La crise de l’euro et la concurrence des chevaux importés de l’étranger, vendus à des prix dérisoires.»
Contrairement à certains éleveurs jurassiens, Marc Waeber refuse de brader ses montures, qui valent, en moyenne, 7000 francs à 3 ans, nombreuses heures de débourrage obligent. Il poursuit: «Exporter revient cher: suivant la douane – Bardonnex ou Vallorbe – nous devons payer de 300 à 800 euros par animal. Dans l’autre sens, les éleveurs étrangers paient bien moins.» Il parle du ras-le-bol des propriétaires, car «il est compliqué d’avoir des chevaux, au niveau papier, puce, passeport et respect de la protection des animaux.»
Même constat de Didier Barras, qui se demande s’il ne reste pas du travail à faire, question image. «La promotion devrait être plus agressive. Pour ma part, je suis toujours stupéfait de la facilité et des capacités d’apprentissage du franches-montagnes.»